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Les Israéliens veulent-ils se venger... ou faire la paix?

Je ne cherche pas à politiser le débat, et je ne parle qu'en mon nom. J'ai, bien sûr, un avis sur ce qui se passe dans la région, mais j'écris cet article pour parler de l'histoire d'un homme, d'une page Facebook et de la force de l'espoir face à la haine.
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Le 30 juin, les corps de Gil-Ad Shaer, Eyal Yifrah et Naftali Fraenkel, trois adolescents israéliens kidnappés, ont été retrouvés en Cisjordanie. Depuis, Israël a multiplié les mesures de rétorsions contre les Palestiniens. Tout le pays, autrefois en deuil, semble sombrer dans la colère et la vengeance.

Bien que ces assassinats suscitent les passions -tout autant que le conflit israélo-palestinien-, je ne cherche pas à politiser le débat, et je ne parle qu'en mon nom. J'ai, bien sûr, un avis sur ce qui se passe dans la région, mais j'écris cet article pour parler de l'histoire d'un homme, d'une page Facebook et de la force de l'espoir face à la haine.

J'ai découvert la page qu'Eliran Levy avait créée, et je l'ai skypée dès le lendemain. Après avoir fait le tour des multiples pages Facebook intitulées "Les Israéliens demandent vengeance", torrents de haine, de racisme et de rhétorique véhémente, j'ai été soulagé de tomber sur une page qui ne cherchait pas à flatter nos bas instincts, mais à nous rapprocher.

La page d'Eliran, עם ישראל דורש שלום ("Les Israéliens veulent la paix"), demande aux internautes de "briser la spirale des représailles". Malgré son titre, qu'on pourrait croire ironique, elle proclame en une: "Peuple d'Israël, fais front contre le racisme et la haine" et "Une mère ne devrait jamais avoir à enterrer son enfant". Likée déjà plus de 1700 fois (au 10 juillet, N.d.t.), elle recense des centaines de photos d'Israéliens qui exhibent le même message, décliné en hébreu, anglais et arabe: "Les Israéliens veulent la paix."

Même s'il est clair que tous les Israéliens ne se reconnaissent pas dans la politique du premier ministre et des partis au pouvoir, ça fait du bien de voir que Eliran n'a pas cédé au discours majoritaire et qu'il n'hésite pas à dire ce que des millions d'Israéliens et de Palestiniens ne cessent de répéter depuis des décennies: ça suffit! La conversation que j'ai eue avec lui a été très enrichissante et j'aimerais vous en faire part.

Eliran, un Israélien de 27 ans qui vit à Tel-Aviv, est consultant média indépendant. Ex-journaliste et chef du service étranger de la 10e chaîne, il a conçu sa page au cours d'une réunion. "Il n'y avait aucun groupe pour la paix", explique-t-il. Estimant que les pages Facebook vengeresses existantes n'étaient pas représentatives de l'ensemble de la population israélienne, il voulait donner un autre son de cloche.

Il s'est fixé trois objectifs, dont celui de "rappeler aux Israéliens qu'ils sont pacifiques, et d'adresser un message direct aux Palestiniens: tous les Israéliens n'ont pas envie de perpétuer cette violence". "Nous ne proposons pas de solution", ajoute-t-il. "Nous voulons simplement dire aux uns et aux autres qu'il faut briser cette spirale de la violence." Sa page a eu un énorme écho médiatique en Israël, et Eliran déclare vouloir "montrer au reste du monde qu'il y a des Israéliens pour la paix".

Après la mort des trois adolescents, la plupart des Israéliens ont porté le deuil. Mais quand le gouvernement et certaines personnes se sont servi de cette tragédie par calcul politicien, les esprits ont commencé à s'échauffer.

Pour Eliran, beaucoup d'Israéliens se sont mis à dire après l'assassinat que les Palestiniens étaient leurs ennemis et des meurtriers en puissance. "Comment même évoquer la question des droits de l'Homme si nous pensons que ce sont tous des terroristes?", demande Eliran. Sa question n'intéresse pas grand monde.

Il explique que beaucoup de ceux qui croient à la paix ont peur d'afficher leur soutien à cette page, mais que de nombreux jeunes militants de gauche dans le pays s'efforcent de répondre à l'hystérie de la société israélienne par une démarche privilégiant l'appel au calme et la réflexion. "Il est grand temps de nous interroger", dit-il.

Il considère que le climat actuel est "tendu. La jeunesse extrémiste, qui affiche ouvertement sa xénophobie, nous fait honte. D'ailleurs, certains colons la désavouent." Pour Eliran, le problème du chômage chez les jeunes accentue ce phénomène, parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire que de crier leur haine dans un pays profondément par ces meurtres.

Malgré tout, je suis objectivement incapable d'affirmer que la plupart des Israéliens soutiennent la violence envers les Palestiniens.

Quand j'ai demandé à Eliran si ses amis lui reprochaient d'avoir créé cette page, sa réponse m'a surpris: "Oui, ceux qui étaient vraiment de gauche." Beaucoup disaient qu'il faut d'abord rétablir les droits fondamentaux avant d'envisager tout processus de paix. Sa réponse: "Si notre but, c'est la paix, il faut faire cesser les violences immédiatement."

Après une profonde inspiration, il m'a fait part de ses espoirs: "J'ai des amis à Tel-Aviv et Ramallah qui pensent que nous n'aurons jamais la paix. Mais ne pensez pas que l'extrême-droite parle au nom de tout le peuple israélien. Les gens s'inquiètent de la situation économique et sociale, et ils n'ont pas le temps de se préoccuper de l'occupation. Le seul moment où ils pensent aux Palestiniens, c'est quand ils subissent leur violence."

"Il faut que l'on se renseigne sur ce qui se passe chez eux. C'est indispensable."

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