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Je suis une mère instinctive

Lorsque j'ai accouché de ma première fille, Salomé, j'ai découvert que rien ni personne ne pourrait s'immiscer entre elle et moi à ce moment-là. Nous étions en symbiose, je l'allaitais au lit, nous dormions dans les bras l'une de l'autre.
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Que de textes écrits par des mères pour justifier leur parfaite façon d'être imparfaite. C'est la nouvelle doxa; on revendique nos ambivalences et déchirements, nos valeurs profondes et nos (nombreuses) contradictions. L'heure est à la promotion de la différence puisque l'ultime péché mortel dans un Occident laïcisé consiste à prêcher un modèle unique; on s'est débarrassé des curés, on ne cherche pas forcément à les remplacer! Qui dit émancipation dit maturité, réflexion, comparaison, analyse et prise de décision.

Pendant plus de 2000 ans, on a pu s'appuyer sur les valeurs de l'Église catholique, enseignées dès la prime jeunesse à tous les enfants au petit catéchisme et renforcées par les messes du dimanche en famille et les inévitables séances au confessionnal. C'était relativement plus simple, tous connaissaient les dix commandements, tous savaient les paraboles, ces petits contes moraux, tous pouvaient citer psaumes ou versets de circonstance. Les mères élevaient leurs enfants comme elles avaient été élevées, se comportaient comme leurs voisines et parentes. Étaient-elles toutes épanouies, j'en doute. Chose certaine, elles ne vivaient pas les doutes et culpabilités endémiques des mères modernes.

Car il est là le contrepoids de notre «libération», nous devons trouver notre voie, la nôtre, la seule, l'unique voie qui nous convienne vraiment, et ce, tout en vivant sous le flot continuel d'images et d'idées toutes plus séduisantes les unes que les autres. Faut-il répondre à la question «Quelle mère suis-je?» Doit-on avoir un titre? Une catégorie? Une étiquette qui permettrait aux gens de nous «saisir» plus rapidement et succinctement? Le texte ici d'une maman blogueuse que j'ai trouvé sensible et bien écrit sur le sujet Je suis une maman oiseau. Et la vidéo ici qui circule sur les réseaux sociaux décrivant si bien ces stériles querelles de clochers entre les différentes façons dont sont maternés nos enfants si rares et si précieux (bon, c'est produit par Similac...ils ont évidemment intérêt à promouvoir le libre-choix en matière d'alimentation des enfants...commanditaire douteux, mais bonne vidéo tout de même).

De l'instinct à la confiance

Pour ma part, je me sens tout à fait libre et confiante, aujourd'hui, dans mon style parental. Et je dis bien, aujourd'hui. Parce qu'à l'époque, j'ai dû rechercher un peu de réconfort chez des auteurs dont la pensée s'accordait à mes «intuitions». J'avais besoin d'intellectualiser, de conceptualiser ce que je ressentais si fortement, mais qui ne correspondait pas alors à l'idéologie dominante dans mon milieu.

Lorsque j'ai accouché de ma première fille, Salomé, j'ai découvert que rien ni personne ne pourrait s'immiscer entre elle et moi à ce moment-là. Nous étions en symbiose, je l'allaitais au lit, nous dormions dans les bras l'une de l'autre. Le jour, je la promenais sur mon ventre et plus tard sur mon dos. Je communiquais avec elle par le regard. Elle était paisible et éveillée, souriante et dégourdie. J'avais bien une bassinette et une jolie chambre d'enfant décorée avec soin. Elle n'y a jamais dormi. J'ai accouché quelques mois plus tard de son petit frère et il est venu nous rejoindre dans le lit familial. Les deux s'éveillaient en se touchant, en riant, en gazouillant. J'étais bien, tout simplement.

J'avais trouvé le site du Dr. Sears, pédiatre américain qui avec sa femme infirmière et leurs nombreux enfants, faisait figure de chef de file du mouvement «attachment parenting». Ils publiaient des livres et faisaient la promotion du co-dodo, de l'allaitement à la demande et prolongé, du portage et d'une façon d'être «connecté» à son enfant qui contribuait à une discipline intégrée et non coercitive. J'ai lu les livres, j'ai consulté le site. J'appliquais déjà par instinct ces façons d'interagir avec mes enfants, mais j'avais à ce moment-là besoin de leurs mots, de leurs arguments «scientifiques», de leur caution morale pour sortir dans le monde et affronter les regards et jugements. Et il y en a eu. J'ai eu peu de soutien. Mon amoureux s'est rapidement montré convaincu par mon style de maternage; nos enfants rayonnaient de bonheur. Que demander de plus? Moi j'étais une jeune maman en forme, je ne manquais pas de sommeil ou d'énergie puisque je dormais la nuit... aux côtés de mes enfants.

Devenir mère, c'est apprendre à se connaître et grandir tout en accompagnant ses enfants à travers leurs propres chemins.

Quelques années plus tard, j'ai eu Morgane et Bénédicte. J'étais alors une maman expérimentée. Je me sentais compétente. Pas parfaite... ce mot qui fait horreur ces temps-ci à l'ensemble des mères qui trouvent qu'il y a déjà pas mal trop de pression merci (lire ici la montée de lait de Catherine Trudeau). Pas parfaite, donc, mais confiante puisque mes deux premiers enfants dormaient alors à poings fermés dans leurs propres chambres, qu'ils étaient devenus des enfants aventureux, qui ne souffraient pas d'angoisse de séparation. Ils avaient été suffisamment sécurisés, ils pouvaient désormais partir explorer leur petit univers. J'ai donc appliqué ma recette, mon style, avec bonheur et légèreté quand est arrivé le temps de materner mes deux petites poulettes.

Les grandes leçons de la maternité

Devenir mère ça change la vie d'innombrables façons. La plus marquante à mon avis c'est ce changement phénoménal où, en une journée, nous cessons d'être le centre de notre propre univers. Fin de l'égocentrisme qui nous caractérise tous depuis notre naissance. Nos petits bébés mammifères sont si vulnérables, ce nouvel altruisme est plus que souhaitable, il est vital. Mais devenir mère c'est aussi faire le tri entre toutes nos valeurs, celles dont on a hérité et celles qu'on choisit d'adopter. Devenir mère c'est prendre une foule de décisions et être assez solide pour les assumer. Devenir mère, c'est apprendre à se connaître et grandir tout en accompagnant ses enfants à travers leurs propres chemins.

J'ai personnellement appris à faire confiance à mon jugement à travers cette expérience absolument transcendante qu'est la maternité. Voilà sans doute ma plus grande leçon. Je pense donc je suis

Ma petite pensée historique du jour: ce qui aujourd'hui peut paraître marginal ne l'a pas forcément toujours été, ne le sera pas forcément toujours... et ne l'est pas forcément partout. On a toujours un peu tendance à se percevoir comme «la fin de l'histoire», l'aboutissement ultime et glorieux de 4 millions d'années d'évolution. Mais, malheureusement, l'histoire n'est ni linéaire ni progressiste. Nous sommes souvent le produit de notre époque, mais l'époque n'a pas forcément «raison».

À toutes les mères qui font leur gros possible, salut!

Ce billet a également été publié sur le blogue personnel de Kathleen Shannon, Kat et sa smala.

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