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Immigration : le grand mensonge

Avec l'affaire des immigrants haïtiens, ce ne sont pas que les réfugiés qui traversent la frontière pour entrer au Québec, mais le Trumpisme et sa conception raciste de l'immigration.
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Un poème est gravé sur la Statue de la Liberté. Il a accueilli des dizaines de millions d'immigrants à leur arrivée en Amérique.
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Un poème est gravé sur la Statue de la Liberté. Il a accueilli des dizaines de millions d'immigrants à leur arrivée en Amérique.

Ne pas connaître l'histoire, c'est se condamner à la répéter. En qualifiant les réfugiés haïtiens récemment arrivés au Québec de tricheurs et de voleurs de jobs, le chroniqueur du Journal de Montréal Loïc Tassé perpétue un des grands mensonges de l'immigration. Ce mensonge consiste à prétendre que les idées défendues sur l'immigration sont les mêmes, peu importe l'origine ou la condition sociale des immigrants. C'est faux, et de tout temps des vagues d'immigrants ont été ciblées en raison de leurs différences religieuses, ethniques ou sociales. Chaque fois, on retrouve les mêmes arguments légalistes ou économiques qui cachent un discours discriminatoire.

Dès la fin du 19e siècle, aux États-Unis comme au Canada, des discriminations fondées sur la religion ou l'ethnicité apparaissent. On distingue les bons immigrants, blancs et protestants, et les immigrants de seconde classe, pauvres, catholiques, juifs. Ce sont d'abord les Irlandais qui fuient la famine au milieu du 19e siècle et qui arrivent en masse via Québec, Boston et New York. Dès leur arrivée, ils sont ostracisés et accusés de voler les emplois. On leur reproche d'être indigents, illettrés et... catholiques. On leur réserve les emplois dont personne ne veut. Ils trouveront au Québec un peuple ami, aussi pauvre, illettré et catholique.

Le même traitement est ensuite réservé aux Italiens, particulièrement aux Siciliens, qui arrivent en Amérique pour fuir la misère. Pauvres, peu éduqués, catholiques, les services d'immigration américains tentent de limiter leur entrée aux États-Unis en créant des quotas fondés sur la religion et l'ethnicité, chose pourtant interdite par la constitution américaine.

Quand les juifs d'Europe de l'Est fuient les pogroms et la persécution religieuse, ils se heurtent à un antisémitisme galopant au Nouveau Monde. Eux aussi font face à une discrimination fondée sur leur religion. Nul besoin de revenir sur ce pan peu glorieux de notre histoire. Que dire aussi du million de Québécois qui s'établissent en sol américain au tournant du 20e siècle? Pauvres, illettrés, illégaux, voleurs de jobs. Eux aussi furent victimes de racisme.

Qui aujourd'hui oserait nier que les Irlandais, les Italiens, les juifs et les Québécois ont construit l'Amérique comme nous la connaissons?

Qui aujourd'hui oserait nier que les Irlandais, les Italiens, les juifs et les Québécois ont construit l'Amérique comme nous la connaissons? Pourtant toutes ces vagues d'immigration ont été dénoncées, comme le sont aujourd'hui les vagues d'immigration musulmane, syrienne ou haïtienne. Comme Donald Trump dénonce les immigrants mexicains de voleurs, de violeur et de criminels. Encore une fois, on s'en prend aux plus pauvres, aux plus vulnérables des immigrants, en prenant appui sur les différences raciales ou religieuses.

Avec l'affaire des immigrants haïtiens, ce ne sont pas que les réfugiés qui traversent la frontière pour entrer au Québec, mais le Trumpisme et sa conception raciste de l'immigration.

Le grand mensonge est de continuer de prétendre que le débat sur l'immigration est exempt de ce racisme. Ce n'est pas le cas, ce ne l'a jamais été. Imaginons un instant que les 1500 réfugiés aient été Français, feraient-ils face au même barrage d'attaques virulentes? Les vrais tricheurs sont ceux qui utilisent le débat sur l'immigration pour véhiculer leurs propres préjugés racistes.

Mais, heureusement, nous sommes nombreux à continuer de penser que nous avons une obligation morale de nous porter au secours de ceux qui sont dans le besoin et qui frappent à nos portes, comme en témoigne la manifestation d'appui qui s'est tenue cette semaine au Stade olympique. Je terminerai en leur rendant hommage avec ce poème d'Emma Lazarus, fille d'une famille immigrante juive portugaise :

Donne-moi tes pauvres, tes exténués,

Tes masses innombrables aspirant à vivre libres,

Le rebus de tes rivages surpeuplés,

Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte

Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d'or !

Ce poème est gravé sur la Statue de la Liberté. Il a accueilli des dizaines de millions d'immigrants à leur arrivée en Amérique. À nous de poursuivre cette œuvre.

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