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Même si tu es le meilleur, je ne te prends pas!

Jimmy semble avoir tout du candidat recherché. Pourtant, je m'attendais tellement à plus de Jimmy...
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Je suis un homme, donc je suis détaché de mes émotions.

Moi, me cogner sur le doigt avec un marteau... ça ne me fait même pas mal! La larme au coin de l'œil est seulement liée au courant d'air frais qui passait au même moment. Même sans émotion, je me sens comme Rocky 4 dans son coin entre les rounds. J'affronte une machine soviétique, mais mon coach me répète sans cesse entre les rounds : « T'as pas mal, t'as pas mal !».

Dans le merveilleux monde du travail, on entend souvent les gens dire que nous devons rester éloignés de nos sentiments afin de prendre des décisions justes et éclairées. Mais c'est difficile. L'intelligence émotionnelle est souvent présente.

Que ce soit en matière d'évaluation de rendement, de gestion de la performance, d'évaluation salariale et de recrutement, les sentiments ne sont jamais bien loin. C'est difficile dire à Mélanie que nous ne retenons pas sa candidature pour le poste, même si elle en avait beaucoup plus besoin que Mireille. Pas facile de dire à quelqu'un : «Je sais que ta situation financière est précaire et que tu as réellement besoin d'un emploi pour en finir avec tes créanciers, mais dans ce cas-ci j'ai préféré y aller avec quelqu'un d'autre que toi! Désolé, et arrange-toi avec tes problèmes.» Je déteste faire ce type de choix et encore plus être cet oiseau de malheur.

Évidemment que le choix des mots est important et la façon de livrer le message l'est encore plus; mais au final tu annonces un refus quand même. Parfois, j'ai le sentiment que lorsque j'effectue ce type d'annonce, je contribue aux problèmes personnels de certains individus dans la société... et si je lui avais accordé le poste plutôt qu'à un autre? Je n'ai tellement pas le désir d'être la personne qui aura mis un frein au cheminement de carrière de quelqu'un, pas envie d'être celui qui aura bouleversé les conceptions et les perceptions du ou de la candidate.

On a tous besoin de murs, je ne veux juste pas être celui qui doit toujours les bâtir. Kévyn, aurais-tu des sentiments au travail?

La tête divisée en huit (multitâches), je finis par entrer en communication avec Jimmy, un candidat que je viens de dénicher pour un poste clé. Sans surprise ni réserve, j'ai la ferme intention de faire de celui-ci un futur membre de notre équipe. Quoiqu'ayant tenté en vain de le rejoindre à plusieurs reprises afin de l'inviter en entrevue, Jimmy me retourne l'appel ce matin. Suite à la pré-entrevue téléphonique qui me confirme ses compétences et son expérience, je l'invite à me rencontrer afin qu'il puisse me confirmer son intérêt.

Quoiqu'affirmative, sa réponse me laisse dubitatif. À vrai dire, je m'attendais à ce que Jimmy ait un sourire dans la voix et une certaine excitation. Non pas au fait qu'il puisse me rencontrer (faut quand même pas charrier), mais bien au fait que je lui propose quasiment un futur emploi sur un plateau d'argent. Peut-être y avait-il de la distorsion sur la ligne ou peut-être que mon message et la façon dont je l'ai véhiculé n'étaient pas aussi clairs pour Jimmy qu'ils ne l'étaient pour moi? Peu importe, à ce point, Jimmy vient nous rencontrer demain, et en ce moment c'est tout ce qui compte.

11 :20 et Jimmy n'est toujours pas arrivé pour l'entrevue. Pourtant, je lui ai expliqué le chemin comme je l'aurais fait à un aveugle ne connaissant pas le quartier; au point de quasiment faire des alertes aux roches sur le trottoir et au nombre de craques de trottoir. J'ai un esprit visuel... mais ne me parlez pas en même temps. :-)

11 :30, Jimmy arrive avec 30 minutes de retard. Ce n'est pas tant les 30 minutes de retard qui me dérangent, que l'attitude et le faciès qu'il adopte. Pas d'excuse, aucune tentative de justification, pas même une tentative de feinte. Simplement : « Je viens voir Kévyn! », lâché avec écœurement dès que la réceptionniste l'accueille.

Durant l'entrevue, Jimmy répond à l'ensemble des questions de façon très professionnelle. Lors des différentes mises en situation, Jimmy adopte un comportement, non pas exemplaire, mais un comportement recherché qui se situe au-delà de la moyenne des derniers candidats interviewés. Les résultats aux différents examens assignés abondent tous dans le même sens. Jimmy semble avoir tout du candidat recherché. Pourtant, je m'attendais tellement à plus de Jimmy.

Suite à l'entrevue, je révise mes notes et discute avec le gestionnaire qui était présent durant l'entrevue. Le gestionnaire me dit qu'il est très bon, qu'il a bien répondu, qu'il serait facile de l'intégrer dans l'équipe. Plus le gestionnaire m'en dit, plus je me dis qu'il y a quelque chose qu'il ne me dit pas. Je m'attends à un mais... Je laisse parler le gestionnaire et cette fameuse conjonction arrive finalement.

Je supporte et respecte mon gestionnaire, donc je lui fais part des deux ou trois fois où mon intuition m'a chatouillé l'estomac et je lui dis que malgré tous les bons résultats de Jimmy, notre feeling ne doit pas être écarté de l'équation. « Si j'avais su, je n'aurais jamais... », « Si je m'étais écouté »...Nous ne sommes pas des policiers ou des enquêteurs, notre feeling peut compter comme élément de preuve ici.

Et si je laissais de côté le Q.I. pour l'É.I. aujourd'hui?

C'est vrai qu'on se doit tous le respect, du moins nous devrions tous nous respecter. Toutefois, hormis ce respect, je ne dois rien à personne tout comme personne ne me doit rien. Ainsi, l'invitation était une date. Je t'ai vu, tu étais bien, mais quand j'écoutais ce que tu me disais, tu m'as convaincu que mon choix ne serait pas avec toi. Mais, tu étais malheureusement chez moi et je ne pouvais pas me sauver. J'attendais juste que tu partes pour passer à autre chose.

Sur papier, tu étais le meilleur, mais dans les faits j'ai préféré aller voir ailleurs.

Je ne suis pas loin de mes émotions, je ne fais simplement que les contrôler dépendamment des situations qui se présentent et des acteurs impliqués.

À la fin Rocky gagne, mais Rocky est magané!

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