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Lindsay Shepherd et la tumeur idéologique du militantisme universitaire de gauche

«Lorsqu'un bord se promène dans les extrêmes, l'autre bord va inévitablement finir par se promener au même endroit» - Julien Lefebvre
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« Le démocrate, après tout, est celui qui admet qu'un adversaire peut avoir raison, qui le laisse donc s'exprimer et qui accepte de réfléchir à ses arguments. Quand des partis ou des hommes se trouvent assez persuadés de leurs raisons pour accepter de fermer la bouche de leurs contradicteurs par la violence, alors la démocratie n'est plus. » Albert Camus

À ma connaissance, mis à part l'article de Paul Journet, nulle figure médiatique n'a parlé de l'affaire Lindsay Shepherd au Québec. C'est pourtant un événement d'une grande signification, qui en dit long sur (soyons généreux) une partie de la jeunesse militante de gauche sur les campus, sur certains professeurs et autres membres des administrations universitaires. Qui en dit long aussi sur le climat intellectuel qui règne au sein des tours du savoir. J'en fais un court résumé.

Shepherd étudie à la Wilfrid Laurier University située en Ontario. Puisqu'elle est l'assistante du professeur, elle s'occupe parfois d'enseigner aux élèves qui sont au baccalauréat. Pour un de ses cours qui comportent des débats entre étudiants, elle a présenté un extrait d'un débat télévisé entre le « controversé » professeur Jordan Peterson et d'autres intervenants (pour voir le débat en question, c'est ici). Un débat télévisé qui portait sur la liberté d'expression et les fameux pronoms sans genre qu'une partie grandissante des militants radicaux de gauche voudraient voir adopter par tout le monde, pour que cesse « l'oppression des personnes trans par le langage ». Le et la deviennent donc « lo », il et elle deviennent « iel » et ainsi de suite. Jordan Peterson s'oppose à cette transformation du langage qu'il considère de manière juste, idéologiquement motivé. Il est même allé défendre sa cause devant le sénat canadien. Qu'on soit d'accord ou non avec Peterson, l'homme s'appuie sur des arguments réfléchis.

Shepherd a donc présenté cet extrait, en ne prenant pas du tout position, et s'est fait fustiger pour l'avoir fait. Je dis fustiger, mais je suis très doux à l'endroit de son professeur superviseur-inquisiteur : selon lui, faire ce qu'elle a fait est l'équivalent de faire jouer un discours par Hitler en ne prenant pas position. Rien de moins et sans ironie aucune. Nous savons ce que son superviseur-inquisiteur lui a dit parce que Shepherd a eu la vivacité d'esprit d'enregistrer la conversation qu'elle a eue avec lui et deux autres professeurs sur le sujet (pour la discussion surréaliste, c'est ici). Qui plus est, nous savons maintenant que les chances qu'une plainte ayant été déposée par une étudiante ou un étudiant contre Shepherd sont très minces. Nous sommes véritablement en plein délire idéologique ici.

Nous ne devrions pas prendre ces histoires à la légère parce qu'elles dépassent le seul monde des universités.

Quiconque suit l'actualité et ce qui se passe sur les campus ne sera pas vraiment surpris de cette triste bouffonnerie. Quiconque s'intéresse au monde des idées y verra, avec raison, une continuation logique du postmodernisme et de l'identity politics (j'en ai déjà parlé ici et ici). Nous ne devrions pas prendre ces histoires à la légère parce qu'elles dépassent le seul monde des universités : lorsqu'un bord se promène dans les extrêmes (comme dans le cas de Québec Solidaire), l'autre bord va inévitablement finir par se promener au même endroit (comme dans le cas de Facebook). Et tout le monde en sort perdant.

Heureusement, il semble y avoir un remède. Sauf que cet antipoison nécessiterait du courage (et ose-je le dire, des couilles?) de la part des universités québécoises si nous voulons tenter de régler le problème dans notre contrée. Lindsay Shepherd souhaite que la Wilfrid Laurier University s'inspire des Chicago Principlesmis en place à l'Université de Chicago. Que sont donc ces principes? Essentiellement, ce sont des engagements envers la liberté de parole et d'expression. Ce sont des garanties que des gens tels que Jaggi Singh ou Mathieu Bock-Côté, qui tiennent des propos extrêmement choquants pour certains, puissent être invités à l'UQAM sans crainte de voir leurs conférences interrompues par des militants autoritaires qui carburent à l'offense perpétuelle empêchent Singh et MBC de s'exprimer en public. Depuis que l'Université de Chicago a adopté ces principes, Princeton et Purdue ont emboîté le pas.

Il est évident que tout ne deviendrait pas parfait du jour au lendemain, mais ce serait déjà un bon début. Et de toute façon, que nous reste-t-il si nous ne sommes plus capables de débattre de sujets intellectuels comme des adultes? Le recours à la violence physique? Non merci.

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