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Est-ce que l'imposition unilatérale d'un salaire minimum à 15 $ l'heure est la meilleure solution pour les poches du travailleur?Et si nous exigions plutôt des entreprises qu'elles mettent en place des programmes incitatifs concrets et bénéfiques pour tous? Faisons un peu math afin de comparer ces deux types d'action.
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Même si les lois ont leur raison d'être, certaines d'entre elles nous embêtent royalement! Néolibéral dans l'âme ou non, l'État doit intervenir dans certaines sphères par obligations légales, et certaines fois par obligations morales. D'autres fois, il intervient quand le libre marché est défavorable pour un groupe aux dépens d'un autre. Si l'État intervient dans un dossier dans lequel il n'y a pas de déséquilibre entre les parties interpellées, nous pouvons parler d'ingérences et parfois de favoritisme.

Présentement, le débat autour du salaire minimum à 15 $ de l'heure fait rage autant ici, qu'en Californie, New York ou encore en Colombie-Britannique. Étrangement, la question de la parité du dollar entre le Canada et les États-Unis est évacuée du débat. Étrangement, nous semblons croire que 15 $ au Québec équivaut 15 $ en Colombie- Britannique... Mais ça, c'est un autre débat sur lequel je ne m'attarderai pas ici avec vous aujourd'hui. Choses certaines, tous (peu importe leur raison) veulent une augmentation du salaire minimum et tous demandent une intervention étatique.

Je poserai une simple question qui me conduira à vous soumettre une simple réflexion si vous le voulez bien.

Pour faire simple, je laisserai de côté l'ensemble des considérations fiscales de taxations et d'impositions qui existent entre un salaire de 10,75 $ et de 15 $ pour le gouvernement. Je n'aborderai même pas la question de possibles pertes d'emplois et de précarisation des emplois actuels. Tout comme je ne parlerai pas des possibles complications syndicales avec les conventions collectives actuelles. Je parlerai encore moins des défis RH. Ne prenez que l'exemple du salarié à 11,25 $ et l'autre à 15 $. En augmentant le premier à 15 $ quel salaire équitable et financièrement viable puis-je offrir au second?

Donc, cette simple question est la suivante : est-ce que l'imposition unilatérale d'une telle loi envers les entreprises est la meilleure solution pour les poches du travailleur?

La paix industrielle en souffrira indubitablement. La pression fiscale se changera éventuellement en pression opérationnelle qui se répercutera sur les attentes et la gestion de la performance des employés. Taux de roulement, épuisement professionnel, absentéisme et présentéisme, zèle, harcèlement psychologique, et la liste pourrait s'allonger. Loin de moi le désir de dramatiser. Disons que ce que j'avance n'est vrai qu'à 50%. Eh bien, ce 50% se chiffrera en dollars pour l'entreprise en matière de perte de productivité, de coûts d'assurances et autres charges. Il en sera de même pour le gouvernement et les futures chargent sociales engendrées.

Et, si nous nous tournions plutôt vers les entreprises pour une autre raison? Et si nous ne demandions pas au législatif d'intervenir entre l'employeur et l'employé, mais plutôt de bonifier le support offert aux employeurs pour les employés?

Ainsi, la question étant posée, je vous parlais plus tôt d'une piste de réflexion. M'y voici!

Et si nous exigions plutôt des entreprises qu'elles mettent en place des programmes incitatifs concrets et bénéfiques pour tous? Faisons un peu math ensemble afin de comparer deux types d'action.

1. Et si tous les employeurs étaient financièrement incités par le gouvernement à offrir des cartes de transport Opus + entreprise ou autre en région à leurs employés?

Sans Opus : 83,00 $ x 12 mois = 996 $

Avec Opus : 913 $

2. Et si tous les employeurs offraient des régimes de retraite à cotisation déterminée 50/50 avec l'employé jusqu'à concurrence de 6,5%?

10,75 $ x 40 heures = 430 $ * 50 semaines = 21 500 $

21 500 $ x 6,5% cotisation annuelle de l'employeur = 1 397,50 $

3. Et si tous les employeurs signaient des ententes avec tous les Nautilus et Énergie Cardio de ce monde afin d'offrir des rabais corpo de 30% à 40%

650 $ (passe annuelle) x 30% = 195 $

4. Et si tous les employeurs négociaient avec leur assureur collectif pour que les employés n'aient pas à débourser une franchise annuelle pour chaque type de service.

1er rendez-vous annuel chez le dentiste = 50 $

1er médicament = 10 $

Chiro = 25 $

Ensemble, ces quatre mesures incitatives pour lesquels l'employeur pourrait avoir des crédits d'impôt, ou toute autre forme de déductions et de remboursements fiscaux, se chiffrent grossièrement à 2 673,50 $.

Ce montant peut rapidement grimper à 5 000 $ en offrant d'autres incitatifs tels une troisième semaine de vacances dès l'embauche, une banque de congés maladie déterminés et même transférables ou monnayables selon certaines procédures, des billets de spectacles, des soupers, etc.

Là où certains employeurs y voient un coût de près de 3 000 $, d'autres y voient un investissement dans leurs employés, y voient aussi des interventions contrôlées de mobilisations et des économies de coûts futurs liés à une inaction.

Mais le plus important ici, c'est que l'employé n'a pas à débourser ce 2 673,50 $. Il ne se le fera pas imposer. Il ne devra pas travailler plus fort ou plus tard. Il n'en retirera que tous les bénéfices.

Est-ce que l'État en proposant un salaire à 15 $ de l'heure peut même envisager offrir ces types de bénéfices grâce à son intervention?

De plus, nous semblons toujours supposer que le monde travaillera toujours 40 heures par semaine!

Maintenant, prenons Bob qui est présentement payé 11 $ de l'heure, ce qui équivaut à 22 000$ annuellement plus ses deux semaines de vacances. Supposons qu'avec la loi, il passe à 15 $ de l'heure, ce qui représente maintenant un salaire annuel de l'ordre de 30 000 $. Une différence palpable et non négligeable de 8 000 $. Nouvelles charges fiscales et autres coûts faisant en sorte que ce 8 000 $ n'est plus que 5 000 $ dans les faits. À la fin, l'employé est-il plus heureux et si oui pour combien de temps? Combien de temps avant la prochaine revendication?

Maintenant, prenons ce 5 000 $ supplémentaire et retournons voir ce fameux Bob.

À 54 ans, Bob sait qu'il devra probablement travailler jusqu'à 70 ans s'il veut prendre sa retraite et pouvoir espérer s'acheter du beurre d'arachide pour son pain. C'est tellement bon même si ça pogne dans les dents et tant qu'à parler de dents, pourquoi ne pas se les faire nettoyer. Bob a aussi envie de se faire replacer les 3e et 4e vertèbres puisque son dos le fait souffrir depuis plus de 10 ans. Comble du malheur, il n'y a pas que Bob qui vieillit, sa voiture aussi et elle a rendu l'âme dernièrement. Maux de dos et 15 minutes de distance, Bob a vécu sa première expérience en transport en commun après 28 années de vie à Montréal.

3 000 $ de dépenses plus tard (il ne lui en reste plus que 2 000 $ maintenant, j'espère que vous me suivez), j'avais oublié de vous dire que Bob en avait tellement plein le casque de son directeur qui lui a donné sa lettre de démission.

Ce matin, ça fait quatre semaines que Bob ne travaille pas et c'est difficile pour l'orgueil, mais c'est beaucoup moins difficile pour l'orgueil que le fait de s'avouer à lui-même qu'il serait prêt à retourner travailler pour 11 $ de l'heure.

12 $, 15$, 17$ de l'heure, je vous pose la question, où vous situez-vous (mais surtout pourquoi) : loi gouvernementale au bâillon ou incitatifs organisationnels?

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