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Petit vaccin contre la neurasthénie politique

La commission Charbonneau donne à penser qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du Québec. La fatigue politique devient chronique au point de se muer en neurasthénie. Quoi faire? Quel remède proposer? Je suggère une lecture, comme un antidote, un petit vaccin dont l'action n'est pas spectaculaire, mais qui fait son effet. À lui seul, il ne guérit rien, mais il prévient, il prémunit, il endigue certains dommages collatéraux à la déprime collective.
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Après le discernement éclairant d'un Daniel Jacques posant et décrivant avec rigueur la fatigue politique des Québécois [1], la commission Charbonneau donne à penser qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du Québec. La fatigue politique devient chronique au point de se muer en neurasthénie. Un peu partout, les commentaires fusent et semblent donner raison à Machiavel [2]. Des Québécois, et surtout de ceux qui ont quelques pouvoirs, on peut dire ceci en général: «ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, fuyards devant les dangers, avides de gain ; et pendant que tu leur fais du bien, ils sont tout à toi, ils t'offrent leur sang, leurs biens, leur vie et leurs enfants... quand le besoin est éloigné ; mais quand celui-ci s'approche de toi, ils se détournent.» Ainsi, nous voyons déferler sur la place publique comme dans les chaumières un torrent d'opinions déprimantes à l'égard de la politique et de ses artisans. Personne n'y échappe et l'atmosphère sociale devient glauque.

Bienvenue dans le monde réel disent certains, celui de la vérité effective contre les chimères idéologiques destinées à anesthésier les esprits superficiels. Les politiques ont les doigts croches depuis toujours et pour toujours, il n'y a rien à faire. Un tel pessimisme a quelque chose de faux, il est caricatural et un peu grotesque. Même le secrétaire florentin répugnerait à un tel manque de nuances. Quoi faire? Quel remède proposer? Je suggère une lecture, comme un antidote, un petit vaccin dont l'action n'est pas spectaculaire, mais qui fait son effet. À lui seul, il ne guérit rien, mais il prévient, il prémunit, il endigue certains dommages collatéraux à la déprime collective.

Cet antidote, c'est la lecture du livre de Roch Bolduc, Le Mandarin de l'ombre, publié dernièrement aux éditions du Septentrion [3]. Il s'agit de l'itinéraire d'un de nos grands Québécois, un des principaux artisans de la mise en place de la fonction publique québécoise. On y découvre un homme intègre, soucieux du bien commun. Un homme pour qui l'épanouissement politique du Québec a quelque chose d'exaltant. De sa naissance dans Bellechasse, à ses années de collèges à Trois-Rivières, jusqu'aux études universitaires à Québec et enrichies aux États-Unis, particulièrement à Chicago, on rencontre un homme reconnaissant à l'égard de sa famille, de ses maîtres, de ses patrons et de ses collègues de travail.

Comment dire? Ce livre est un vaccin contre la morosité, car il est, de part en part, traversé par la gratitude. Il jette un regard positif sur une génération de bâtisseurs dont les motivations apparaissaient moins mesquines que généreuses. Au fil des rencontres, Roch Bolduc décrit les personnes en exposant les talents et le cœur. Sans être complaisant, il passe en revue les travaux et les œuvres qui ont construit le Québec moderne. Il sait reconnaître les erreurs, poser des diagnostics et proposer des pistes d'avenir. Fédéraliste convaincu, il expose ses vues avec lucidité et souplesse en mesurant la portée et le rayonnement de son discours: «Nous avons vécu, les fils de la France, une histoire commune de paix et de progrès avec les fils de l'Angleterre. Au surplus, la fédération même imparfaite n'est pas du tout un obstacle à notre culture et à notre identité. À preuve, l'explosion culturelle des 50 dernières années chez nous... Fin du plaidoyer qui ne convertira aucun indépendantiste sincère comme Mathieu Bock-Côté!» [4]

In fine, à la manière du frère Untel souhaitant renvoyer les agents de l'Instruction publique sur les bancs d'école, je prescris à tous les Québécois atteints de neurasthénie politique le devoir de lire Le Mandarin de l'ombre, vous pouvez y ajouter les adjuvants que sont les livres de Daniel Jacques et de Machiavel, ça ne peut pas faire de tort! En attendant, je vous laisse à votre lecture, et pour ma part, je crois que je vais proposer un petit débat entre Roch Bolduc et Mathieu Bock-Côté. Nous nous y rencontrerons peut-être, qui sait?

[1] JACQUES Daniel, La fatigue politique du Québec français, Boréal, 2008, 160 p.

[2] MACHIAVEL, Le Prince, traduction de Bernard Boulet et Louis Lessard, Collection Résurgences, Québec 2013, p. : 65.

[3] BOLDUC Roch, Le Mandarin de l'ombre, Septentrion, Québec, 2012, 364 p.

[4] BOLDUC Roch, Le Mandarin de l'ombre, Septentrion, Québec, 2012, p. :276 et 277.

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