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Construire son dialogue - Petit journal d'un éxilé

«Aller simple pour Toronto.»D'abord, comme si la chose était possible. Comme si transformer une vie, totalement, pouvait relever de la simplicité. Cette phrase fait partie des premières qui composent ma nouvelle vie. Comme on se rappelle de certains films par leurs dialogues, je construis ma nouvelle existence torontoise, échange verbal par échange verbal. «Aller simple pour Toronto», c'est le début d'un chapitre qui se construit au fur et à mesure.«Je vis ici maintenant».
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AFP

«Aller simple pour Toronto.»

D'abord, comme si la chose était possible. Comme si transformer une vie, totalement, pouvait relever de la simplicité. Cette phrase fait partie des premières qui composent ma nouvelle vie. Comme on se rappelle de certains films par leurs dialogues, je construis ma nouvelle existence torontoise, échange verbal par échange verbal. «Aller simple pour Toronto», c'est le début d'un chapitre qui se construit au fur et à mesure.

«Je vis ici maintenant».

Et soudainement, on est rendu là. On ne va plus vers ce nouvel endroit, on y est. Le dire deux ou trois fois et constater que c'est vrai, que ce n'est pas une situation intangible et temporaire, une petite parenthèse dans une réalité plus compréhensible. J'habite ici maintenant.

Le film de mon existence actuelle est pauvre en dialogue. Je me répète des citations de Fight Club des fois, comme le leitmotiv d'une vie qui se doit d'être un peu matérialiste. Comme le personnage d'Edward Norton, je me demande quel genre d'ensemble de cuisine me définit le mieux. Comme lui, je constate qu'un appartement avec plein de condiments mais pas de nourriture, c'est particulièrement triste.

Des bribes changent, ici et là, dans mon vocabulaire toujours francophone, noyé dans un océan anglophone. J'ai remplacé mes saints préférés de la métropole québécoise pour College, Yonge, Dundas, High Park, Bloor...j'ai remplacé la STM pour la TTC qui ne sont pas ridiculement différents mais différemment ridicules.

À mon insu, la vie se construit. Ces rapports avec des collègues, sont-ils les débuts d'une nouvelle amitié? L'éternelle insatisfaction envers les infrastructures inadéquates d'une ville trop grande pour elle-même sont-ils l'équivalent d'une conversation sur la température, sur le hockey? En lock-out, heureusement que le maire a entrepris l'expansion commerciale de Toronto sans en adapter les infrastructures largement désuètes. De quoi parlerait-on si sa vision était cohérente?

Dans mon immeuble, les ascenseurs défectueux permettent de nous rapprocher l'un de l'autre. «Moi, ça fait dix minutes que j'attends» et «Attention, ça déscend», font partie de ces petites phrases insignifiantes qui composent désormais ma vie, et j'en suis reconnaissant. À part quand une voisine me dit «Mind your own fucking business» quand je lui avertis que l'ascenseur est en train de monter. Et qu'elle me le rappelle joyeusement le lendemain.

De toute façon, ça va me faire du bien, au cardio, de monter douze étages à pied.

Finalement, ce qui est peut-être terrifiant, c'est à quel point il est simple de changer de vie totalement. Et ce n'est pas tant l'aller simple pour Toronto qui nous rappelle notre exil mais bien l'aller-retour à Montréal: comme quoi sa vie précédente ne peut que redevenir une parenthèse, le temps d'un festival.

«Un aller-retour pour Montréal, s'il vous plaît.»

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