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Votre date butoir n'est pas la nôtre

Chers membres de l'élite, sachez que la lutte goûte bon aux étudiants. Même dans la connerie de votre autisme. Même dans le dialogue de sourds. Même couverte de votre ridicule. Elle goûte le printemps, l'espoir. Nous sommes peut-être cernés de nuits blanches et de longues journées, mais nous ne sommes pas fatigués. Pour nous, la lutte ne fait que commencer. Elle nous alimente. Votre date butoir n'est pas la nôtre.
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CP

Depuis deux mois, les étudiants occupent les rues de Montréal, comme celles du Québec entier. Ils sont d'un monde qui les nie; ils pleurent à verse une démocratie qui somnole. Mais dans leurs yeux rieurs, la rumeur de la révolution circule en pieds de bas. Ils s'entêtent, à cloche-pied parmi la menace politique et policière. Qu'on crache sur eux des oiseaux morts, ils prévoient cependant le changement; ils l'organisent; ils l'expérimentent. Ils font l'histoire, l'histoire des idées, dans un peuple où l'élite politique parle pour elle et pour quelques-uns.

Dans l'étendue de leur 2 ½, dans celle de leurs rêves, de la rue, de leurs agoras, de leurs espaces où la chose politique est encore possible, ils rêvent de révolution et trinquent dans des coupes à pied. De la piquette achetée en gang au Chinois du coin. Pas de millésime. Format un litre. Bouchon à vis. De la piquette qui ne goûte rien, mais qui les revigore. Comme de l'opium, mais en forfait étudiant.

Ces étudiants sont d'une jeunesse tannée d'attendre. D'une jeunesse qui souhaite que l'élite politique l'écoute. D'une jeunesse qui en a marre du ridicule et du mensonge. Qui se veut éduquée et libre, qui lit les penseurs et qui comprend. D'une jeunesse prête à reconstruire. D'une jeunesse indignée, encolérée, qui prie pour que ça change ici bas, au Québec, où c'est le statu quo qui prend toute la place.

De cette jeunesse, j'en suis.

Chers membres de l'élite, sachez que la lutte goûte bon aux étudiants. Même dans la connerie de votre autisme. Même dans le dialogue de sourds. Même couverte de votre ridicule. Elle goûte le printemps, l'espoir. Nous sommes peut-être cernés de nuits blanches et de longues journées, mais nous ne sommes pas fatigués. Pour nous, la lutte ne fait que commencer. Elle nous alimente. Votre date butoir n'est pas la nôtre.

Le choix présidant à notre projet impliquait la résistance. La plupart d'entre nous sont prêts à sacrifier leur session; vous nous demandez notre avenir. Allez-y : effacez notre session! Vous en avez la menace folle et probablement le pouvoir. Mais nos slogans et nos phrases hachées, jamais ils ne s'effaceront. Longtemps, dans les rues du Québec et dans « les divans tranquilles de la province », ils retentiront. Ils retentiront.

Nous ne donnerons raison ni à vous, ni à ceux qui disent qu'au Québec, on est né pour un petit pain. Nous sommes lucides du mensonge, de l'imposture, du choix présidant à vos fatalités. Nous espérons, et agissons conséquemment dans la mesure de nos moyens.

Depuis deux mois, nous prenons les moyens d'actions atypiques et nombreuses, parfois perturbatrices, parfois ludiques, mais toujours constitutives d'une crise que nous avons choisi de mettre, plutôt que d'en attendre passivement l'éclosion. Le nomadisme de nos actions, leur commune démesure, leur complexité, leur coût : tout cela fait de la grève étudiante (car grève il y a) un instrument de découverte et d'exploration des possibles; bref, un instrument heuristique.

Géographie du risque. Théories de la marchandisation de l'éducation. Sociologie de l'opposition officieuse. Démocratie 101. Les étudiants ont déjà satisfait aux exigences de la session d'hiver. Nous prévoyons maintenant nous inscrire à des cours d'été.

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