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La perfection est une idée surfaite

Mon abandon de la perfection en faveur de la réussite se poursuit par à-coups. Il est difficile d'abandonner le principe de toute une vie. J'apprends encore beaucoup de mon cheminement professionnel. Mon cher principe de réalité me renvoie à l'imperfection.
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La perfection est une idée surfaite. Mais pas le succès. Durant des années, à la recherche de ce dernier, j'ai dépensé trop d'énergie à atteindre la première, aussi bien au travail qu'à la maison.

Ce compendium imparfait-et-pourtant-réussi qu'est Wikipédia note ainsi : "En psychologie, le perfectionnisme est un trait de personnalité caractérisé par les efforts d'une personne pour atteindre la perfection, le fait de s'imposer des critères de réussite très élevés, des auto-évaluations trop critiques et une inquiétude par rapport au jugement des autres." Hé, attendez une minute... enfin un diagnostic ! C'est moi, ça !

Quand ma carrière m'a menée à être suffisamment expérimentée pour devenir directrice financière, j'ai pris mes responsabilités très aux sérieux. J'ai orchestré une importante croissance créative et commerciale, fondée sur un trait de caractère aussi formidable qu'intenable : la perfection. Je prenais mes modèles partout. Quand j'étais productrice de films, ce sont des réalisateurs - très intelligents mais souvent excessifs - de films d'auteurs qui m'ont appris la façon de diriger. Travailler comme productrice de films publicitaires m'a appris que vraiment chaque détail d'un film compte quand vous n'avez que trente secondes. Le match parfait au baseball, l'oreille absolue d'un musicien, le concept militaire de l'exécution parfaite, un diamant sans défaut, le slogan de la Lexus "La conquête de la perfection": personne n'avait jamais eu de problème en cherchant la perfection. Je me sentais donc protégée.

Au travail, la recherche de la perfection semblait logique et s'était révélée efficace, du moins au début. J'avais de grandes visions qui se concrétisaient sans cesse. J'avais à la fois de bonnes idées et je savais comment les mettre en oeuvre, et j'étais récompensée pour ces qualités en conséquence. J'avais recruté les bonnes personnes et j'appréciais beaucoup mes équipes. Elles progressaient en même temps que moi et me mettaient en valeur, avec mes listes sans fin de choses à faire. Mais ma quête de la perfection ne se contentait pas de les stresser, elle me faisait perdre le sommeil et la raison. Ma réussite me l'a longtemps caché, mais cette recherche devenait, à la longue, impossible et probablement peu attrayante.

Tout comme mon poste à haute responsabilité, ma famille était toujours en pleine croissance. Je suis passée d'un adorable bébé à trois enfants de moins de 7 ans. Là aussi, ma quête d'une maison/enfants/ mariage parfaits ne me lâchait pas. Quand nous sommes passés de deux à trois enfants, mon mari et moi avons plaisanté sur le fait que nous passions d'une défense homme à homme à une défense de zone. Nous avons commencé à perdre la sensation de contrôle que nous avions pu exercer sur un et même deux enfants. Mon mari a tenu le choc, moi non. La pression est devenue trop forte, et j'ai été submergée.

C'est d'abord à la maison que je me suis rendue compte que la perfection n'étais jamais vraiment atteignable. Les paires de chaussettes n'allaient pas toujours ensemble ; le repas sur la table n'était pas toujours fait maison, ni encore chaud ; l'humeur de mon conjoint ne s'accordait pas toujours à la mienne ; mes enfants ne s'endormaient pas toujours et n'étaient pas toujours en bonne santé, même quand je le souhaitais à tout prix. Et bien sûr, ils ont pris des chemins différents que ceux auxquels je m'attendais.

J'avais l'impression de ne pas connaître certains problèmes : si je m'y penchais un peu plus, je serais tombée dedans la tête la première. Pour moi, l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle devenait impossible dans ce monde mêlant travail à la maison et gestion de la famille depuis le bureau. Il n'est donc pas étonnant que dans les deux domaines, j'ai fini par accepter l'idée que je devrais mettre la perfection de côté, et viser plutôt la réussite. Il y avait des points précis : redonner priorité aux choses à faire, ne pas essayer de toutes les accomplir, lever le doigt quand j'avais besoin d'aide et faire confiance aux autres pour effectuer des tâches dont je me croyais seule capable, depuis remplir le lave-vaisselle jusqu'à établir les plannings de stratégie sur le long terme. Même si l'approche est sensiblement différente de la mienne, elle fonctionne. Les affaires marchent.

Il y a plus de définitions de la réussite que la mienne au départ, plus ouvertes à la nuance et aux nouveaux paradigmes. La famille, les enfants, le mariage - et le travail - sont plus forts et plus dynamiques. Quelque chose ressort de l'imperfection, des chaussettes dépareillées, de la perte de contrôle, de la spontanéité : une satisfaction profonde.

Mon abandon de la perfection en faveur de la réussite se poursuit par à-coups. Il est difficile d'abandonner le principe de toute une vie. J'apprends encore beaucoup de mon cheminement professionnel. Mon cher principe de réalité me renvoie à l'imperfection. Le monde des médias numériques et de l'innovation insiste sur le fait que si vous n'avez pas subi de gros échec, vous ne connaîtrez pas de vraie réussite. Rien ne peut être parfait quand la notion d'une version bêta est le signe qu'un produit est prêt mais que l'on s'attend à ce qu'il connaisse encore des améliorations fréquentes, révélées au grand public sous le nom optimiste de "mises à jour".

D'autres poursuivront leur quête de la perfection. C'est nécessaire pour certaines choses, comme le soufflé, le trou-en-un au golf et, probablement, le lancement des fusées. Si et quand je changerai de carrière, peut-être que ma quête redeviendra d'actualité.

Mais pour l'instant, ma vie imparfaite, chaotique, intéressante, parfois triste, énervante et belle se montre plus réussie que je ne l'aurais cru. Je sais cela parfaitement.

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