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À vous les cons!

Je pense énormément à vous ces temps-ci, aux gestes que vous avez commis dans ma chair d'enfant, et je me demande à quel point ma vie serait différente aujourd'hui si vous n'aviez pas commis l'inacceptable.
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J'ai souvent écrit à votre sujet, sans jamais vous écrire directement. À vrai dire, cela ne m'était jamais passé par la tête de m'adresser à vous de cette façon. Mais je viens de m'éveiller d'un épisode de somnambulisme. Je rêvais de vous. Et puisque je sais pertinemment qu'écrire est très libérateur, je me dis que vous écrire à vous ne fera que m'émanciper davantage de toute cette douleur qui refait surface de temps à autre et contre laquelle je tente désespérément de me battre.

Les souvenirs malheureux

Si je vivais des réminiscences quotidiennes avant, elles sont plus rares maintenant, mais tout aussi douloureuses. Je ne souffre plus de dépression, mais dès que je vis un stress quelconque, j'erre dans la maison et je dors mes nuits, tantôt dans mon lit, d'autres fois en marchant et en pleurant. À moins que je ne souffre d'insomnie, dans quel cas je revois vos sourires bêtes penchés sur moi.

Je pense énormément à vous ces temps-ci, aux gestes que vous avez commis dans ma chair d'enfant, et je me demande à quel point ma vie serait différente aujourd'hui si vous n'aviez pas commis l'inacceptable. Je ne me demande plus pourquoi j'ai laissé faire vos mains voraces, parce que je sais trop bien que je ne pouvais empêcher les abus, les agressions. Il faut dire que trois contre une, ça donne bien peu de chance à celle qui se fait encercler, bousculer, toucher, salir...

Une enfance volée

Je n'étais qu'une petite fille. J'avais toute une vie devant moi. Mais dès mes huit ans - jamais je n'oublierai ce jour -, vous avez «fucké» mes rêves d'enfant. Ces rêves se sont traduits par la tristesse, la colère, un grand sentiment d'injustice, et de la haine qui débordaient encore de tout ce que j'étais il y a quelques années de cela.

J'ai écrit. J'ai tellement écrit à m'en user des claviers et des ongles, tapant, frappant chaque touche comme si c'était la dernière fois que je pouvais écrire. J'ai même signé un livre où je parle du pardon et, honnêtement, je suis sur le chemin du pardon.

Cependant, il m'arrive encore, comme ce soir, d'être la proie de vos vils fantasmes.

Une histoire de cons

Avec l'arrivée de Roosh V, ce vil personnage, qui prône le viol et qui voit la femme comme un simple objet, j'ai peur. Peur que certains y voient là une permission de franchir des limites qu'ils ne doivent pas franchir, comme autant de limites que vous avez franchies sur mon territoire de fillette innocente.

Je vous ai confronté. J'aurais dû attendre. Attendre d'être aussi forte que maintenant. Vous auriez tout avoué plutôt que vous enfonciez ces sordides histoires vécues dans le mensonge crétin et décousu que vous donniez comme réponse aux gens qui étaient là pour m'accompagner ou, pire, aux raisons qui vous ont poussées à agir ainsi.

De vous trois, j'ai entendu les pires calomnies. Toi, l'initiateur de tant de malheurs, tu as parlé de jeu d'enfant. Quelles sont donc les règles du jeu quand une adolescente de quatorze ans à peine se voit forcée de consulter et que le médecin lui demande ce qu'elle a bien pu faire pour en arriver là? Trois semaines d'antibiotiques et d'antifongiques plus tard, tu recommençais. Tant de fois, j'ai pleuré en silence lorsque tu me forçais. Tant de fois, j'ai voulu ta perte.

Et l'autre qui m'explique lors d'une confrontation semblable que tout cela avait été dicté par l'amour. Celui-là même qui m'envoie quelques jours après une lettre m'expliquant l'amour. Non! Je dis non. Ça aussi, c'est du mauvais traitement. C'est la continuation des sévices en fait.

Je ne suis plus un victime

Je ne vous ai jamais revu depuis que j'ai tout dit haut et fort. Pas plus que certains membres de ma famille que j'affectionnais énormément. Mais je n'ai pas bombardé la famille. C'est vous qui l'avez fait. C'est votre bombe à vous, et c'est à vous que revient la responsabilité de tous ces éclats d'obus.

Ce soir, j'ai encore rêvé qu'on me poursuivait et qu'on m'agressait. Je me suis éveillée recroquevillée sur le parquet de la salle de bain. Certains trouveraient la situation cocasse. Mais moi, je sais. Je sais de qui je me sauvais. Je sais aussi que la plupart des morceaux d'insomnie qui me tombent sur la tête sont des morceaux de mon passé.

Ce soir, je n'ai plus honte de ce que vous avez osé commettre. Je ne suis plus effrayée à l'idée de vous croiser et je garde la tête haute. Néanmoins, mes cicatrices seront toujours là pour me rappeler que vous avez un jour voulu m'écraser.

Je voudrais vous dire...

Eh bien, je vous emmerde! Je vous emmerde parce que vous êtes lâches. Il faut être lâche pour s'attaquer à une enfant. Et puis j'en emmerde d'autres. Tiens, j'emmerde ceux qui préfèrent me tenir à distance parce que me croire folle leur crée moins de malaises. J'emmerde les agresseurs qui ont suivi dans ma vie. J'emmerde tous ceux qui ont abusé de moi.

Et à l'autre qui prône le viol, je dis : JE T'EMMERDE! La femme n'est un réceptacle que dans l'élément le plus sacré qu'elle puisse être, pas une cruche ou un dévidoir pour cons!

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Mai 2017

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