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Le partenariat transpacifique, à l'avantage de qui?

En fait, depuis la signature de l'ALENA en 1994, le Canada a dû verser plus de 150 millions de dollars en plus d'importants honoraires d'avocats en raison de poursuites intentées par des entreprises.
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Le 4 février, en Nouvelle-Zélande, 12 pays s'apprêtent à signer le partenariat transpacifique (PTP). Le PTP est un accord visant à libéraliser le commerce et les investissements entre douze États autour de l'océan Pacifique (le Canada, les États-Unis, le Mexique, le Pérou, le Chili, le Japon, le Vietnam, Singapour, la Malaisie, le Brunei, l'Australie et la Nouvelle-Zélande).

Cet accord monstre a été négocié dans le plus grand secret, à l'abri des regards critiques. Si bien qu'il est assez difficile d'avoir une vue d'ensemble de ce qu'il contient. Cependant, l'information dévoilée au compte-gouttes que l'on en a est inquiétante pour la population. Prenons le temps de voir un peu de quoi il en retourne.

Dans le secret des dieux

Convenons tout d'abord qu'une négociation de cette ampleur requiert certaines mesures de discrétion et de confidentialité pour préserver le caractère équitable entre les partenaires. Grâce à Wikileaks, on sait cependant que le secret n'était pas pour tout le monde.

Il y a de quoi s'indigner quand les représentants du public sont tenus à l'écart alors que ceux des corporations comme Halliburton, Pharmaceutical Research and Manufacturers of America (PHRMA), Chevron et autres ont été consultés sur les textes !

Il est inquiétant, et très parlant, que le PTP ait été négocié en secret avec une participation significative de plus de 600 lobbyistes du monde des affaires, tandis que les dirigeants syndicaux, les environnementalistes et les autres experts sociaux n'ont pas été consultés. Même les parlementaires n'ont pas eu voix au chapitre.

Des coûts supplémentaires pour les services publics

On comprend mieux aussi la présence de certaines clauses du PTP qui viendraient augmenter le coût des médicaments en prolongeant la durée des brevets et en empêchant la venue hâtive sur le marché de médicaments génériques moins coûteux.

Cette même extension des brevets et des droits d'auteur aura un impact important sur le réseau de l'éducation (des centaines de millions de dollars selon un professeur de l'Université d'Ottawa).

Dans un contexte de compressions constantes imposées à nos services publics, peut-on vraiment nous permettre ces coûts supplémentaires? Ne serait-il pas pertinent de retirer l'éducation, la santé et les services sociaux de cet accord?

Le libre-échange nécessairement bon?

Il se trouve des gens comme le ministre des Finances, Carlos Leitão, pour avoir une confiance aveugle en ces accords de libre-échange. «Le libre-échange est toujours positif», nous dit-il. Or, sur quoi se base-t-il pour affirmer cela? Aucune analyse d'impact n'a été menée concernant le PTP. Le gouvernement canadien n'a même pas fait de bilan de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui célèbre ses 22 ans cette année. Se pourrait-il que l'Accord ait joué un rôle dans le déclin du secteur manufacturier canadien? Impossible de le savoir puisque personne ne s'est posé la question à Ottawa.

Un frein à notre souveraineté

Ce que l'on sait cependant, c'est que le chapitre 11 de l'ALENA nous a coûté cher. Ce chapitre 11 prévoit un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États qui permet à un investisseur étranger de poursuivre un État pour «perte de profit potentiel». Bref, lorsqu'un gouvernement démocratiquement élu prend une décision qui nuit à la stratégie d'affaire d'une entreprise, cette dernière peut poursuivre l'État.

Et les compagnies ne se gênent pas pour le faire. En fait, depuis la signature de l'ALENA en 1994, le Canada a dû verser plus de 150 millions de dollars en plus d'importants honoraires d'avocats* en raison de poursuites intentées par des entreprises.

Le PTP risque d'accroitre davantage cette restriction de la souveraineté des États signataires. Cet accord a bien peu à voir avec le commerce et bien plus avec la limitation des champs d'action des gouvernements.

Au-delà de certains seuils, les gouvernements, les municipalités et les sociétés d'État, comme Hydro-Québec, seront forcés d'ouvrir leurs marchés publics en soumettant leurs appels d'offres à la concurrence étrangère. Il ne sera plus possible de se servir des achats publics pour stimuler le développement local, pour créer des emplois de qualité, pour consolider nos expertises et pour innover sur le plan environnemental.

Durée de vie des brevets, approvisionnement des sociétés d'État, marchés publics, règles bancaires, durée des brevets pharmaceutiques, droits d'auteurs, autant de sujets qui devraient relever de décisions démocratiques de gouvernements élus par une population qui sont désormais relégués à un accord commercial.

Protéger le privé au détriment du public

Le PTP contient une clause de statu quo qui garantit aux compagnies la protection de leurs droits au moment de la signature de l'accord. Par exemple, les compagnies qui ont obtenu les contrats de gestion des services alimentaires dans les cégeps et les hôpitaux du Québec peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Il sera impossible pour le gouvernement de revenir en arrière et de rendre ces services publics à nouveau.

Pire encore, en raison d'une clause de «cliquet», dès qu'un État ouvrira la porte au privé (par exemple en permettant aux épiciers de faire le commerce du vin ou en confiant au secteur privé la distribution d'une partie de l'électricité), il sera impossible de revenir en arrière même si la privatisation s'est avérée un échec, même si la décision est prise démocratiquement.

Avec de telles dispositions, on peut légitimement se demander qui bénéficie réellement du PTP...

Un véritable débat public s'impose

Considérant l'importance de cet accord de libre-échange qui aura un impact important sur la population du pays, un véritable débat public s'impose. Le gouvernement Trudeau doit s'engager à faire preuve de transparence.

Prenons le temps de bien faire les choses et d'analyser les profits avant de signer n'importe quoi. Nous avons deux ans pour ratifier ou non l'entente. Rien ne sert de courir, il faut consulter à point !

*Honoraires d'avocats payés entre autres aux firmes Heenan-Blakie et McCarthy Tétrault spécialisées dans ce type de litige et où travaillent respectivement Pierre-Marc Johnson et Jean Charest qui ont agi à divers niveaux à la négociation de l'Accord économique Canada/Union européenne (AECG).

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