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30 ans d'austérité

Pour comprendre aujourd'hui, il est nécessaire de faire un bref retour en arrière sur les orientations économiques qui nous ont été imposées comme inévitables et essentielles à la création de richesse depuis 30 ans.
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C'est un fait bien connu: en économie comme en politique, nous avons la mémoire courte. Le mot austérité a fait son entrée fracassante dans nos vies cet automne. On nous l'a présentée comme une intervention d'urgence requise par l'état des finances publiques. Un événement ponctuel. Mais l'austérité version 2014 n'est que le prolongement de 30 années d'austérité et de néolibéralisme à tout crin qui ont mené à une érosion systématique de nos acquis sociaux et du contrat social qui avait fait le succès des trente glorieuses. Pour comprendre aujourd'hui, il est nécessaire de faire un bref retour en arrière sur les orientations économiques qui nous ont été imposées comme inévitables et essentielles à la création de richesse depuis 30 ans.

Épisode I : La politique monétaire et l'endettement

Au tournant des années 80, sous l'impulsion de l'élection de Margaret Thatcher en Angleterre et de Ronald Reagan aux États-Unis, une nouvelle politique monétaire est appliquée pour contrer l'inflation qui dépassait alors les 10%. Les taux d'intérêt sont élevés à plus de 20%. Résultats concrets, des millions de personnes perdent leur maison et les dettes publiques, jusqu'alors contrôlées, explosent sous le poids des intérêts. C'est ici que le problème de la dette publique est créé. Au Québec le gouvernement Lévesque coupe les salaires de la fonction publique de 25%.

Épisode II : Le libre-échange et les délocalisations

Dans les années 1980-1990, une ère de libéralisation des échanges s'ouvre tous azimuts avec la conclusion de l'accord de Libre-échange avec les États-Unis, puis de l'ALÉNA, et la création de l'Organisation mondiale du commerce. Des accords sont aussi conclus pour faciliter les investissements à l'étranger. Le tout culmine avec la création de l'Organisation mondiale du commerce en 1994, et l'entrée de la Chine à l'OMC en 2001. Résultat : des dizaines de millions d'emplois sont relocalisés dans des zones franches en Chine, au Mexique et ailleurs, où les salaires sont une fraction de ceux des pays développés, et où les normes sociales et environnementales sont pratiquement inexistantes. Le Québec voit son secteur manufacturier s'effondrer.

Épisode III : La libre circulation des capitaux et l'évasion fiscale

Les accords de libre-échange ont été appuyés par une libéralisation de plus en plus grande des mouvements de capitaux entre les pays. Le nombre de multinationales a explosé de quelques milliers en 1970 à plusieurs dizaines de milliers aujourd'hui, possédant des centaines de milliers de filiales, notamment dans des paradis fiscaux où elles transfèrent leurs profits pour éviter de devoir payer des impôts. C'est pour conserver ces capitaux que la plupart des pays dans le monde ont graduellement réduit, voir éliminé les impôts sur les gains de capital, et réduit les impôts des sociétés. En déplaçant l'argent là où les impôts sont les plus bas, les entreprises se sont non seulement lancées dans l'évasion fiscale légalisée à grande échelle, mais elles ont fait en sorte que tous les pays baissent leurs taux d'imposition. Résultat : en 1961, les entreprises payaient 38% des impôts au Québec. Ce n'est plus que 11% aujourd'hui.

Épisode IV : La déréglementation financière et la crise de 2008

Tout au long des années 1990 et 2000, les vagues de déréglementations se sont succédé dans le secteur financier, retirant tour à tour tous les garde-fous assurant la sécurité et la stabilité de notre système financier. On a permis aux banques de prêter plus d'argent en gardant moins de réserves, de faire des prêts hypothécaires supérieurs à la valeur des propriétés, de créer des produits financiers, les subprimes, qui se sont accumulés comme autant de créances toxiques au point de pousser des banques à la faillite. Que faisaient les agences de crédit pendant ce temps ? Elles protégeaient la cote de crédit des banques acculées à la faillite pour protéger la valeur de leurs investissements puisqu'on leur avait permis d'investir dans les mêmes banques dont elles établissaient la cote de crédit.

Un gigantesque système légalisé de fraude pyramidale s'est effondré en 2008 lorsque Lehman Brothers a annoncé sa faillite. Prix de cette spéculation financière : 50 millions d'emplois perdus dans le monde, des centaines de milliards $ partis en fumée, faillite technique de la Grèce, endettement généralisé de tous les pays développés pour contrer la crise économique. Une partie de l'endettement sert à renflouer les banques au bord de la faillite. Le Québec et le Canada passent d'un surplus budgétaire à six années consécutives d'endettement. 2008 est la source directe des coupures actuelles dans les services sociaux.

L'austérité n'est pas nouvelle. Elle dure depuis longtemps et derrière elle se profile une redéfinition de l'ensemble des rapports sociaux. Les prescriptions économiques que l'on a imposées au Québec et à l'ensemble des pays développés depuis 30 ans ont mené à l'endettement de l'État, au transfert des charges sociales des entreprises vers les citoyens, au remplacement des emplois manufacturiers stables par des emplois à temps partiel dans les secteurs des services. L'évasion fiscale s'est généralisée, et la spéculation financière a pratiquement détruit l'économie réelle. Et on sait maintenant que les salaires n'ont pas suivi les gains de productivité réalisés depuis une génération, si bien que les écarts de richesse se sont creusés comme jamais dans l'après-guerre.

Alors il est permis de se poser la question: combien de temps encore allons-nous tolérer cette politique d'austérité ? Quelle est la légitimité des agences de crédit qui dictent la marche à suivre à notre gouvernement alors qu'elles ont fermé les yeux sur la plus grande catastrophe financière de l'histoire moderne, catastrophe qui a provoqué l'endettement du Québec ? Après 30 ans d'austérité, il est plus que temps de relier les points entre eux et de demander des comptes.

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