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Sans ma sclérose en plaques, je serais passée à côté de ma vie

Je suis assez fière de la personne que je suis devenue depuis que le diagnostic a été posé.
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Je sais que j'ai une sclérose en plaques depuis septembre 2015. Cette maladie m'a changé, c'est un fait. On ne peut pas rester la même personne quand on découvre du jour au lendemain qu'on a une maladie auto-immune.

Au début, j'ai eu du mal à l'accepter. Je me voyais déjà paralysée, dans une chaise roulante, le visage figé dans un rictus de douleur à cause d'une poussée de trop. Et puis, il y a eu le début du traitement. Des injections de plegridy toutes les deux semaines avec des effets secondaires plus que désagréables. Finalement, la phase d'acceptation est arrivée. Quel soulagement! J'arrivais enfin à vivre sans y penser tous les jours. Ma troisième grossesse m'a beaucoup aidé, je dois dire. J'ai dû arrêter le traitement qui me rappelait toutes les deux semaines que j'étais une personne différente, une personne malade, voire handicapée pour certaines personnes. A ce jour, j'allaite encore mon fils de onze mois, je n'ai donc repris aucun traitement. J'ai tout de même fait une poussée "anniversaire" en septembre dernier. J'ai reconnu tout de suite les symptômes, même si c'était l'oeil droit qui était touché cette fois-ci. Comme quoi, la sclérose en plaques n'est pas prévisible, chaque poussée peut être différente. Je pense qu'il est utile que vous le sachiez.

J'ai une conseillère attitrée qui m'appelle de temps en temps pour savoir comment je me sens. Au début, je pensais que c'était mon "amie", qu'elle était là pour m'aider à épancher mes états d'âme à propos de la maladie. Et puis la dernière fois que je l'ai eue au téléphone, trois mois après mon accouchement, une petite lumière s'est allumée dans ma tête: cette conseillère était là pour me forcer à reprendre le traitement et donc donner plus d'argent au laboratoire pour lequel elle travaillait. Elle m'a dit d'un ton mielleux: "madame, avez-vous pensé à sevrer votre fils? Il existe de très bons laits de croissance et cela vous permettrait de reprendre votre traitement dans la foulée. Trois mois d'allaitement, c'est bien assez pour un bébé, vous avez besoin de notre traitement pour aller mieux".

Hein, quoi, comment? Tu as dit quoi là? De un, je vais très bien, merci d'avoir oublié de me le demander cette fois-ci. De deux, je compte allaiter mon fils minimum un an sauf s'il se désintéresse de lui-même du sein. De trois, ton traitement là, il me rend plus malade qu'autre chose. Tu te souviens de ce que je t'avais raconté la dernière fois? Genre idées noires, grosse fatigue provoquant des cernes que je ne pouvais plus dissimuler, des boutons dignes d'un ado en pleine puberté et des cheveux bipolaires me faisant ressembler à un cadavre. Sa réponse a été la suivante: "ah, vous ne voulez donc pas reprendre le traitement pour des raisons esthétiques?". Je... Mais... As-tu écouté ce que je viens de te dire? De te redire même?

Je lui ai finalement dit que je ne souhaitais pas reprendre le traitement, point. Je ne veux pas m'injecter quelque chose qui me rend malade quand je me sens bien. Si je sens qu'une poussée arrive, je me reposerai, je prendrai soin de moi. Si les symptômes ne disparaissent pas après trois jours, je prendrai un rendez-vous chez mon neurologue pour avoir des perfusions de cortisone pendant les trois jours suivants (c'est chouette en plus, ça fait planer! Haha, je rigole hein, i-ro-nie les gens, ne montez pas tout de suite sur vos grands chevaux!). Si après trois jours, ça ne passe pas, on fait une autre cure et si ça ne passe toujours pas, on verra ce que me propose mon neurologue.

A l'heure où j'écris cet article, j'ai les mains tellement sèches que la peau craque et elles saignent. Merci le plegridy qui a donné le droit à ma peau de faire ce qu'elle veut. Non, cela ne vient pas de la vague de froid car je sors avec des gants, je les hydrate plus de quatre fois par jour et je dors même avec des gants en tissu imprégnés de crème pour essayer de ne plus avoir des mains qui ressemblent à une râpe à fromage.

Avec l'acceptation de la maladie, j'ai commencé à avoir une nouvelle philosophie de la vie. La sclérose en plaques est une maladie que l'on ne peut pas guérir (pour le moment) et surtout, c'est une maladie imprévisible. Alors, au lieu de passer le reste de ma vie (qu'elle soit longue ou écourtée) à râler ou à déprimer pour des choses insignifiantes ou qui peuvent être arrangées en y mettant du mien, je n'ai qu'une vie et je compte bien en profiter (yolo ou no more regrets, comme vous voulez)!

J'essaie au maximum de profiter de chaque instant, qu'il soit positif ou non. Si une embûche arrive sur mon chemin, j'essaie de trouver au plus vite une solution et je me réjouis ensuite d'être arrivée à passer au dessus par mes propres moyens, ou en demandant de l'aide. Non, je n'ai plus peur de demander de l'aide maintenant. Ce n'est pas un signe de faiblesse, je vois ça comme une force. Aller vers l'autre pour lui dire "j'ai besoin de toi, aide-moi" est une forme de courage dont on devrait pouvoir être fier. A chaque fois que je demande de l'aide, j'en ressors grandie.

Je note le plus possible dans un carnet, dans mon téléphone, sur un post-it les bonheurs, petits ou grands, qui sont venus saupoudrer de paillettes mes journées. Je trouve que c'est important de se rendre compte qu'un petit rien peut ensoleiller une journée qui avait mal commencé: un sourire de mon bébé quand je vais le chercher dans son lit, un dessin de mon aîné qui représente toute la famille, un câlin surprise de ma cadette, ma commande amazon qui arrive avec un jour d'avance, une de mes orchidées qui refleurit, un arc-en-ciel qui apparaît après la pluie, un mail d'une copine... La liste est longue. J'ai même dédiée une série d'articles ici sur le blog dans lesquels je relate ces petits bonheurs qui rendent la vie meilleure.

Je remplis notre maison de plantes et de fleurs. Je crois que j'ai la main verte, même si je suis encore débutante en la matière. Cela a commencé après avoir acheté une orchidée "soldée" parce qu'elle n'avait plus de fleurs et ses feuilles étaient dans un piteux état. J'ai décidé de la ramener à la maison pour lui donner une seconde chance. Elle a commencé à me faire de nouvelles feuilles et puis un jour, elle m'a fait une nouvelle tige et elle a fleuri à nouveau. En lui donnant les soins adéquats, elle était de nouveau en pleine forme. Sa "guérison", je l'ai vécu comme une représentation de ma "guérison". J'ai essayé de prendre soin d'elle et elle s'est sentie mieux. J'essaie donc de prendre soin de moi autant que je le peux pour aller mieux. Je suis émerveillée devant une pilea qui fait de nouvelles feuilles sous celles qui sont déjà présentes. Je suis émerveillée par la couleur si profonde de la dernière orchidée qui est arrivée à la maison. je suis émerveillée par les feuilles majestueuses de mes monsteras. Je suis émerveillée devant la beauté de ma medinilla magnifica. En arrosant mes plantes, je leur parle. Je leur dis qu'elles sont belles, je les félicite de la force qu'elles ont et je leur promet que le soleil sera bientôt de retour. Je ne suis pas folle vous savez! J'ai sincèrement l'impression que cela leur fait autant de bien que moi. The Husband (mon conjoint, NDLR) me disait l'autre jour que notre maison ressemblait à une jungle. Et bien, qu'est-ce que je l'aime ma jungle!

Maintenant, je ne dis plus oui à tout. Avant, je disais oui à tout le monde, même si ce qu'on me demandait me faisait sortir de ma zone de confort ou bien me faisait stresser pour un rien. Avec ma sclérose en plaques, j'évite le plus possible de me trouver en situation de stress car à la longue, cela pourrait me provoquer une poussée. Avec trois enfants en bas âge, j'ai déjà assez de stress à la maison vous ne croyez pas? J'ose dire non et si la personne en face de moi insiste, ça sera "m*rde, j'ai dit non".

Il y a peu, je suis tombée sur une publication Facebook qui disait "quand vous voyez quelque chose de beau chez quelqu'un, dites-lui. Cela vous prend une seconde et cela lui restera toute sa vie". C'est exactement ce que j'essaie de faire au quotidien, que ce soit avec mes enfants, the Husband, une maman au jardin d'enfants, une personne que je ne connais que sur les réseaux sociaux, une amie irl... Cela ne coûte rien, ça fait énormément de bien de le dire et de voir la réaction de la personne à qui je viens de le dire. Cela peut vous sembler bizarre mais cela m'apporte un apaisement de l'âme pendant une fraction de seconde.

Je me sens en paix avec moi-même et ceux qui m'entourent. Je n'hésite pas non plus à sourire à de parfaits inconnus dans la rue si nos regards se croisent. Cela les perturbe au début mais ils me retournent ensuite ce sourire. Et hop, un petit bonheur à rajouter à ma liste! Le monde est devenu si austère, individualiste, égoïste que de simples petits moments de flottements comme ceux-ci sont tellement agréables à vivre! Je ne suis pas qu'amour et paix, non, genre namaste, peace et compagnie. Si on me cherche, on me trouve. Je ne souhaite le mal à personne, mais je ne resterai pas muette si vous me cherchez.

J'ai décidé de dépasser mes craintes, mes peurs et mes phobies bien que cela ne soit pas tous les jours facile. Comme je viens de vous l'écrire, je ne dis plus oui à tout pour faire plaisir à tout le monde de peur de me faire rejeter. Les personnes auxquelles j'ai dit non ne sont pas contentes et ne comprennent pas mon refus? Et bien au revoir. Je ne veux plus m'entourer de personnes négatives ou qui n'essaient pas de me comprendre. Mon allemand n'est pas encore correct bien que cela fasse presque dix ans que je vis en Allemagne? Tant pis, j'engage quand même la conversation, je ne me retiens plus de demander où trouver tel article en magasin, j'envoie des mails en allemand... On ne me comprend pas? J'essaie une autre tournure de phrase. On ne me comprend pas? Tant pis, ce n'est pas grave. Peut-être que mon allemand n'est pas encore compréhensible par tout le monde mais je suis quadrilingue et ce n'est pas donné à tout le monde, j'ai donc de quoi être fière de moi. Je n'ai jamais aimé conduire. Pour mon bien-être et celui de ma famille, je me suis remise derrière un volant et c'est assez chouette en fait! J'ai la phobie des araignées depuis les années que j'ai passées au Chili. L'autre jour, il y en avait une énorme dans l'évier de la cuisine. J'ai pris mon courage à deux mains et je l'ai littéralement explosée avec une chaussure (oui, mon évier est très grand!) en sortant tous les gros mots qui me passaient par la tête. Avant, je serais restée paralysée devant, en sueur et j'aurais commencé à pleurer.

Pour terminer cet article: non, je ne suis pas triste d'être malade. Non, je ne pense pas à ça tous les jours planquée sous une couette à pleurer toutes les larmes de mon corps. Je me serais bien passée de la maladie, c'est sûr, mais d'une certaine façon, ma sclérose en plaques m'a aidé à ouvrir les yeux et profiter de la vie. Je suis assez fière de la personne que je suis devenue depuis que le diagnostic a été posé. A chaque problème sa solution. Après la pluie le beau temps. La vie peut être belle, très belle même, si on sait la regarder d'un oeil positif. Sans la maladie, je serais passée à côté de ma vie.

Ce billet est également publié sur le blog La Vida de Lindanita.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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