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La droite champagne et le mépris: réponse à Lise Ravary

J'ai lu votre texte sur la gauche champagne dans le. Le mépris qui traverse votre texte est symptomatique de la déliquescence des débats publics au Québec et c'est pourquoi j'ai décidé de vous répondre.
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Madame Ravary,

J'ai lu votre texte sur la gauche champagne dans le Journal de Montréal. Je ne sais pas si je fais moi-même partie de cette gauche aisée que vous dénoncez puisque votre attaque est suffisamment floue pour ratisser large et discréditer à l'avance toute personne appartenant à «la gauche». Le mépris qui traverse votre texte est symptomatique de la déliquescence des débats publics au Québec et c'est pourquoi j'ai décidé de vous répondre.

Réglons tout de suite une question: je mange des fromages du Québec, mais j'aime le Velveeta. Je raffole du homard du Québec, mais j'ai aussi un penchant avoué pour le Kraft Dinner. Il n'y a pas de prélart chez moi, mais je suis locataire. J'ai complété des études universitaires et vu tous les films de Woody Allen, mais j'étais aussi un grand fan de Gilles Latulippe. J'ai grandi en région, je vis à Montréal, mais pas sur le plateau. Ah oui, et je préfère Le Devoir au Journal de Montréal, pas par mépris, mais simplement parce que les faits divers ne m'intéressent pas. Suis-je un gauche-champagne? À vous de me le dire, je ne connais pas vos critères, mais je ne pense pas que de me classer dans une petite case nous avance à grand-chose. Passons.

Ce qui frappe d'entrée de jeu dans votre attaque, c'est à quel point elle est biaisée. Comme s'il n'existait pas de droite-champagne bien-pensante, donneuse de leçons, qui méprise les «gens ordinaires». N'avez-vous jamais rencontré des «droite-champagne»? Ce sont ceux qui disent que les assistés sociaux sont des profiteurs, que les étudiants sont des bébés-gâtés, que les régions vivent aux crochets de l'État. Eux qui considèrent aussi que la précarité encourage le travail, et que trop de confort pour les pauvres mène à l'oisiveté. Ce sont eux qui s'autoproclament créateurs de richesse et qui croient que leur BMW est un droit acquis. Mon point est simple: le mépris et l'arrogance ne sont pas l'apanage de la gauche. Comme disait Bill Clinton: «It is not a debate between left and right, it is a debate between right and wrong».

Mais en relisant le texte, je constate que vous usez du même mépris que celui que vous voulez dénoncer. Vous attaquez la crédibilité de vos adversaires plutôt que leurs arguments. Plus encore, vous jouez sur le vieux fond anti-intellectuel et anti-élite des Québécois pour porter le message qu'il y a d'une part «le vrai monde», et d'autre part «les gens déconnectés», qui s'adonnent tous à être de gauche. Mais peu importe comment vous les énoncez, vos préjugés ne constitueront jamais des arguments. Cultiver les préjugés, c'est se condamner au refus du dialogue, au refus de l'autre.

Vous conviendrez avec moi que notre société est de plus en plus polarisée et que la seule manière d'avancer est de pouvoir délibérer librement sur la base de faits et d'arguments, en respectant le point de vue de l'autre. Beaucoup se sont émus du « mange de la marde » de Christian Bégin. Pourtant, à chaque jour, des animateurs de radios-poubelles profèrent des mensonges, renforcent des préjugés et intimident des citoyens en proférant à répétition des «Va chier», «Pute», «Mangeux de marde» et tout un florilège de gros mots. Leurs abus de langage sont-ils plus acceptables parce qu'ils appartiennent à «la droite» ?

J'aimerais vous laisser sur une citation du Colonel Kurtz, le personnage de Marlon Brando dans le film Apocalypse Now: «They train young men to drop fire on people. But their commanders won't allow them to write 'fuck' on their airplanes because it is obscene.» Vous voyez, le «mange de la marde» de Christian Bégin me dérange beaucoup moins que l'usage systématique de l'attaque personnelle, du préjugé et de la démagogie qui semblent avoir remplacé tout discours intelligent au Québec. En cultivant le cynisme et la méfiance, on récolte la polarisation et le repli sur soi. Est-ce vraiment le Québec que nous voulons bâtir ?

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