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Médias, sondages et politique spectacle

Si, comme lors de nombreuses campagnes électorales dans le passé, les médias mettent plus d'efforts à analyser la course à la victoire qu'à informer les gens sur les qualités et défauts des chefs de partis, des candidats et les valeurs qu'ils défendent, cela confirmera le changement qui s'est observé aux États-Unis et au Canada au cours des dernières années. La course à la victoire est plus importante que les idées véhiculées dans cette même course.
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Au cours des 35 prochains jours, des centaines de journalistes de partout au Québec et œuvrant dans tous les types de médias, seront à pied d'œuvre pour couvrir les évènements politiques de cette campagne électorale. Nous assisterons à une avalanche de points de presse, à des annonces quotidiennes, à des gaffes politiques et à des débats par médias interposés. Idéalement, les journaux, les sites web d'information et les bulletins de nouvelles présenteront du contenu politique ce qui aidera les citoyens à mieux comprendre les enjeux de la campagne et, ultimement, à faire leur choix. L'utilisation des résultats de sondages risque toutefois de damer le pion aux « vraies nouvelles ».

Avec une ligne de départ où les trois principaux partis politiques peuvent mathématiquement aspirer à former le prochain gouvernement, les risques d'assister à une couverture médiatique qui se concentrera essentiellement sur la course à la victoire et sur le positionnement des différents partis et de leurs chefs dans les sondages d'opinion sont grands. Dans le langage de la communication, ce phénomène s'appelle le « Horse race coverage » de la politique. Ce type de traitement s'oppose au « Issue coverage » qui se définit par une information qui se concentre davantage sur la couverture des enjeux électoraux et des propositions de politiques publiques effectuées par les différents partis et candidats.

C'est devenu un classique lors d'élections générales: les médias engagent des firmes de sondages qui, presque quotidiennement, prennent le pouls de la population. Ces entreprises de presse ont donc de nouveaux résultats tous les deux ou trois jours concernant les intentions de vote des Québécois. Il devient facile pour eux d'utiliser ces données pour en faire des nouvelles. Mais en sont-elles?

Les résultats de sondages ne sont en fait rien de plus qu'une photo momentanée de l'opinion d'un groupe (représentant en principe la diversité de l'opinion publique) sur des questions données. Il faut analyser ces données avec prudence et surtout éviter les généralisations et les conclusions lorsque les résultats indiquent par exemple qu'un candidat perd deux points de pourcentage, ou qu'un autre en gagne quatre.

Combien de ces professionnels de l'information ont une formation en analyse de méthodologie de la recherche? Lesquels d'entre eux peuvent expliquer l'importance d'une marge d'erreur ou du type d'échantillonnage? Pour interpréter les résultats de ces enquêtes, les journalistes feront souvent appel à des experts. Notez bien toutefois: les experts seront davantage réquisitionnés pour analyser les sondages que pour analyser les propositions politiques des aspirants au poste de chef du gouvernement.

Les sondages sont une source d'analyse confortable pour les journalistes. Ils peuvent se servir des tendances observées pour conclure un reportage, pour cadrer une nouvelle et même pour confronter les politiciens. Les sondages n'ont pas tous les maux, loin de là. Ils ont en effet la qualité d'indiquer aux gouvernants les fluctuations de l'opinion publique sur des dossiers importants. N'eut été de ces enquêtes, le gouvernement n'aurait jamais instauré les deux dernières commissions d'enquêtes, le PQ n'aurait pas fait d'examen de conscience et de nombreuses politiques publiques n'auraient peut-être jamais vu le jour au fil des années.

Mais est-ce qu'une campagne électorale doit seulement être un moment où on se concentre à analyser lequel des partis a le plus de chance de l'emporter? Il est important en effet de connaître le positionnement des différents partis. Toutefois, il est au moins tout aussi important d'avoir une information éclairée sur les propositions des ces derniers et sur les enjeux de la campagne électorale.

Les médias ne nous indiquent pas quoi penser, mais bien à quoi penser. Lorsqu'ils décident de prioriser certaines nouvelles à d'autres et lorsqu'ils traitent un dossier avec un angle particulier, les médias nous imposent un cadrage. Si les sondages représentent la majorité des nouvelles, c'est que les médias considèrent que cette information prime sur le reste.

Si, comme lors de nombreuses campagnes électorales dans le passé, les médias mettent plus d'efforts à analyser la course à la victoire qu'à informer les gens sur les qualités et défauts des chefs de partis, des candidats et les valeurs qu'ils défendent, cela confirmera le changement qui s'est observé aux États-Unis et au Canada au cours des dernières années. La course à la victoire est plus importante que les idées véhiculées dans cette même course.

Le travail de journaliste en est un qui est difficile. Les différents impératifs avec lesquels ces professionnels de l'information doivent travailler leur imposent une pression importante. Durant la prochaine campagne électorale, ce sera toutefois à eux de nous prouver qu'on peut encore rêver d'une information politique qui rapporte des faits plutôt que des interprétations et surtout qui nous aide à comprendre les débats en profondeur, tout en évitant la « politique spectacle » ou les citoyens ne seraient que des spectateurs.

Jean Charest - Parti libéral du Québec

Portraits des chefs

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