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Le repli identitaire américain: un danger pour la planète

Il faut remonter à l'élection présidentielle de 1920 pour repérer un changement aussi complet de la politique américaine que celui que nous annonce la victoire de Donald Trump. À cette époque, comme aujourd'hui, la population américaine exprimait une volonté de se retrancher par rapport au monde.
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Il faut remonter à l'élection présidentielle de 1920 pour repérer un changement aussi complet de la politique américaine que celui que nous annonce la victoire de Donald Trump. À cette époque, comme aujourd'hui, la population américaine exprimait une volonté de se retrancher par rapport au monde. On parle aujourd'hui de rejet de la mondialisation et des accords internationaux. On parlait alors d'un refus de participer à une organisation internationale, la Société des Nations, celle même qui avait été conçue par le président américain en fin de mandat.

Comme Donald Trump s'apprête à démanteler tout ce que le président Obama a péniblement construit au cours des dernières années, Warren Harding, un magnat de la presse, presque aussi mal préparé que Trump à exercer ses fonctions, devait aussi détruire l'héritage de Woodrow Wilson, un intellectuel comme Barack Obama, qui avait engagé son pays dans le conflit mondial et dans les efforts de reconstruction du système international. L'avènement des républicains au pouvoir signalait aussi un rejet du progressisme en politique intérieure, autant celui du républicain Théodore Roosevelt que celui du démocrate Wilson.

Il s'ensuivit une période de laisser-faire et d'isolationnisme dont on a souvent relevé les conséquences désastreuses pour les États-Unis et pour le système international. Certes le commerce international a été soutenu par Washington durant la première décennie de cette période, mais il a été sérieusement restreint par le krach boursier de 1929 et la Grande Dépression qui suivit. On assista alors à un retranchement brutal de l'économie américaine et une montée spectaculaire du protectionnisme annoncée d'abord aux États-Unis et, par voie de conséquence, un peu partout dans le monde. Les Américains et le monde devaient payer très cher pour cet isolationnisme et cet égocentrisme national.

Le danger du nationalisme ethnique

Notre époque est évidemment bien différente de celle des années 1930. Il nous faut bien constater cependant une inquiétante percée d'un nationalisme exacerbé. Le nationalisme en lui-même est un phénomène acceptable. Il a pu être source de bienfait tant pour les peuples que pour l'ensemble du monde dans la mesure où il a été accompagné d'ouverture à l'international et de respect des minorités à l'intérieur.

Ce ne semble pas être le cas pour le nationalisme qui a alimenté la campagne électorale de Donald Trump. Pour restaurer la grandeur du pays, le tribun qui a magnétisé les foules promettait de mettre fin à une mondialisation jugée dommageable pour l'économie et les emplois. Il s'engageait aussi à restreindre l'immigration, à déporter massivement les immigrants illégaux, à autoriser le profilage racial. Son auditoire a toujours été composé d'une forte majorité de blancs désenchantés par la transformation démographique de leur pays.

Le nationalisme n'a jamais été aussi pervers qu'au moment où il a été alimenté par le ressentiment d'une majorité qui se sent lésée par ses minorités.

Ce sont encore des hommes blancs peu instruits et résidant hors des grandes villes qui ont contribué à la victoire de Donald Trump. On peut voir chez ces gens une sorte de cri désespéré face à leur pays qui est en voie d'être peuplé par une majorité de personnes qui ne sont pas issues de la civilisation occidentale européenne. Restaurer la grandeur des États-Unis, cela semble bien signifier pour eux un retour à une période où le pays était nettement dominé par sa majorité de race blanche.

Le nationalisme n'a jamais été aussi pervers qu'au moment où il a été alimenté par le ressentiment d'une majorité qui se sent lésée par ses minorités. C'est ce qui se produit présentement dans de larges secteurs de la population américaine. C'est à ces secteurs que l'on doit la victoire de Trump.

Au surplus, ce sont de fausses perceptions qu'on a entretenues dans ces populations. On a fait croire aux gens que le plus grand nombre des emplois perdus l'étaient soit en raison des accords internationaux, soit à cause d'un trop grand nombre d'immigrants. Or on a bel et bien démontré que les délocalisations d'entreprises n'étaient responsables que d'une fraction minime des pertes d'emploi. Pour la grande majorité, il s'agissait plutôt de délocalisations à l'intérieur du pays ou du phénomène de la robotisation. Il est aussi démontré que les immigrants ne sont que très rarement des voleurs d'emplois. Quant à l'envahissement des immigrants, c'est toujours là où il se manifeste le moins qu'il est redouté davantage. Le message de Trump n'a pas été entendu dans les grandes villes du pays. C'est donc un immense mensonge qui est à la source de la nouvelle présidence américaine.

Quelle leçon en tirer ?

Il est bien vrai que la campagne démocrate aurait dû prêter plus d'attention au désarroi de ces populations blanches peu instruites. En donnant raison à leurs inquiétudes ? Fallait-il alimenter leurs fausses perceptions ? Il fallait au contraire tâcher de mieux les informer, leur donner accès à l'éducation et sans doute leur proposer des programmes de réhabilitation ou de compensation. Ce n'est malheureusement pas ce que Trump et les républicains leur promettent. On parle plutôt de coupures massives de taxes, de réduction des programmes sociaux et de mettre fin à des accords commerciaux qui ont contribué à la prospérité économique du pays. Comment penser que de telles perspectives se traduiront par une amélioration du niveau de vie de ces Américains qui se sentent trahis par leurs élites ? Il semble bien au contraire que les électeurs de Trump ne seront pas plus heureux que toutes ces personnes qui ont été flouées par ses pratiques commerciales douteuses.

Il faut donc être plus que prudent quand on cherche à tirer des leçons de cette élection pour les autres parties du monde, notamment l'Europe où d'autres nationalismes ethniques se sentent ragaillardis par la victoire de Trump. Faut-il croire que moins de mondialisation, plus de restrictions à l'immigration et à la protection des minorités auront raison de ces nationalismes ? On peut en douter. La constatation la plus sage me paraît venir au contraire du ministre italien de l'économie et du développement, Carlo Calenda, cité par Peter Goodman dans le New York Times du 9 novembre : « Pour persuader les citoyens du bien-fondé de l'internationalisation de l'économie et de l'innovation, il faut [pour les gouvernements] investir abondamment. Autrement c'est le populisme qui prévaudra et cela sera un désastre pour l'économie. »

Dans la mesure où Donald Trump s'engage à investir massivement dans les infrastructures, il faut lui souhaiter qu'il aura plus de succès qu'Obama auprès du Congrès. C'est pour le moment la seule bonne nouvelle de cette élection présidentielle.

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