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TransCanada nourrit le cynisme

La lecture du document stratégique de TransCanada ne peut faire autrement que de nourrir le cynisme.
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TransCanada, la compagnie qui tente de pousser un projet d'inversion et de construction de pipelines pour acheminer le pétrole des sables bitumineux vers le Québec, se retrouve dans l'eau chaude en raison d'une fuite importante. Pas une fuite de pétrole, une fuite stratégique.

La compagnie avait commandé un document stratégique à la firme de relations publiques Edelman, une des plus importantes au monde. Jusqu'ici, rien de bien surprenant. Cependant, à la suite d'une fuite, le document vient d'être rendu public et ce qu'on y lit ne peut faire autrement que de nourrir le cynisme.

Pelouse synthétique

Edelman recommande à TransCanada d'engager 35 000 personnes pour donner l'impression qu'un mouvement citoyen s'organise en faveur de son projet de pipeline. Le but de l'opération ? Faire croire que la population est divisée sur la question. Ces personnes se feraient entendre en commentant des blogues (comme celui-ci), en commentant des articles sur les sites internet, en écrivant des lettres ouvertes aux journaux, en participant à des tribunes radiophoniques, etc.

Nos voisins du Sud ont une belle expression pour ce genre de faux mouvements citoyens. En opposition à un mouvement venant de la base ou grassroot, les Américains parlent d'astroturfing, du nom de la pelouse synthétique qu'on retrouve sur les terrains de baseball et de soccer.

Le problème avec ces « mouvements », c'est qu'ils brouillent le débat démocratique en exploitant le modèle journalistique que respectent tous nos médias ; celui de donner un temps d'antenne aux deux côtés de la médaille, affaiblissant du même coup les mouvements d'opposition citoyens qui sont loin d'avoir les mêmes moyens financiers que les empereurs du pétrole que sont les dirigeants de TransCanada.

Des attaques personnelles au lieu d'arguments

Malgré le grotesque des tactiques d'astroturfing, le côté le plus sombre de ce document stratégique réside dans ce qu'Edelman nomme des « tactiques de pression ». Pour contrer les groupes environnementaux et citoyens qui oseraient se mettre en travers du chemin de leur client, Edelman recommande à TransCanada de fouiller le passé de ses opposants dans l'espoir de trouver des squelettes dans leurs placards.

Pourquoi ? Pour les décrédibiliser ou, à tout le moins, les distraire de leur action militante suffisamment longtemps pour laisser le projet de pipeline de la compagnie prendre racine au Québec... Ce genre de suggestion est étonnant dans le cadre d'un plan stratégique ou d'un plan de communication. Que l'on surveille les médias sociaux pour des opportunités de communication officielle ou que l'on suggère de communiquer avec les médias locaux des territoires concernés par le pipeline, c'est normal. Que l'on cherche à intimider des citoyennes et citoyens militants, c'est tout simplement immoral.

Des appuis de taille... rémunérés ?

Quand on lit dans le plan d'Edelman qu'il faudra rémunérer les 35 000 «citoyens» qu'elle compte trouver pour défendre le projet de la géante pétrolière, on est en droit de se demander ce qu'elle compte faire pour obtenir l'appui de personnalités publiques comme Lucien Bouchard, Michel Kelly-Gagnon (président de l'Institut économique de Montréal), Régis Labeaume ou Thierry Vandal (président-directeur général d'Hydro-Québec).

Comment entrer en relation avec ces personnes influentes ? La firme Edelman nous propose quelques escapades facilitant les rapprochements : le Grand Prix de Montréal, la Maison symphonique de Montréal ou, encore, des restaurants renommés comme le Toqué ou l'Europea. Bon à savoir la prochaine fois que vous voudrez rencontrer Denis Coderre ou Brian Mulroney dont les noms figurent également sur la liste.

Un doute s'installe, et c'est une bonne chose !

Normand Baillargeon, auteur du Petit cours d'autodéfense intellectuelle, peut être ravi. Un des effets de cette fuite qui a permis à Greenpeace d'obtenir le document de TransCanada est qu'elle nous pousse à nous questionner sur l'information que nous recevons, sur l'apparente impartialité des acteurs du débat public et à nous demander quels intérêts sont derrière les affirmations de certaines personnes influentes dans notre société. Espérons qu'au lieu de nourrir le cynisme, cette révélation permettra au contraire d'élever le débat à un autre niveau en rendant les citoyennes et citoyens plus alertes.

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