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Funérailles catholiques, entre la loi qui permet et la religion qui empêche?

La question des funérailles catholiques aux personnes décédées par euthanasie ou suicide assisté ne saurait se résoudre par un refus catégorique ou une acceptation d'emblée.
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Cette semaine les évêques catholiques canadiens sont réunis à Cornwall en assemblée annuelle. Au centre de cette réunion, ils délibèrent et font le point au sujet de la loi canadienne endossant la pratique de l'euthanasie, rebaptisée aide médicale à mourir dans une novlangue douce, mais confondante.

Il s'agit d'un rendez-vous dont le but est de discuter pour nourrir la réflexion sur des sujets délicats envisagés en eux-mêmes, mais aussi en relation avec la société civile. Ainsi comme tout ce qui relève de l'exercice de discernement en commun, les évêques doivent être prêts à tout entendre et disposés à tout écouter.

C'est la raison pour laquelle les journaux soulignent la division des opinions au sein de leurs discussions et ils relèvent une question litigieuse génératrice des tensions. En cohérence avec sa position sur le respect de la vie et son caractère sacré, l'Église serait-elle avisée de célébrer des funérailles catholiques aux personnes décédées par aide médicale à mourir ou par suicide assisté?

La réponse fournie par des prélats de l'ouest du pays consterne certains, en choque d'autres, mais ne laisse personne indifférent. Pour ma part, je crois pertinent de vanter les mérites la question elle-même.

La pertinence de la question...

Dans une démocratie moderne laïque et libérale comme la nôtre, le rôle politique du religieux est souvent difficile à cerner. Mais disons pour aller dans le sens d'Alexis de Tocqueville qu'en même temps que la loi permet au peuple de tout faire, la religion l'empêche de tout concevoir et lui défend de tout oser. C'est là l'à-propos de l'interrogation soulevée par les évêques.

Il est très périlleux, pour la santé politique, de céder à la menace constante de clore les débats ou de refuser de les entretenir. Une fois les lois votées, la tentation est de passer à autre chose. On célèbre le triomphe du progrès, celui de l'ouverture d'esprit et du bonheur de pouvoir mieux choisir, comme celui de tout faire.

Je rappelle pour mémoire, et contre toutes les manipulations démagogiques à suggérer le contraire, que la loi 2 du Québec n'a pas été élaborée et adoptée dans le consensus et l'unanimité. Elle a été construite contre l'avis exprimé lors de la commission parlementaire par la majorité des intervenants provenant de la population québécoise. En effet 59% des intervenants, toutes catégories confondues, ont exprimé sans équivoque leur réticence à l'endroit d'une loi permettant l'aide médicale à mourir. De plus, la très grande majorité des personnes impliquées en soins palliatifs y étaient opposées.

Devant l'irrésistible logique du droit au «tout faire», le facteur d'expansion des lois favorisant l'accès à l'aide médicale à mourir croît à une vitesse formidable. Forgées par des acteurs de la société civile qui appréhendent avec difficulté la complexité de ces problèmes, les promesses de prudence et de surveillances serrées sont rapidement mises à mal par les réclamations particulières à la faveur d'élargir l'accessibilité.

Ainsi la question posée par les évêques de l'ouest jette un pavé dans la marre du politically correct. Les voilà désignés par les médias et une large part de la population comme des suspects de convenance. Mais leur question n'en demeure pas moins intéressante et importante. Elle permet de réfléchir à la cohabitation du religieux et du politique, à la séparation comme à l'autonomie des institutions au cœur de la communauté politique. Pour cela, il faut avoir de la gratitude.

La question des funérailles catholiques aux personnes décédées par euthanasie ou suicide assisté ne saurait se résoudre par un refus catégorique ou une acceptation d'emblée.

La gestion de la réponse...

Je ne suis pas théologien, mais je comprends que l'Église envisage l'existence terrestre dans la perspective du ciel à la rencontre de la cité de Dieu. Une telle perspective divise ou du moins nuance l'art de vivre la citoyenneté. Le chrétien est invité à rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, peut-on lire dans les Évangiles. Une telle posture impose un modus vivendi en décalage avec celle de celui qui ne se sent redevable qu'à César. La question des Évêques de l'ouest y trouve sa place et sa légitimité me semble-t-il.

Mais alors qu'en est-il de la réponse? La réponse des évêques de l'ouest est «non» à quiconque souscrit à l'aide médicale à mourir et celle des évêques de l'est est «oui» au nom de la charité et de la miséricorde.

Je caricature, mais entre les extrêmes, la voie moyenne doit tracer le chemin. Il serait ridicule d'exacerber tant la rigidité que la souplesse. La question des funérailles catholiques aux personnes décédées par euthanasie ou suicide assisté ne saurait se résoudre par un refus catégorique ou une acceptation d'emblée. Ici comme dans tout ce qui relève de la délibération et de la décision des actes humains, le discernement fait son nid dans la singularité, au cas par cas. Alors c'est dans l'intime de la relation entre le pasteur et la famille des défunts que les choses trouveront le dénouement convenable.

Pour y parvenir, on doit discuter, on doit nourrir cette discussion, on doit réfléchir pour outiller le discernement avant l'heure des choix dans l'ici et le maintenant. C'est pourquoi je le répète, la question des évêques de l'ouest est drôlement pertinente, elle participe à ce qui conduit à faire des choix réfléchis. En n'oubliant pas que ceux-ci ne sauraient jamais se traduire par des réponses unilatérales.

Il me vient en tête deux conseils évangéliques adressés aux gens d'Église. Le premier vise à modérer les éventuelles réponses à l'emporte-pièce, trop intransigeantes. Devant les défis apparemment titanesques de la vie chrétienne, le Christ rassure en affirmant qu'il y a de nombreuses places dans la maison du Père. Contre la tentation de faire du ciel un centre d'achat où la vie éternelle est toujours en solde, le Christ met en garde ses amis en leur rappelant de choisir la voie passant par la porte étroite.

La loi de la foi...

En bout de ligne, on retiendra que seul l'amour est digne de foi. Les seules fins de vie dignes de ce nom sont tributaires de l'amour qui les anime et les accompagne. C'est une des raisons et peut-être la raison principale expliquant la réticence des agents au service des soins palliatifs contre la pratique de l'aide médicale à mourir. Le mouvement de l'accompagnement palliatif est de marque chrétienne quant à son origine et il en hérite encore quant à son esprit. L'amour chrétien est plus riche, plus complexe et plus profond que toutes les autres formes possibles.

Là est le lieu d'un véritable mystère et sous cet angle le cardinal Lacroix a raison de dire que du point de vue de Dieu, le ciel est pour tous.

Mais la question doit être traitée du point de vue des hommes et c'est pourquoi elle reste si importante à examiner dans la constante reconfiguration des liens civiques entre l'Église et l'État. Comme le disait si bien James Madison: «si les hommes étaient des anges, aucun gouvernement ne serait nécessaire». Cela est vrai de tous et pour tous, sous les régimes des deux cités, celles de Dieu comme celle des hommes.

Je pense d'un point de vue politique que Tocqueville a toujours raison. L'Église reste utile à la société civile. Elle dérange ce qui nous arrange dans nos velléités à tout se permettre. Elle arrange ce qui nous dérange au service des plus vulnérables et des laissés pour compte...

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>L'aide à mourir n'est pas un crime Mgr Poisson, c'est un choix - Marie-Ève Landry

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Mai 2017

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