Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Une victoire limitée pour Obama

Certes, il a dû se plier à de pénibles compromis, comme celui d'abandonner sa nette préférence pour un système public universel. Le programme qui a été sauvegardé par la Cour suprême demeure confiné au privé. Il se contente de stimuler l'assurance individuelle en offrant une aide ponctuelle et surtout en limitant les coûts de l'assurance. Malgré tout, ce programme constitue un grand pas en avant pour la sécurité de dizaines de millions d'Américains.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
AFP

Il faut le dire et le redire. Le jugement historique de la Cour suprême des États-Unis, le 28 juin dernier, comporte d'abord une grande victoire pour la population américaine, qu'elle en soit consciente ou non. C'est une victoire pour 30 millions d'Américains qui n'ont pas les moyens de se pourvoir d'une assurance-maladie. Une victoire pour tous ceux qui sont menacés de perdre leur assurance en raison de leur condition physique. Une victoire aussi pour ceux qui n'osent quitter un emploi aliénant pour ne pas perdre l'assurance attachée à cet emploi.

Une victoire pour Obama

C'est aussi évidemment une illustre victoire pour celui qui s'est obstiné à réaliser le projet qui était au cœur de sa campagne électorale : faire en sorte que l'ensemble des Américains soit protégé contre les dépenses excessives occasionnées par la maladie, à l'instar de la grande majorité des populations de pays développés. Obama a réussi, de peine et de misère, contre vents et marées, contre l'opposition féroce des puissants lobbies des sociétés d'assurance, de l'industrie pharmaceutique et d'autres organisations du monde de la santé.

Il a réussi là où avaient échoué plusieurs de ses prédécesseurs depuis Théodore Roosevelt. Certes, il a dû se plier à de pénibles compromis, comme celui d'abandonner sa nette préférence pour un système public universel. Le programme qui a été sauvegardé par la Cour suprême demeure confiné au privé. Il se contente de stimuler l'assurance individuelle en offrant une aide ponctuelle et surtout en limitant les coûts de l'assurance. Malgré tout, ce programme constitue un grand pas en avant pour la sécurité de dizaines de millions d'Américains.

C'est un atout indéniable pour la dure campagne électorale du président en vue de sa réélection pour un second mandat. Il se présentera à la population auréolée de cette victoire. Il pourra enfin se concentrer sur les succès de son administration plutôt que sur les faiblesses de son adversaire. Le jugement de la plus haute Cour confèrera sûrement une légitimité nouvelle à l'Obamacare.

Une victoire bien limitée

Il ne s'agit pas pour autant d'une victoire décisive. Pour légitime que soit devenue la loi sur l'accessibilité aux soins de santé, elle n'en devient pas populaire. Le candidat Mitt Romney s'est empressé de le faire remarquer. Une loi conforme à la Constitution n'en est pas nécessairement une bonne loi, loin s'en faut. Une forte majorité d'Américains continue de s'opposer à cette loi. C'est difficile à comprendre de l'extérieur. Mais il faut bien constater que la plupart des Américains sont déjà satisfaits de l'assurance-maladie dont ils défraient personnellement les primes ou dont ils bénéficient de par un emploi ou un programme de retraite. Que 50 millions de personnes ne soient pas assurées, c'est là évidemment un scandale, mais cela ne se traduit que d'une façon minime dans l'opinion publique et encore moins dans l'électorat. Ce qui prévaut plutôt dans la population, c'est la satisfaction à l'endroit d'un système qui préserve la liberté individuelle. C'est aussi un grand malaise eu égard à un dispositif qui, tout en sauvegardant une démarche privée, en vient à contraindre 30 millions de personnes à s'assurer sous peine de contraventions.

Or le jugement rendu par le juge-en-chef John Roberts porte une évaluation nuancée de ce dispositif. Il ne le légitime pas en raison de la clause constitutionnelle qui autorise la régulation des activités commerciales des États, mais bien parce que les sanctions imposées à ceux qui ne se conformeraient pas à l'obligation de se pourvoir d'une assurance-maladie constituent à ses yeux une taxe et relève donc du pouvoir de taxation du Congrès. Les adversaires du président ont déjà sauté sur cette justification pour en faire un argument dans leur lutte au programme présidentiel. Obama s'était bien défendu d'assimiler les pénalités prévues à une taxe. Il s'était d'ailleurs engagé à ne pas imposer de nouveaux impôts à la classe moyenne. On répètera à satiété que le président a trahi ses promesses.

Enfin, le programme d'accessibilité aux soins de santé demeure fort complexe et ne se traduit pas en formules simples. Les républicains ont beau jeu de le dénoncer comme contraire aux libertés individuelles, entraînant le pays dans la ruine en raison de coûts astronomiques. Ils ont aussi beau jeu de se livrer à des affirmations carrément mensongères : Obama introduirait une distance entre les personnes et leur médecin, il restreindrait les choix individuels, il diminuerait le programme d'aide aux personnes âgées, le Medicare et d'autres énormités comme les soi-disant comités de la mort (« death panels ») qui seraient chargés d'évaluer au rabais des soins procurés aux vieillards en fin de vie.

Il faudra donc que le président s'applique comme jamais à réfuter ces mensonges, à mieux expliquer son programme, à faire valoir ses avantages évidents pour l'ensemble de la population aussi bien que pour les démunis. Le jugement de la Cour suprême lui donne un erre d'aller, mais il comptera, somme toute, assez peu dans ses chances de succès à l'élection présidentielle du 6 novembre prochain.

Obama a gagné une bataille. Il est encore loin d'avoir gagné la guerre.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.