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Le Petit Québec contre l'Internet

Les protectionnistes devraient réaliser qu'en fermant nos frontières numériques, on bloque aussi l'accès à un marché pratiquement infini à nos créateurs locaux.
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Depuis la dernière année, les sorties publiques de politiciens, des gens d'affaires et des différents leaders d'opinion québécois contre Internet se sont multipliées. Que ce soit au niveau de la culture, de la langue ou du point de vue économique et fiscal, les Jean-François Lisée, Alexandre Taillefer, Amir Khadir et Peter Simons s'entendent pour dire que l'ennemi, c'est l'Internet! Une sorte de menace diffuse qui met en échec le cadre juridique québécois au détriment des talents locaux. «Aux armes citoyens, les barbares sont aux portes de la cité», nous laissent-ils croire.

En réalité, on fait abstraction des vrais succès qui devraient normalement nous inspirer et on braque les projecteurs sur quelques acteurs intéressés qui tiennent paradoxalement un discours qui se rapproche plus du narratif protectionniste de Donald Trump que des figures saintes du progressisme qu'ils vénèrent. Alors que Peter Simons se plaint que ses ventes baissent au profit d'Amazon, Aldo continue sa lancée en ouvrant des boutiques partout dans le monde. On oublie qu'il n'y a pas si longtemps, cette entreprise a effectué un virage majeur vers le commerce électronique. Une opération qui l'élève dans le cercle restreint des joueurs qui ont réussi une transition entre main street et les ventes en ligne tout en conservant son identité de marque.

Au niveau de la culture, les exemples de succès québécois qui s'exportent grâce à l'Internet abondent. Il n'a jamais été si facile pour un artiste québécois d'exporter son talent. Avant la venue des plateformes comme iTunes et Spotify, les créateurs étaient prisonniers d'un système où les barrières à l'entrée étaient nombreuses. Que ce soit avec les maisons de disques ou d'édition, les gagnants et les perdants étaient plus souvent qu'autrement dictés par des facteurs hors du contrôle du créateur. Un frein évident à l'innovation et à l'exportation de la culture québécoise. Il est maintenant facile pour un groupe ou un auteur de s'exposer à un public pratiquement sans limites.

Les protectionnistes devraient réaliser qu'en fermant nos frontières numériques, on bloque aussi l'accès à un marché pratiquement infini à nos créateurs locaux.

À ce propos, il est troublant de voir comment les protectionnistes québécoises limitent le «carré de sable» de nos créateurs au Québec lui-même. L'espace francophone, contrairement au narratif populaire véhiculé dans les médias, est en pleine expansion dans le monde. Les protectionnistes devraient réaliser qu'en fermant nos frontières numériques, on bloque aussi l'accès à un marché pratiquement infini à nos créateurs locaux. Cette vision restreinte de l'économie numérique n'est pas sans rappeler l'exemple de la tarte évoqué par Milton Friedman. Lisée, Taillefer et Simons sont fixés sur leur portion de tarte dévorée par l'envahisseur étranger alors qu'en réalité, la tarte est en constante expansion, et ce, au bénéfice de tous.

Un autre exemple intéressant est le retour improbable de l'industrie du livre imprimé. Il n'y a pas si longtemps, le Parti Québécois montait aux barricades en demandant l'imposition d'un prix unique pour le livre et un programme d'assistance pour les libraires indépendants québécois. Or, la menace de l'Internet identifiée comme le responsable numéro 1 de leur déclin est en réalité responsable d'une hausse des ventes du livre imprimé. À un point tel qu'Amazon s'est mis à ouvrir de bonnes vieilles librairies avec pignon sur rue pour profiter de la tendance (et de l'expertise et des données qui en découlent).

Au-delà des discours populistes qui font un raccourci entre les baisses de vente de livre et la connectivité croissante, la corrélation est pourtant évidente: les gens sont plus cultivés et ont accès à des sources multiples d'informations gratuites et diversifiées. Il n'est pas surprenant qu'ils décident d'acheter plus de livres. Le même phénomène est en train de se produire avec les ventes de disques vinyles. Qui aurait cru au retour de ce médium? L'Internet a permis l'émergence d'une nouvelle génération de mélomanes qui n'hésitent pas à payer plus cher pour un produit culturel clairement d'une autre époque.

En conclusion, ces petits Québécois qui veulent fermer nos frontières numériques devraient être dénoncés vigoureusement. Les créateurs locaux qu'ils prétendent défendre n'ont jamais été aussi libres et n'ont jamais eu autant d'opportunités de se faire connaître à l'extérieur de nos frontières. Évidemment, les modèles d'affaires changent et les revenus ne sont plus automatiques comme les redevances du passé. Par contre, les avantages que procure l'ubiquité des nouveaux services en ligne outrepassent largement les inconvénients. Par ailleurs, depuis maintenant plus de 20 ans, parier contre l'Internet a toujours été une mauvaise idée. Cette réalité n'est pas prête de changer.

Ce texte a également été publié sur Le Prince Arthur Herald.

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