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Sotchi, LGBT et nouvelle guerre froide

Profitant de l'occasion des Jeux de Sotchi, on assiste à une condamnation unanime de la Russie de Vladimir Poutine en ce qui concerne les droits et libertés, en particulier vis-à-vis de la communauté gaie. Il est possible de réfléchir aux tenants et aboutissants de ce genre de campagne, pour voir comment elle est instrumentalisée et dans quelle logique elle semble s'inscrire.
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Profitant de l'occasion des Jeux de Sotchi, on assiste dans les pays occidentaux à une condamnation unanime de la Russie de Vladimir Poutine en ce qui concerne les droits et libertés, en particulier vis-à-vis de la communauté gaie. Il est possible de réfléchir aux tenants et aboutissants de ce genre de campagne, pour voir comment elle est instrumentalisée et dans quelle logique, de ce qu'on appelle «la nouvelle guerre froide», cette campagne semble s'inscrire.

Qu'on s'entende tout de suite: condamner la persécution d'un groupe donné, qu'il soit religieux, ethnique, politique, idéologique, etc. est un acte légitime et noble en soi. Si les gais de Russie sont oppressés, c'est légitime de le dénoncer. Cependant, on assiste en ce moment à une campagne de soutien empreinte d'hypocrisie, instrumentalisée et qui, c'est mon hypothèse, sert un agenda politique bien précis. Lorsqu'on voit Google se joindre à la danse, on peut commencer à réfléchir. Tout d'un coup, la tentaculaire Google se préoccupe des droits et libertés des citoyens russes, alors qu'on la voit en première ligne, mêlée aux scandales de surveillance et de violations de la vie privée, révélés au grand jour par Edward Snowden.

Que l'Amérique, en particulier son gouvernement, condamne les agissements du régime Poutine concernant les droits des gais, c'est assez ironique et hypocrite considérant les législations de plusieurs de ses États sur le sujet (voir ici le texte de deux professeurs de droits de l'Université de Yale paru au Washington Post). Que la mairie de Montréal se préoccupe des droits et libertés d'une minorité bafouée, c'est également assez ironique quand on se souvient comment ont été traité une minorité de ses citoyens et électeurs, les étudiants, et que perdure l'ignoble règlement municipal P-6 qui restreint le droit de manifester.

Il faut se demander si, non seulement cette campagne a été instrumentalisée, mais si elle a été programmée, et par qui. Pour bien comprendre la dynamique qui anime les relations modernes entre le gouvernement de Moscou et celui de Washington, il faut tenter de comprendre la géopolitique de la région des anciennes républiques soviétiques. Et il faut retenir deux noms, Zbigniew Brzezinski et Georges Soros. Bien évidemment, une chronique est trop brève pour comprendre toute la complexité de cette problématique, mais si ce sujet vous intéresse, je vous laisserai quelques pistes de réflexion pour l'approfondir.

Zbigniew Brzezinski a été au cœur de la fondation de la Commission Trilatérale et a été le principal conseiller à la politique étrangère du président Jimmy Carter. Il a également toujours été un conseiller influent de plusieurs administrations américaines, et est aujourd'hui un conseiller spécial pour la politique étrangère d'Obama. «En fait, sur le long terme, Brzezinski est le stratège le plus important de la politique internationale américaine», selon l'intellectuel belge Michel Collon. Ce qu'il faut comprendre, c'est que Brzezinski aura toujours été obsédé par l'idée d'affaiblir la Russie. C'est lui, et il s'en vante, l'artisan du piège afghan dans lequel l'URSS s'est embourbée. Pour bien saisir sa pensée, il faut lire son livre Le grand échiquier où il révèle lui-même ce que devrait être la tactique de l'Amérique pour perpétuer sa domination mondiale. À travers son obsession de la Russie, il aura toujours gardé en tête d'utiliser l'argument des droits et libertés contre Moscou. Ça ressemble étrangement à ce qui est reproché au régime Poutine actuellement, concernant la communauté gaie, mais aussi concernant sa gestion de l'affaire des Pussy Riots et de la fermeture de certaines ONG.

Une dernière chose sur Brzezinski qui va nous emmener tranquillement vers Georges Soros. Il sera, dans les années 90, «l'émissaire spécial du président des États-Unis pour la promotion du plus gros projet d'infrastructure pétrolière au monde, l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. Ce projet représente pour lui la meilleure concrétisation de ses ambitions qui visent à empêcher la Russie de se relever. Parallèlement, il préside dès 1999 le Comité américain pour la paix en Tchétchénie, installé dans les locaux de Freedom House», nous dit Arthur Lepic dans La stratégie anti-russe de Zbigniew Brzezinski.

Qui est Geoges Soros? C'est un financier milliardaire américain qui a fait fortune en partie grâce à la spéculation. On lui appose parfois l'étiquette de «philanthrope» à cause de ses «investissements humanistes», pas complètement désintéressés selon certains. Par exemple, il cofinance l'Open Society Foundations ainsi que le Freedom House (avec le National Endowment for Democracy). Que font ces ONG? Et qu'est-ce que le National Endowment for Democracy?

D'abord, l'Open Society Foundations sert à faire la promotion de la gouvernance démocratique et des droits de l'homme. Le Freedom House est une organisation qui surveille et étudie la démocratie dans le monde. La National Endowment for Democracy (NED) est un organisme privé américain pour le renforcement des institutions démocratiques à travers le monde. Supposément indépendante, la majeure partie de son financement provient du département d'État américain. Bon, je vous ai donné la version officielle, maintenant la réalité.

Pour faire une histoire courte, la National Endowment for Democracy et les autres organisations de ce genre défendent une seule forme de démocratie dans le monde, la démocratie à l'américaine. Un régime qui collabore avec les États-Unis, qui permet à leurs entreprises de prospérer est vu comme démocratique. Un régime qui court-circuite ses entreprises et qui ne marche pas dans la direction voulue n'est pas démocratique. Simple équation.

À noter que la NED et compagnie ont pris leur envol à la suite des commissions gouvernementales qui ont donné une mauvaise image de la CIA, les commissions Rockefeller et Church. Ils font le travail que faisait la CIA à l'époque. Même le président de Freedom House, Adrian Karatnitski, l'explique sans gêne dans le documentaire États-Unis: à la conquête de l'est: «Dans les années 50, 60, 70, ce genre d'activités était mené par la CIA de manière cachée. Ça donnait l'impression que les services de renseignement américain noyautaient les organisations et les partis politiques des pays. Ça faisait passer les mouvements locaux pour des instruments de la CIA. Il a donc été décidé désormais que les États-Unis feraient ce genre d'activités de manière transparente et publique. Et c'est ce qu'on fait avec nos fondations».

Que veut-il dire par « ce genre d'activités»? Ce genre d'activités consiste à financer et à aider les opposants de ces régimes «non-démocratique», jusqu'à mettre en place une révolte ( l'organisation serbe Otpor y est toujours fortement impliquée). C'est ce que nous apprend le documentaire États-Unis : à la conquête de l'est. La Serbie, l'Ukraine, la Géorgie et le Kirghizistan, toutes des révolutions supposément spontanées, dirigées en fait en sous-main par Washington. Révolution des tulipes, révolution orange, révolution des roses, de jolis noms accrocheurs trouvés par la branche «marketing» du département d'État américain.

Je ne fais que soulever un questionnement sur la «révolution arc-en-ciel» et la diabolisation du régime de Poutine. Je n'affirme rien. Je réfléchis à cette stratégie dans une optique globale de «nouvelle guerre froide». Je ne serais simplement pas surpris que le département d'État américain et ses ramifications soient derrière cette campagne. Est-ce que le maire de Montréal est le cerveau d'une opération géopolitique de la nouvelle guerre froide? Bien sûr que non. C'est simplement un opportuniste avec une certaine bonne foi, dans ce dossier. La même bonne foi qui anime les gens qui se mobilisent pour cette cause. Et c'est justement ce qui fait la force de ce genre d'opération. Qui peut être contre la dénonciation de la répression visant une minorité...

Une question pour finir. Qui finance Human Right Watch et Reporter Sans Frontières, qui sont si critiques du régime Poutine? Serait-ce l'Open Society Foudations de Georges Soros et le National Endowment for Democracy? Bonne recherche...

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