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Comment mettre un béluga en boîte sans se fatiguer

Si nos gouvernements sont si confiants de l'absence d'impact des forages de TransCanada sur les bélugas, qu'ils laissent leurs scientifiques parler librement. Sinon, nous continuerons de penser qu'ils sont prêts à mettre les bélugas en boîte pour faire passer des barils de pétrole.
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Les derniers mois ont été ardus pour les bélugas. On retrouvait à la mi-août un nouveau-né échoué, le troisième en 2014. Ceci fait suite à la perte de 10 nouveau-nés en 2010, 17 en 2012 et plusieurs autres en 2013. Nous avons assisté depuis 10 ans à un déclin de 15% de la population de bélugas dans le Saint-Laurent, qui est maintenant passée sous le seuil des 900 individus. Pour la communauté scientifique, l'heure du signal d'alarme a été franchie depuis longtemps. Et pourtant TransCanada amorce aujourd'hui des travaux de forages dans la pouponnière des bélugas en vue de l'implantation d'un port pétrolier à Cacouna.

TransCanada a réussi en à peine trois mois à recevoir l'autorisation des gouvernements fédéral et provincial pour réaliser ces travaux. La manière dont les deux gouvernements ont écarté les connaissances scientifiques disponibles et la vitesse à laquelle ils ont accordé leur autorisation soulèvent de nombreuses questions, toujours sans réponses.

Plusieurs groupes environnementaux se sont récemment adressés aux tribunaux pour faire invalider l'autorisation accordée par le gouvernement du Québec le 31 juillet dernier. Bien qu'une première manche ait été perdue par les groupes environnementaux, le recours a permis de jeter la lumière sur plusieurs faits troublants :

  • Pêches et Océans Canada a accordé son autorisation aux forages sans produire d'avis scientifique comme il l'avait fait à l'occasion des premiers travaux de levées sismiques en avril 2014.
  • Le gouvernement du Québec a émis son autorisation en à peine deux mois en se basant sur les informations fournies par le gouvernement fédéral et TransCanada, sans requérir d'avis scientifique supplémentaire.
  • Les conditions de l'autorisation de Québec étaient inaccessibles, voire confidentielles selon Transcanada, jusqu'à ce que les procureurs des groupes n'en fassent la demande dans le cadre des procédures.
  • Ces documents ont permis de démontrer que Québec a exprimé des inquiétudes sur l'impact des travaux sur les bélugas et a demandé à cinq reprises des informations supplémentaires à cet égard, pour finalement accepter les informations fournies par le fédéral, celles-là mêmes qui avaient été fournies initialement par TransCanada.
  • Le directeur régional des sciences de Pêches et Océans Canada qui a transmis ces informations au gouvernement du Québec a été nommé en poste qu'au début de l'été, en remplacement d'une direction jugée trop favorable aux scientifiques du ministère.
  • Aucun scientifique expert des bélugas du Saint-Laurent au sein de Pêches et Océans Canada n'a été autorisé à fournir un avis scientifique.

Parallèlement à ceci, des parlementaires qui ont souhaité débattre de la question à Ottawa et obtenir les avis des experts fédéraux ont été muselés, et on append maintenant que les pétrolières souhaitent faire amender la loi sur les espèces en péril.

De l'avis de plusieurs, il se dégage de cet épisode une impression de collusion entre l'industrie pétrolière, TransCanada, Ottawa et Québec pour contourner les connaissances scientifiques et les processus réglementaires qui doivent assurer la protection de cette espèce emblématique du Saint-Laurent. En se basant sur une simple correspondance d'un directeur de Pêches et Océans Canada, Québec a fait preuve de complaisance dans l'exercice de sa compétence sur la protection des bélugas et du fleuve Saint-Laurent et s'est rendu complice du musellement des scientifiques fédéraux dans ce dossier.

Rien ne justifiait une telle précipitation dans l'autorisation de ces forages, sinon le respect du calendrier de construction de Transcanada. Ceci est d'autant plus vrai dans le cas de Québec qui a annoncé la tenue d'une évaluation environnementale complète sur le projet par le BAPE, mais qui décide quelques semaines plus tard d'autoriser des travaux avant même le début de cette évaluation.

À l'époque de l'étude du projet de port méthanier en 2007, les scientifiques fédéraux avaient exigé qu'aucun dérangement ne soit autorisé durant la période où les femelles bélugas et leurs petits sont présents dans les eaux de Cacouna. Sept ans plus tard, alors que la situation des bélugas s'est dégradée de l'avis de tous, on autorise TransCanada à amorcer un projet de port pétrolier sans aucun avis scientifique.

TransCanada, Québec et Ottawa se défendent en notant que des mesures d'atténuation sont prévues et que seulement 16 forages seront réalisés, en tenant les bélugas à une distance minimale de 540 mètres. Outre le scientifique engagé par TransCanada, aucun expert ne vient corroborer que ces mesures sont efficaces ou suffisantes. De l'avis même d'un scientifique cité par Le Soleil: «Les mesures mises en place par le gouvernement provincial, c'est n'importe quoi. Cinq cents mètres de distance? Ce n'est rien. [...] Si la mère est dérangée à cette période-là, je ne vois pas comment ça pourrait ne pas avoir d'impact sur la population.»

Pour Québec, Ottawa et TransCanada, ce sont des propos alarmistes. Pour les scientifiques, ce sont des faits. Si nos gouvernements sont si confiants de l'absence d'impact des forages de TransCanada sur les bélugas, qu'ils laissent leurs scientifiques parler librement. Sinon, nous continuerons de penser qu'ils sont prêts à mettre les bélugas en boîte pour faire passer des barils de pétrole.

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