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Ce «Justin bashing» de la part des Québécois doit cesser

Je n'aurais jamais cru défendre un fédéraliste un jour, mais c'est bien ce que je suis obligé de faire dans le cas de Justin Trudeau.
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Je n'aurais jamais cru défendre un fédéraliste un jour, mais c'est bien ce que je suis obligé d'accomplir dans le cas de Justin Trudeau, car cet acharnement des médias québécois francophones, des élites québécoises francophones, du peuple québécois francophone envers le nouveau premier ministre d'un pays que, je vous l'accorde, nous essayons vainement de quitter, est sans bon sens et frôle carrément l'indécence et l'acte gratuit.

C'est à se demander qui a voté pour lui au Québec, car c'est notre province qui lui a assuré sa majorité (et a débuté l'annus horribilis pour Thomas Mulcair).

Détrompez-vous! Si notre premier ministre s'appelait John Smith Jr. et agissait en tout point comme Justin, je le défendrais autant. Je n'ai aucune affinité avec la dynastie Trudeau, bien au contraire. Et si nous retournions dans mon passé.....

En octobre 1970, j'habitais la banlieue encore campagnarde de Montréal, et j'étais trop jeune pour comprendre les implications terribles de la crise d'Octobre. Pierre Elliott Trudeau, pas encore père de Justin (il naîtra le 25 décembre 1971, joyeux Noël tout le monde!) ordonne le 16 octobre la mise en place de la Loi sur les mesures de guerre, qui, on le sait, enlèva nombre de libertés civiles que l'on croyait acquises et immuables. Emprisonnements sans mandats, détentions de 90 jours sans raisons, soldats armés dans les rues.

Ce coup de bulldozer contre une mini-insurrection qui, aujourd'hui, serait traitée par les services de renseignement et les forces policières, a créé une blessure chez les Québécois, et l'élection du Parti québécois en 1976 n'est peut-être pas étrangère à cet affront.

Trudeau père ne s'est pas contenté d'envoyer les chars d'assaut au Québec. Quelques années plus tard, il a même traité notre premier ministre du Québec de l'époque, Robert Bourassa, de «mangeurs de hot dogs». «Il paraît qu'il mange rien que des hot-dogs, celui-là», insinuera-t-il. Que voulait dire Trudeau au juste? Moi je la sais, la vraie raison de ce commentaire qui fait référence à des rumeurs entre politiciens, mais à l'époque on interpréta ceci comme Trudeau rabaissant Bourassa à propos de son «manque de classe». D'ailleurs, étonnamment, Bourassa n'a jamais répliqué, ne voulant pas remuer la vase dans laquelle il aurait pu s'enliser.

On constate, donc, que Trudeau père semble avoir été un être arrogant, et ceci m'est confirmé par un ami qui a travaillé dans son bureau d'avocat, ainsi que par ma rencontre entre l'ex-premier ministre et ma petite personne. J'étais donc à zéro degré de séparation de Pierre Elliott Trudeau, je tenais sa carte de crédit Petro-Canada dans mes mains (bien identifiée à Pierre Elliott Trudeau), je vous laisse deviner dans quelle circonstance, et dans mon innocence de jeune plouc des années 1990, j'ai eu droit à toute la force assurée de son mépris. Ceci n'est pas sans rappeler quand, toujours plouc que j'étais, je me suis approché de Robert Lepage en tant que fan, seulement pour être rabroué comme le plus vulgaire des groupies fatigants. Mais on dit que Lepage est timide en public, cela l'excuse peut-être.

Le parcours cahoteux de Justin

Revenons au présent. J'ai remarqué un dédain au Québec pour Justin, fils de Pierre, à partir du moment où il a manifesté des intentions politiques après le décès de son père en 2000. Ce pouvait être compréhensible, étant donné les commentaires acerbes de Justin envers les nationalistes québécois, un héritage direct de son père. Aussi, il semble s'exprimer difficilement en français. Cet être bilingue comme le pays que son père a façonné penserait-il en anglais avant de s'adresser en français? Car du côté anglophone, contrairement aux médias francophones, on n'a jamais noté la multitude de gaffes commises avant de prendre le pouvoir.

Rappelons que les libéraux fédéraux ont été élus seulement en 2015 parce qu'à la 11e heure, le NPD de Thomas Mulcair a pilé sur la banane du niqab, et que si cela n'avait été pas le cas, je serais plutôt en train d'écrire un article sur comment les Québécois sont aveuglés par le fédéralisme orange de Mulcair. C'eût pu être vraiment le cas, voyant comment on a idolâtré le perdant Mulcair au dernier Tout le monde en parle. Les Québécois ont toujours préféré s'acoquiner avec les perdants de ce monde, contrairement à nos voisins du sud, que leur ambition triomphante a propulsé au statut de superpuissance (pour le moment). Mais, mon Dieu, je digresse, je digresse, ramenez-moi à l'ordre quelqu'un!

Ce qui me fait réagir aujourd'hui à propos de l'acharnement injustifié (selon moi) des médias francophones envers Justin est la dernière remarque à connotation raciste de Guy Nantel à propos d'une cérémonie pour s'excuser auprès de la communauté sikhe, à laquelle Justin, ainsi que Mélanie Joly, participaient habillés approximativement selon la culture sikhe. Je vous épargnerai le débat à savoir si Guy Nantel est raciste ou pas, mais c'est plutôt la défense de l'humoriste venant de Mathieu Bock-Côté qui m’irrite, ce chroniqueur érudit éminemment intelligent qui a le défaut (toujours selon moi) d'être de droite et trop religieux à mon goût sceptique.

Et de pourfendre Justin sur le multiculturalisme. Bien oui, c'est normal, Justin défend malheureusement le multiculturalisme provenant de son père. Moi non plus, je ne fétiche pas trop sur le multiculturalisme, mais c'est la raison pour laquelle je vote «Oui» aux référendums sur la souveraineté quand j'en ai un devant moi. Mais le peuple québécois me remet constamment un «Non» devant la face, alors j'imagine qu'il le désire, ce multiculturalisme. La politique québécoise est une devinette enveloppée dans un mystère à l'intérieur d'une énigme.

Chercher des poux dans les beaux cheveux de Justin

Mathieu Bock-Côté n'est que la goutte de toutes les élites médiatiques qui méprisent Justin. Révisons la pauvreté de leur argumentaire. Comme on dit au Québec, on semble lui chercher des poux :

• il se prend en selfie ;

• il est trop jeune ;

• il est trop beau ;

• il respecte trop ses promesses ou il ne respecte pas assez ses promesses.

À propos des selfies : Justin a 44 ans, est-ce trop vieux pour faire des selfies? Peut-être, mais ni du côté éthique, ni du côté légal est-il interdit de se prendre en selfie à 44 ans. Oui, oui, je sais, un premier ministre ne devrait pas se prendre en selfie. Tout simplement parce que ça ne s'est jamais fait. Et ça ne s'est jamais fait parce que le selfie est un phénomène récent. Il faut bien une première à tout. Le premier leader d'un pays à utiliser le téléphone de Graham Bell a-t-il été accusé de briser la tradition d'envoyer des télégrammes? Si oui, aujourd'hui on ne s'en soucie plus.

Vous n'êtes pas convaincus encore. Qu'est-ce que les selfies viennent faire dans la job de premier ministre? Donnons un cours 101 de politique. Je vais vous faire une révélation. La job de premier ministre en est surtout une de relations publiques internes et mondiales. Oui, je sais que Stephen Harper faisait de la microgestion sur le Canada, c'est tout juste s'il ne contrôlait pas directement nos vies. Mais c'était l'autocrate Harper qui, justement, ne voulait rien savoir de l'aspect relations publiques de la job de premier ministre. Et ça a donné le désastre de l'image négative du Canada à travers le monde depuis une dizaine d'années.

Les selfies ne prennent que quelques secondes à quelques minutes de son temps. Ils sont un nouveau moyen de propagande, pas seulement pour l'album Instagram de Justin. A-t-on rechigné sur le temps perdu par Harper dans son groupe musical? Oui, on en a parlé un peu, mais la culture musicale de Harper n'a aidé en rien la politique extérieure du Canada.

Il est trop jeune, il est trop beau

Justin avait 43 ans (presque 44 ans) quand il a commencé son mandat de premier ministre le 4 novembre 2015. C'est bien trop jeune. Ah oui? Joe Clark a été le plus jeune premier ministre à ce jour, à 39 ans (40 ans moins un jour). Brian Mulroney avait 45 ans. Toujours trop jeune? Stephen Harper avait 46 ans et demi. Si vous voulez mon avis, je m'inquiéterais beaucoup plus d'un premier ministre trop âgé, que trop jeune.

Indépendamment de son âge, on invoque aussi son inexpérience politique pour devenir premier ministre. Pardon? Alors donc, pour être premier ministre, il faut avoir été déjà premier ministre si je comprends bien? Beau raisonnement circulaire. Y a-t-il un cours pour devenir premier ministre? Est-ce que c'est enseigné quelque part? Je vous avoue que peut-être il faudrait que ce soit le cas, mais non, sérieusement, il n'y a pas un diplôme qui est délivré pour la job de premier ministre, et ce, nulle part dans le monde.

Alors on avance l'argument qu'il n'a rien fait dans sa vie pour le préparer à diriger un pays. Ah bon. D'avoir été, enfant, le fils d'un premier ministre, ça ne compte pas? Il n'a jamais observé comment ça se passait dans la job de son père? Il n'a jamais rencontré les ministres, jamais eu accès au monde politique durant son adolescence? Si c'est le cas, son père aurait réussi un tour de force de l'isoler de tout ça. On dit qu'il n'a seulement qu'un baccalauréat en littérature. Ah, tiens donc. Les écrivains n'ont pas le droit d'être premier ministre. Écrivez des romans, mais laissez la politque... aux docteurs. Eux, ils savent comment opérer à cœur ouvert sur une province. Des fois, le patient meurt sur la table d'opération, la médecine politique n'est pas infaillible.

En vérité, Justin a aussi un baccalauréat en enseignement, et il a débuté des études d'ingénierie à l'École Polytechnique de Montréal, qu'il n'a pas complétées afin de se consacrer à la politique. Oui, mon École Polytechnique. Et moi, j'ai mon diplôme. Mais lui, il est le premier ministre du Canada. et moi pas. Et je suis plus vieux en plus. Aurais-je dû être premier ministre à sa place? Je ne crois pas. Et Justin aurait-il dû devenir ingénieur? Je ne crois pas. Il a beaucoup plus d'avenir en tant que premier ministre.

Justin a fait des promesses qu'il a tenu, quelle honte

Il a promis de retirer nos CF-18 (seuls avions mal adaptés que le Canada pouvait se payer à l'époque) qui ne faisaient que titiller la haine des djihadistes et contenter nos pilotes en lançant quelques bombes désuètes pour leur entraînement dans un théâtre d'opération réel. Non, cela n'a pas fait plaisir à nos alliés, pendant 5 secondes environ. Ils se sont concertés par la suite entre eux, avec leurs moyens militaires autrement supérieurs aux nôtres. C'est triste à dire, mais cela va peut-être pousser un kamikaze terroriste à se faire sauter à Washington plutôt qu'à Montréal. Auriez-vous préféré des victimes canadiennes?

Justin a aussi nommé un cabinet de ministres à parité égale hommes-femmes. Quelle horreur, me dites-vous! Une femme non compétente a sûrement pris la place d'un homme compétent, selon vous. Ah bon. Et jamais un homme non compétent n'a pris la place d'une femme compétente dans toute l'histoire des nominations de ministres? Comme on disait, un chum, c't'un chum!

Ensuite, pour les réfugiés, vous vous êtes dits : on n'en veut pas des réfugiés syriens, c'est pas notre problème et ce sont des terroristes. Justin avait promis 25 000 réfugiés syriens au Canada avant 2016. Mais oh, il n'a pas respecté sa promesse. Il n'a pas pu en accueillir 25 000 avant le 28 février, quelle honte, il ne respecte pas ses promesses, et patati, et patata. Mais les vouliez-vous ces réfugiés ou pas? Il faudrait vous décider à un moment donné.

Respecter son ennemi

Je pourrais continuer la liste des récriminations insensées, contradictoires et injustifiées contre Justin que les médias francophones lancent à la pelletée, en désespoir, dirait-on. Et ce n'est même pas une question de fustiger un fédéraliste, car ce sont même certains fédéralistes québécois qui embarquent dans cette manœuvre douteuse.

Et, croyez-moi (même si c'est difficile, je vous l'accorde), mon cœur de souverainiste saigne à devoir défendre un des membres d'une des familles fédéralistes les plus acharnées qui soient. Mais je respecte mon ennemi, qui est d'autant plus effrayant qu'il est presque parfait (oui, je beurre un peu).

Quand le combat nous tient à cœur, on respecte son ennemi. Si on ne respecte même pas son ennemi, c'est peut-être que le combat nous importe peu. Ce qui expliquerait les «Non» répétitifs à tous les référendums québécois, et l'insistance du peuple à voter pour un parti fédéraliste au provincial.

Mais, comme je l'ai déjà dit, il ne faut pas s'attendre à un premier ministre du Canada favorable à la cause souverainiste, et la cause est même aidée quand nous avons un fédéraliste extrême à Ottawa. Mais Justin semble avoir l'intelligence émotionnelle de ne pas attiser le feu de la séparation.

Au moins, dans un an, pourra-t-on relaxer légalement, tout le monde, en fumant ce qui nous est illégal aujourd'hui.

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