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Comment j'ai succombé à Pokémon GO

Pokémon GO est un jeu dont les règles sont intentionnellement opaques. Niantic révèle très peu sur les mécanismes internes qui permettraient au joueur d'établir une stratégie pour se rendre à un but qui n'est même pas spécifié à l'heure actuelle. Autrement dit, ce jeu n'a aucune fin.
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Bruissements dans la verdure. Mouvements saccadés du feuillage. La menue créature violette se faufile dans le parc urbain orientant ses grandes oreilles vers les menaces de la cité. Zubat, Pidgeotto, Ekans ... Rattata les a tous agilement évités jusqu'à présent.

Soudain, il perçoit un cliquetis, un son résolument non-naturel. Qu'est-ce que c'est? Apparaissant subitement du ciel bleu, la terrifiante sphère rouge et blanche se dirige tout droit vers lui. Une pokéballe d'un entraîneur humain!

La pokéballe rebondit sur sa tête, mais aussitôt une deuxième surgit, s'entrouve pour révéler un jet de lumière aveuglant et Rattata est fait prisonnier. Maintenant, il appréhende son sort. Sera-t-il évolué en un hideux Raticate, envoyé à combattre un abonimable Gyarados ou tout simplement jeté comme une vieille chaussette au professeur Willow? Son destin est entre les mains de son entraîneur humain: le joueur de Pokémon GO.

Un jeu de réalité augmentée

Cette introduction romancée à l'univers Pokémon GO embellit un jeu somme toute assez simple se vantant d'être le premier jeu populaire de réalité augmentée. Qu'est-ce que la réalité augmentée (une traduction faiblarde de augmented reality) pour les néophytes? Il s'agit de surimposer sur le monde réel des éléments artificiels comme des animations ou du texte au travers d'une interface comme des lunettes avec écran, un casque de réalité virtuelle ou dans le cas de Pokémon Go, votre téléphone intelligent.

En termes concrets, l'application dans votre cellulaire (qui est un jeu) rajoute les animations des créatures Pokémon (ce sont des dessins) sur l'image vidéo normalement retournée par votre caméra sur l'écran de votre cellulaire. Vous voyez donc un rattata (un rat plutôt répugnant de l'univers Pokémon) en dessins animés sur votre prélart de cuisine, si vous regardez l'écran de votre cellulaire dans votre cuisine. Évidemment, le rattata n'est pas vraiment dans votre cuisine et vous ne le voyez qu'avec l'aide de votre téléphone.

Félicitations! Vous comprenez maintenant la réalité augmentée même si vous étiez technophobe.

«Niantic révèle très peu sur les mécanismes internes qui permettraient au joueur d'établir une stratégie pour se rendre à un but qui n'est même pas spécifié à l'heure actuelle. Autrement dit, ce jeu n'a aucune fin.»

Quand la folie Pokémon GO a rejoint l'Amérique du Nord au début juillet, j'étais sceptique (c'est ma déformation professionnelle) sur ce soi-disant phénomène de réalité augmentée qui propulsait la civilisation dans une réalité 2.0. J'ai donc installé (légalement) ce jeu de la compagnie Niantic sur mon cellulaire Android pour vérifier les dires des bonzes de la futurologie et du transhumanisme.

Un lent apprentissage

Pokémon GO est un jeu dont les règles sont intentionnellement opaques. Niantic révèle très peu sur les mécanismes internes qui permettraient au joueur d'établir une stratégie pour se rendre à un but qui n'est même pas spécifié à l'heure actuelle. Autrement dit, ce jeu n'a aucune fin.

La prémisse est primaire. Prêt? On décolle... Dans le jeu, vous êtes un entraîneur de Pokémons, ces bestioles de l'univers Pokémon qui calquent l'apparence de nos animaux réels, mais en version beaucoup plus monstrueuse. Par exemple, le serpent s'appelle Ekans (snake à l'envers, pas très original, j'en conviens), le pigeon est un Pidgey, l'hippocampe est un Horsea (de seahorse). La plupart évoluent en une créature encore plus féroce grâce à leurs bonbons respectifs et de la poussière d'étoiles.

En tant qu'entraîneur, votre personnage se promène sur la planète Terre en même temps que vous vous promenez, le jeu puisant dans les ressources de la technologie derrière Google Earth. Jeu mis à part, cette application est intéressante pour s'orienter, incluant même une boussole, puisque les routes, rivières, zones forestières et habitations y sont fidèlement représentées. Votre passager en voiture peut s'en servir pour vous guider (tout en jouant) car il est possible d'apercevoir où une route va mener ou bien si elle se termine en cul-de-sac.

Dans le monde virtuel de Pokémon GO, vous êtes seul sur la Terre avec les pokémons qui apparaissent aléatoirement dans votre champ de radar afin d'être capturés par vos pokéballes si vous les lancez bien (un simple glissement du doigt sur votre écran). Des pokéstops vous permettent de vous recharger en pokéballes et autres poké-objets utiles à votre quête des pokémons. Et c'est ici que cela devient intéressant.

«Merci Niantic de me diriger dans cette ruelle et au détour d'un long mur de briques d'y trouver une murale d'un graffiteur que je n'aurais jamais aperçu si je n'y chassais pas un imaginaire pokémon.»

Le charme opère

Car les pokéstops sont des endroits fixes qui référencent un endroit réel. Par exemple, telle murale, telle boutique touristique, telle statue. Bizarrement, tous les bureaux de poste sont des pokéstops ainsi que tous les sites religieux (l'athée en moi crie au meurtre, mais c'est passager). Indépendamment du jeu, on peut ainsi s'en servir pour connaître mieux sa ville, son village. Combien de murales et sculptures j'ai découvertes ainsi avec Pokémon GO. Merci Niantic de me diriger dans cette ruelle et au détour d'un long mur de briques d'y trouver une murale d'un graffiteur que je n'aurais jamais aperçu si je n'y chassais pas un imaginaire pokémon.

Quand le jeu fut disponible au Canada, je riais intérieurement de cet engouement exagéré pour un divertissement pour les enfants et les nostalgiques du dessin animé Pokémon (que je n'ai jamais regardé). C'est par un ami qui m'a forcé à installer l'application pour l'aider dans sa conquête des pokégyms (j'y reviens) que je me suis fait prendre à mon propre mépris des réalités virtuelles. Et me voilà, hallucinant des pokémons dans le monde réel où ils ne sont pas, confondant un réel pigeon pour un pidgey et un chat de ruelle pour que sais-je quelle nouvelle créature. Et parcourant systématiquement les ruelles de Montréal à la recherche des pokéstops pour y découvrir l'art urbain caché ou une énième statue de la Vierge dans une alcôve.

Un jeu violent

Capturer des pokémons, les faire évoluer en une créature supérieure et s'approvisionner aux pokéstops, mais où tout cela mène-t-il? Dans les pokégyms. Beaucoup moins nombreux que les pokéstops, les pokégyms sont aussi des endroits fixes liés à un site réel. Dans le jeu, ils sont représentés par des tours qui grandissent de niveaux à mesure que les pokémons s'y affrontent et gagnent de l'expérience de combat. Des morts? Non. Les pokémons combattent dans une arène jusqu'à évanouissement. Aucune créature ne meurt jamais (n'y ne se reproduit).

À partir d'un certain niveau d'entraîneur, le jeu vous demande de choisir une allégeance entre trois équipes mondiales, les rouges, bleus ou jaunes. Mis à part la différence des couleurs, ces trois équipes semblent s'équivaloir. Cependant, une seule équipe peut contrôler un pokégym à un instant donné, en y déposant comme garnison son meilleur pokémon. Et c'est là qu'une interaction interposée entre de purs inconnus se produit aux abords des pokégyms.

Le cocasse match au pokégym

Imaginez la scène (qui se produit réellement constamment et partout dans le monde en ce moment même!): un pokégym se trouve dans une halte routière. Vous constatez qu'il est contrôlé par une équipe ennemie. Vous vous rendez près du pokégym et stationnez votre voiture et tout en restant dans la voiture arrêtée, vous commencez à prendre d'assaut le pokégym avec vos propres pokémons. Puis soudain, une autre voiture se stationne près de vous et s'arrête. Après avoir capturé ce pokégym pour votre équipe et y avoir installé votre meilleur pokémon, vous constatez que votre pokémon se bataille avec les pokémons de la personne dans l'autre voiture. Et quelquefois, d'une autre voiture et d'une autre voiture encore peuvent survenir d'autres équipes.

Vous êtes en train de vous battre avec de purs inconnus à moins de quelques mètres, chacun dans son véhicule, frénétiquement tapant sur son cellulaire pour combattre entre les pokémons de chacun pour un but qui n'est que de contrôler un endroit dans un monde virtuel afin d'y apposer la couleur de votre équipe.... Et pourtant, les joueurs de pokémons s'y adonnent sans se demander si cette folie va cesser un jour.

Peut-être est-il temps que ça cesse, effectivement. Oh, mon cellulaire vibre. Il m'indique qu'un pokémon est à proximité. C'est un Eevee et il m'en manque beaucoup, il me faut le capturer. Je dois vous quitter, c'est urgent...

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