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Les albums moins connus de David Bowie (et plus intéressants)

La mort orchestrée par lui-même de Bowie (toute sa vie est une oeuvre d'art) suscite chez moi le même effroi que Lennon, la perte d'un génie artistique qui ne produira plus.
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Quel choc de me réveiller à l'annonce de la mort de David Robert Jones, alias David Bowie, chanteur, compositeur, producteur, acteur et peintre. Un artiste complet. Je ne pleure pas souvent pour une célébrité qui décède, je n'ai pas pleuré pour George Harrison, je ne pleurerai pas pour Sir Paul McCartney (ce qui n'enlève rien à leur talent), mais je me rappelle de chaudes larmes pour John Lennon à l'époque, avant même que je ne saisisse l'oeuvre des Beatles au complet.

La mort orchestrée par lui-même de Bowie (toute sa vie est une oeuvre d'art) suscite chez moi le même effroi que Lennon, la perte d'un génie artistique qui ne produira plus. Bowie n'a jamais cessé d'être pertinent, même sa quête de succès commerciaux au début des années 80 s'intégrait à sa démarche artistique constante. Son dernier album Blackstar (que je n'ai pas écouté encore mais que les premiers extraits suggèrent être une autre merveilleuse aventure expérimentale) est l'héritage qu'il nous laisse.

Sortir des clichés

On connaît tous Space oddity, Let's dance, Changes, Fame et les autres succès commerciaux choisis par les maisons de disques pour remplir leurs coffres et quoique ces chansons ont un certain intérêt, je vous propose de révéler les éléments plus méconnus (et plus intéressants selon moi) de son oeuvre musicale.

En un éclair, on pourrait résumer sa carrière en musique (car ça n'en finirait plus si je parlais aussi de ses rôles au cinéma) comme suit: un début en music-hall puis en folk rock à la Dylan, suivi par un essai en prog-rock pour finalement mondialiser le glam rock qu'il tuera non sans avoir tenté un opéra rock et par la suite s'exilera aux États-Unis pour une aventure en soul puis en funk et retour en Europe à Berlin dans le monde naissant de l'électronique et du krautrock et retournant aux États-Unis surfant sur le new wave et la commercialité mais tout en restant intègre artistiquement pour délaisser la musique et l'écriture à d'autres (non officiellement) et même se fondre dans un groupe comme simple membre, puis revenir en force à sa vraie nature de créateur et même un album concept sur le meurtre comme art en s'associant avec les artistes de l'heure et incorporant l'electronica dans sa musique, vivant les évènements du 11 septembre intensément et produisant des oeuvres pessimistes et perturbées, terminant le tout par un retour sur son passé et une mise en scène de sa propre mort. Ouf!!

Alors sans plus attendre, voici quelques albums peu connus qui auraient mérité une meilleure reconnaissance. Il n'est pas trop tard.

Diamond Dogs (1974)

Cet ambitieux projet d'opéra rock qui n'aura jamais lieu (c'était la mode à l'époque avec les Lamb lies donw on Broadway et Tommy) sur le 1984 de George Orwell est l'album rock progressif de Bowie. Outre la pochette intérieure qui dépeint un Bowie en mi-homme mi-chien (complet avec les organes sexuels), musicalement tous les prérequis du rock progressif y sont, des chansons qui se suivent sans interruption, des reprises de thèmes musicaux, un concept. La perle: Sweet Thing/Candidate.

Station to Station (1976)

Ce presque mini-album de six chansons pourrait tomber dans l'oubli si ce n'était que ce sont six de ses meilleures chansons, il n'y a aucun moment faible dans l'album. Créé durant sa période cocaïne, il avouait ne se rappeler de rien des sessions. Ayant tué son personnage de Ziggy Stardust quelques années auparavant, cette fois-ci il apparaît comme un cyborg, une incarnation provenant de son premier rôle dans le film The Man Who Fell to Earth. Qui se transformera ensuite en un Thin White Duke controversé frayant possiblement avec le nazisme. Musicalement, l'album est un mélange de rock européen et funk, une avenue qui malheureusement n'a jamais été poussée plus loin, interrompue par le disco et punk. La perle: Stay.

Low (1977)

Tout le monde connaît la magnifique chanson Heroes et l'album du même nom mais son petit frère paru quelques mois auparavant est Low et dans la même veine. Le premier de la fameuse trilogie Berlin où le trio très intime de Bowie, Brian Eno et Iggy Pop complotait pour redéfinir la musique et fuir la drogue de Los Angeles. Il est curieusement conçu, la première face contenant une série de chansons très courtes et la deuxième face étant entièrement instrumentale sauf le langage inventé de Bowie. Proposant des sons synthétisés avant les synthétiseurs, aujourd'hui tout ça peut nous apparaître banal mais à l'époque c'était révolutionnaire. La perle: Always crashing in the same car.

Absolute Beginners (1985)

Cette chanson du film de 1986 du même nom et du roman de 1959 (roman important dans la culture mod britannique) est un joyau dans sa période morne des années 80. La version longue est de 8 minutes et la bande sonore du film contient aussi des contributions des artistes de l'époque, Style Council, Sade.

Pretty Pink Rose (1990)

On entend trop les collaborations de Bowie avec Mick Jagger et Freddie Mercury mais ce devrait plutôt être cette chanson qui recueille les honneurs. Un don de Bowie à Adrian Belew, le célèbre guitariste de Zappa et King Crimson, en échange de sa participation à une tournée, Pretty Pink Rose apparaît sur l'album Young Lions de Belew, un bel effort des deux compositeurs avec une touche Bowie très reconnaissable. Originellement prévue pour son groupe Tin Machine, Bowie l'avait écarté et soumis à Belew pour en faire un hit. Très déçu du démo de son idole Bowie, Belew a réussi à complètement la remodeler pour en faire un succès entraînant.

The Buddha of Suburbia (1993)

J'avais cru que Bowie était fini jusqu'à ce que cet album inspiré de la bande sonore qu'il a composée pour cette minisérie britannique se loge dans mes oreilles (et mon cerveau). Rempli de moments étranges et intemporels, il contient certaines de ses meilleures chansons absolument ignorées par tous. Difficile de l'écouter comme un tout, mais plutôt comme des éléments disparates, Bowie le considérait comme son meilleur opus. Hautement expérimental, je crois que cet album est malheureusement beaucoup trop avant son temps. La perle: Untitled No. 1. S'il y a une dernière chanson de Bowie que je veux écouter avant ma mort, je veux que ce soit celle-là.

1. Outside (1995)

Bowie retourne à l'album concept avec 1. Outside. Une histoire complexe dans un futur rapproché au sujet de meurtres artistiques impliquant plusieurs personnages que Bowie mimique dans les chansons. L'album est gros comme un album double, largement improvisé avec l'aide de Brian Eno. Il devait être suivi par deux autres, d'où la numérotation. Comme beaucoup de projets de Bowie, cela resta inachevé et il n'y eut jamais de suites, quoique Brian Eno révélait que Bowie avait manifesté récemment de revenir à l'album. La musique est oppressante, industrielle et Bowie disait en entrevue à Charlie Rose qu'il était incapable d'en réécouter certains passages, trop émotionnellement intenses. Dans la même entrevue, il indiquait que créer de la musique lui a probablement sauvé une vie à l'asile. La perle: The Motel.

EARTHLING (1997)

Suite à la tournée Outside, Bowie et son guitariste de Tin Machine, Reeves Gabrels, ont voulu capturer le son qu'ils avaient créé à ce moment. Si quelqu'un doutait encore que Bowie ne soit pas simplement un reliquat du glam rock, Earthling en est la preuve, un album drum 'n' bass très contemporain de son époque. Avec des chansons puissantes et énergiques, le rocker cinquantenaire montre que l'âge n'affecte pas sa jeunesse intérieure. La perle: Dead Man Walking.

Heaten (2002)

Conçu au travers des évènements du 11 septembre, Heathen retrouve un Bowie expérimental toujours aussi innovateur malgré le désespoir d'être un New Yorkais au début des années 2000. Le sentiment qui s'en dégage est glauque, déprimant, est-ce la raison pourquoi c'est si inspiré? Il n'y a pas de chansons qui se démarquent vraiment mais l'ensemble manifeste une cohésion intelligente et une richesse des textures sonores. La perle: Heathen (The Rays).

Blackstar, son testament

J'ai entendu seulement quelques extraits de Blackstar, album qu'il savait être son dernier et bâti comme tel. À leur écoute, il y a quelques jours, j'étais agréablement surpris. Le génie de Bowie n'était pas mort. Mais malheureusement, ce n'est plus le cas. Il nous reste à le redécouvrir au travers de son oeuvre.

Ce que sa carrière peut nous apprendre est qu'on ne doit pas avoir peur de briser les moules. Cela rapporte et fait progresser la société. Que le changement est peut-être la seule chose qui ne doit pas changer. Et que la curiosité artistique n'est pas affectée par le vieillissement. Dans 200 ans, probablement, David Bowie sera toujours apprécié alors que Donald Trump tombera dans l'oubli. Qui se rappelle de James K. Polk? Et qui n'a jamais entendu les noms de Mark Twain et Tom Sawyer?

David le résume mieux:

My mama said, "To get things done

You'd better not mess with Major Tom."

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