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L'arrivée programmée de la publicité sur Instagram

L'intégration de la publicité sur Instagram fait figure de crash test pour valider l'existence ou non d'une bulle internet dopée par les médias sociaux.
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C'est à coup sûr la nouvelle de cette semaine: Instagram prévoit d'engranger prochainement des revenus publicitaires. L'article que consacre le Wall Street Journal à ce sujet en reprenant les propos d'Emily White est repris et commenté un peu partout. Pourtant de quelle nouvelle parle-t-on?

On imaginait mal ce réseau rester philanthrope ad vitam aeternam. Encore moins depuis son rachat par Facebook pour la bagatelle d'un milliard de dollars (ramené finalement à 747 Millions de dollars). La publicité sera donc déployée au courant de l'année prochaine... C'est un peu maigre comme agenda, mais il est vrai que cela a au moins le mérite d'officialiser la chose.

Il s'agit donc plus d'une confirmation que d'une véritable nouvelle. Pourtant l'emballement autour de cette information n'est pas surprenant. Les enjeux sont en effet multiples.

Tout d'abord d'un point de vue économique et financier. L'intégration de la publicité sur Instagram fait figure de crash test pour valider l'existence ou non d'une bulle internet dopée par les médias sociaux. Sans revenir à la mise en échec de Myspace, plus récemment des entreprises comme Zynga ou Groupon ont indéniablement déçu. On ne sait toujours pas ce que deviendra Foursquare, sous perfusion, à grands renforts de levées de fonds, dans l'attente d'un hypothétique rachat par Microsoft ou American Express.

À un moment où les rachats à plus d'un milliard de dollars s'enchaînent sur ce secteur

(Tumblr pour Yahoo, Waze pour Google); et même si ces rachats sont considérés comme stratégiquement pertinents, et que les sommes s'avèrent finalement presque anecdotiques au regard des trésors de guerre des sociétés acheteuses; tous les yeux se tournent désormais vers Instagram qui s'apprête à passer le baptême du feu. Ce genre de service peut-il être rentable, et justifier les ressources et les espoirs investis?

Ce qui nous amène au second point, le modèle publicitaire en lui-même. Il suscite une curiosité, légitime chez certains, malsaine chez d'autres: les premiers attendent de voir comment Facebook va négocier un virage compliqué à manœuvrer. Les seconds attendent la sortie de route.

Il faut dire que Facebook a longtemps alimenté beaucoup de scepticisme sur sa capacité à générer des revenus, et il n'est pas loin le temps ou beaucoup lui prédisait un naufrage assuré. Les chiffres sont venus démentir ces prévisions, et son modèle publicitaire, encore en développement, semble bel et bien rentable.

Tout n'est pas rose pour autant. Car ce modèle est décrié tantôt du côté des annonceurs (propriété des datas, dépendance au système, changement de règles décrété de façon unilatérale, complexité due à la multiplication et aux évolutions permanentes des formats), tantôt du côté des utilisateurs (utilisation abusive des données, formats intrusifs). Du coup on peut se demander si un tel système pourrait se reproduire sur Instagram.

Et si Emily White promet que Facebook a appris de ses erreurs, et qu'il saura en tenir compte au moment du déploiement sur l'application de partage photo et vidéo, il faudra tenir compte d'un environnement bien différent... Une greffe à l'identique aurait en effet bien du mal à prendre.

Hors pour l'instant aucune certitude sur les formats envisagés. Les réflexions engagées par Facebook ne remontent évidemment pas à hier, lors de la parution de l'article du Wall Street Journal.

Depuis plus d'un an Instagram travaille d'arrache-pied pour améliorer sa section populaire (explorer), qui met en avant les contenus les plus plébiscités, en améliorant son l'algorithme. Il faut bien entendu y voir la volonté de monétiser cet espace. Sur un média d'image, pas certain que la majorité des marques aient forcément envie de payer pour se retrouver au milieu du toutou baveux de Mateo, du chat de Kevin en train de se lécher une partie du corps, du duckface de Tracy, des ongles multicolores de Samantha et d'un plat de nouilles douteux.

Il y a également eu l'arrivée de la vidéo en juin. Pas franchement une attente fondamentale de la communauté, mais quand on connaît l'explosion de ce marché actuellement, l'intérêt de Facebook pour ce format, et la durée retenue, 15s (contre 6s pour son concurrent Vine, développé par Twitter), à savoir la durée des futures pubs vidéos sur Facebook, on peut aisément imaginer les motivations liées à la publicité qui ont conduit à son introduction.

Mais le vrai point de départ, c'est en décembre 2012. Un faux départ s'il en est. Instagram impose de nouvelles conditions d'utilisation. La roadmap pour l'intégration de la publicité est en place. Mais ce passage en force, qui remet en question la propriété des photos publiées, déchaine la colère des utilisateurs. Cette levée de boucliers, concrétisée par un abandon des utilisateurs et une chute du cours de son action, pousse Instagram à faire machine arrière et à se fendre d'un mea culpa. Le réseau social avait totalement sous estimé la ferveur et la solidarité présente au sein de la communauté.

Près d'un an plus tard les choses ont évolué. Instagram affiche désormais 150 millions d'utilisateurs. Le réseau s'est fortement popularisé, intégrant de nouvelles typologies d'utilisateurs, probablement moins concernées par ces problématiques. Dès lors la question est de savoir si les utilisateurs historiques jouissent encore d'une influence suffisante pour tenir tête à Facebook, ou si cette influence s'est diluée dans la masse de cette nouvelle audience.

Tous pourraient en revanche rejeter un modèle trop intrusif qui viendrait parasiter l'expérience telle qu'ils la connaissent jusqu'à présent.

Photo ou vidéo, quelle que soit la forme que prendront ces nouveaux modes de présence publicitaire, on peut, sans peine, imaginer que Facebook ait la volonté d'intégrer des contenus sponsorisés dans le fil des utilisateurs.

Le prérequis c'est alors la qualité de ciblage. Facebook devra s'appuyer sur un système de ciblage ultra pertinent. Lorsque les comptes Instagram et Facebook d'un même utilisateur sont synchronisés, cela laisse entrevoir des possibilités non négligeables au regard de la somme des informations collectées. Sans cela, c'est beaucoup plus aléatoire et donc risqué.

Vient ensuite la qualité du contenu. Et sur ce point Facebook n'a pas la main. Il lui faudra se contenter de mettre en place un cadre de diffusion, comme un caping et une exclusivité, avec une optimisation au gré des performances, pour éviter les risques de rejet.

Le challenge auquel Instagram doit répondre, c'est également comment, comme Facebook à son époque, peut-il rendre son système publicitaire indispensable aux annonceurs. Car pour le moment les marques les plus actives s'en sortent plutôt bien sans soutien, et font, pour certaines, preuve d'une créativité qui est plébiscitée par les utilisateurs, à peu de frais. Nul doute donc qu'Instagram devrait encore connaître quelques changements d'ici à l'année prochaine.

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