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Vierge à la Gauche présidente, ce soir je saute le pas!

Dehors, on se croirait un soir de Coupe du Monde : les klaxons retentissent et des immeubles descendent des hourras : le XXe arrondissement de la capitale a massivement voté à gauche. Enfin fixée sur son sort, la France heureuse est belle à voir. Faussement tranquille, je la regarde, l'envisage, la dévisage: dans quelques minutes la France à gauche sera mienne.
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KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Des deux présidences Mitterrand, mon jeune âge ne m'autorise que de vagues souvenirs: J'étais tout juste né lorsque le leader de la gauche d'alors achevait son premier septennat, pas encore conscient politiquement lorsqu'il se faisait enterrer à Jarnac. Tout ce que je sais de Mitterrand, je le connais donc par la double entremise des livres d'Histoire et des images tournant en boucle sur les écrans télé.

Je suis encore vierge et un peu gauche. Idéaliste, parfois naïf. Je suis vierge à la gauche présidente et voilà que François Hollande, candidat du parti socialiste, devient notre Président de la République. Ce soir, pour la première fois de ma vie je vais connaître ma première vraie expérience politique de gauche. Mon cœur bat. Je n'en pouvais plus d'attendre !

20h, dimanche 6 mai 2012, soir du second tour des élections présidentielles. Je ne suis pas devant mon écran - Claire Chazal est-elle encore en blanc ? - mais dans le RER A, complètement vide. Ne goutant que très peu aux blagues sur le nain et le flamby (les deux surnoms moqueurs des champions s'affrontant), j'ai déconnecté Facebook. Depuis la fin d'après-midi, je connais les résultats grâce à Twitter... Je ne voulais rien savoir des résultats avant l'heure fatidique, je voulais faire comme avant, mais l'on m'informe régulièrement par SMS et emails. Sans surprise aucune, les hyper connectés savent qu'Hollande va gagner... 52% des suffrages exprimés (pas de blague libre-belge ici...) La rumeur se répand, mais je fais semblant de ne pas encore savoir. Je me suis donc préparé comme si de rien n'était. Je me suis parfumé, bien peigné : ce soir pour François, je revêts ma plus belle chemise.

Il est 20h02, lorsque le train marque l'arrêt à la station Chatelet-les-Halles. Une clameur s'engouffre alors dans le wagon : le peuple amassé sur le quai est heureux. Des hourras retentissent, un vent républicain souffle sur Paris. Excités, les voyageurs parlent politique et promettent d'aller « prendre la Bastille » en chantant « Hollande Président, Hollande Président ». C'est donc ce soir que tout va se passer. J'ai les mains moites, je suis un peu nerveux.

Changer la vie ? Je n'y crois pas, je me dis qu'il faut simplement passer par là pour devenir un homme. Les lendemains qui chantent ne sont surement pas pour demain. En 2012, la France affaiblie par la crise économique n'est pas dupe des affabulateurs qui lui promettent un radical changement, elle souhaite simplement se rassembler pour marquer l'aubaine d'un éventuel nouveau départ et commencer à inverser la tendance. Place de la Nation, je remonte à l'air libre. Dehors, on se croirait un soir de Coupe du Monde : les klaxons retentissent et des immeubles descendent des hourras : le XXe arrondissement de la capitale a massivement voté à gauche. Enfin fixée sur son sort, la France heureuse est belle à voir. Faussement tranquille, je la regarde, l'envisage, la dévisage: dans quelques minutes la France à gauche sera mienne.

Ce soir, j'ai le sentiment qu'ils sont des milliers dans la même situation que moi, vierges à la gauche présidente. Je n'ai pas tort. Nos histoires sont toutes différentes. Nous sommes venus à elle par pleine adhésion ou par dépit. Alors que le nouveau Président de la République s'apprête à prendre la parole devant plusieurs dizaines de milliers de personne, j'observe l'assistance. Il est bien clair qu'elle ne mesure pas tout à fait ce que peut donner la gauche au pouvoir, qu'elle n'a aucune idée de la façon dont elle pourra se sortir des pièges que lui tendra sans surprise la vie politique. Elle s'interrogera demain. Pour l'heure elle fait la fête et les pubères se dirigent par grappes vers la Bastille. Ils s'affairent à trouver une rose à acheter aux marchants ambulants qui ont ce soir triplé leur chiffre d'affaire. La jeunesse est enthousiaste et son enthousiasme est en message : « Monsieur Hollande, nous sommes venus nombreux vous demander de tenir vos promesses de campagne. Nous sommes à vos cotés, nous vous avons soutenu, à vous, désormais, de nous aider ». À l'instar de la jeunesse de 1981, la jeunesse de 2012 rêve d'une société française plus fraternelle, plus ouverte, plus égalitaire et moins excluante. La jouvence voudrait que l'on s'occupe d'elle et que l'on prenne enfin la mesure de ses immenses attentes.

Ce dimanche 6 mai 2012 au soir, aux yeux des plus jeunes électeurs massés sur les places de France et de Navarre, François Hollande apparaît sous les traits d'une jeune fille ravissante et gracile qui s'apprête à s'offrir. Bientôt, je retirerai ma chemise et saurai enfin à quoi ressemble la gauche au pouvoir, débarrassée de ses atours et des grands discours. Je voudrais simplement qu'elle soit consciente de la somme d'espérances qu'elle fédère. La mienne, celle de millions d'autres. Rappelez-vous Monsieur Hollande combien les premières fois constituent un tournant dans la vie des hommes. Souvenez-vous qu'il vous faudra être habile pour ne pas décevoir ces âmes politiques pour la première fois éprises...

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