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Selon Michel Foucault, le savoir et la vérité ne sont pas les produits de la cognition : ils sont les produits du pouvoir.
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Un argument partagé par un bon nombre d’historiens se réclamant d’une manière ou d’une autre du postmodernisme provient des écrits du philosophe-historien Michel Foucault.
naphtalina via Getty Images
Un argument partagé par un bon nombre d’historiens se réclamant d’une manière ou d’une autre du postmodernisme provient des écrits du philosophe-historien Michel Foucault.

Pour l'approximatif 16% de la population qui possède un profil de personnalité significativement plus autoritaire que la moyenne, et pour un pourcentage difficilement quantifiable de gens qui, pour de multiples raisons, ont l'ardent besoin de croire avant de douter, l'idéologie politique et la religion sont de providentielles panacées. Considérant le nombre élevé de religions et d'idéologies qui existent en ce bas monde, ce n'est certainement pas l'offre qui manque...

Une anomalie dans le portrait des idéologies est le postmodernisme. Celle-ci est extrêmement difficile à définir clairement, les plus zélés de ses défenseurs seraient fort probablement en désaccord avec le fait que je mette le postmodernisme dans la colonne des idéologies. Le problème: si un des tenants principaux d'une certaine vision du monde stipule que toute vérité est subjective et relative, mis à part la vision du monde défendue par ses adeptes, qui elle est (évidemment) vraie, nous nageons profondément dans les eaux polluées de l'idéologie.

Le postmodernisme artistique ou littéraire n'a aucun intérêt pour moi dans ce billet. En fait, il en a aussi peu pour moi dans la vie courante, mais comme Voltaire a, si je me souviens bien, déjà dit à propos du Moyen Âge : « Il est important de l'étudier pour mieux le mépriser » (je suis à demi sérieux ici). Non, je veux plutôt me concentrer sur l'impact qu'a le postmodernisme philosophique sur les sciences sociales et plus précisément, sur l'histoire.

L'histoire devient donc une fiction, d'ordre narratif, servant les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir.

Un argument partagé par un bon nombre d'historiens se réclamant d'une manière ou d'une autre du postmodernisme provient des écrits du philosophe-historien Michel Foucault. Selon lui, le savoir et la vérité ne sont pas les produits de la cognition : ils sont les produits du pouvoir. À chaque époque, il existe un « discours dominant » au cœur des sciences et ce discours, en raison du langage et de la terminologie qu'il emploie, restreint les possibilités d'exprimer des idées allant à l'encontre de ce dernier. Dès lors, il ne peut y avoir des désaccords intellectuels. Les textes (romans, histoires, etc.) ne sont pas le fruit d'individus pensants, mais des « produits idéologiques » du discours dominant. L'histoire devient donc une fiction, d'ordre narratif, servant les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir. Si une version de l'histoire est mieux acceptée qu'une autre, cela n'a strictement rien à voir avec la possible valeur de vérité de celle-ci, mais tout à voir avec le pouvoir que détiennent ses partisans dans leur milieu professionnel ou dans la société en général. Pouvoir que, selon Foucault, ne détiennent pas les critiques de cette version historique.

Ce lien foucaldien entre pouvoir et savoir va main dans la main, lors des années 70 et encore plus dans les années 80, avec la montée d'une forme d'écriture et de recherche historique politiquement militante. L'exemple modèle étant ici le labor history qui provient du mouvement socialiste au XIXe et qui écrit exclusivement du point de vue de la classe ouvrière. Les labor historians cherchent à écrire l'histoire des travailleurs et leurs organisations pour leur permettre de mieux renforcer leur « conscience de classe », tout en consolidant leur engagement politique dans le présent. Et en espérant triompher dans le futur : de ce fait, remplaçant l'ancien pouvoir par le leur.

Le modèle du labor history qui, selon moi, n'est pas dénué d'une certaine noblesse ni d'une certaine légitimité (je dis bien « certaine »), est (toujours selon moi) malheureusement, peu à peu repris par d'autres groupes de pression et stripped of any over-arching theory of historical progress or indeed to any claim to historical objectivity at all (p. 196). Pendant ce temps, l'histoire des noirs, l'histoire des femmes et l'histoire féministe, l'histoire des homosexuels et des lesbiennes, sont des branches historiques qui deviennent de plus en plus affirmatives aux États-Unis dans les années 80. Tout comme le labor history de ses débuts, leur but est d'écrire une histoire qui avait été négligée, voire méprisée, sinon niée, et qui devient maintenant visible.

Mais à la fin des années 80, les choses se gâtent. On s'en reparle la prochaine fois...

* Ce billet est la continuation de celui que j'ai rédigé la semaine passée. Les thèmes abordés ayant fait l'objet de plusieurs livres et articles, j'aime mieux en écrire plus que moins, question de faire un bon survol compréhensif et critique du sujet. Puisque je ne peux pas faire de notes de bas de page, j'indique ici que ma source principale pour ce texte est le bouquin d'un historien nommé Richard J. Evans, « In Defence of History » (p. 195-197). Fait intéressant à noter, l'acteur britannique John Sessions joue le rôle de Evans dans le film « Denial » sorti en 2016.

Avril 2018

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