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Je suis pro-immigration mais t’es pas mon camarade

Voici ce qu’on ne vous a pas raconté sur la manifestation de La Meute du dimanche 20 août à Québec.
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Quand j’ai vu la gang de militants antifascistes masqués et vêtus de noir, je savais exactement ce qui allait se passer ensuite.
Stringer . / Reuters
Quand j’ai vu la gang de militants antifascistes masqués et vêtus de noir, je savais exactement ce qui allait se passer ensuite.

J'ai décidé d'écrire pour raconter ce dont personne n'a parlé, il me semble, et ce qu'aucun média n'a rapporté sur la manifestation de dimanche dernier à Québec. En même temps, peut-on vraiment être surpris? Une gang d'Antifa cagoulés qui lancent des bombes fumigènes à l'antiémeute, ça fait vendre bien plus de copies qu'un rassemblement peace and love et familial de gens ordinaires venus manifester leur solidarité aux réfugiés devant le parlement.

J'habite à Québec. J'ai le cœur à gauche et je suis plus « Radio-Canada » que « Radio X ». Toutefois, je suis du genre à penser qu'il y a toujours deux côtés à une médaille et j'essaie de faire preuve de nuances face aux phénomènes que j'observe dans la société. Dimanche dernier, j'étais aux côtés des pro-immigration à la contre-manifestation organisée pour faire contrepoids à la manif de La Meute. Ça m'a écœurée net de voir la couverture médiatique qui a été faite de l'évènement. Voyez-vous, j'étais dans la rue dimanche et je ne suis pas une militante d'extrême-gauche pour autant. Je ne pense pas que La Meute soit un regroupement nazi et, pour tout vous dire, je n'en connais pas assez sur eux pour pouvoir déclarer hors de tout doute qu'ils appartiennent à l'extrême-droite. Ceci dit, je ne nie pas qu'une couple d'exaltés puissent se glisser dans le lot (le porte-parole Sylvain Brouillette admettait lui-même lundi soir sur les ondes de CHOI 98,1 qu'à ce jour, La Meute a expulsé 1500 membres de ses rangs parce qu'ils étaient considérés trop « extrémistes » et dangereux). Je suis tout de même préoccupée par les idées véhiculées par les groupes qui partagent les idées de La Meute (par exemple, Atalante Québec, qui a installé des affiches « #Remigration » sur l'autoroute).

J'irai jusqu'à dire que ça ne me dérangeait même pas que La Meute tienne une marche pour exprimer aussi ses opinions.

Dimanche, je me rendais à cette contre-manifestation, comme des centaines d'autres citoyens, pour exprimer pacifiquement mon opinion. J'irai jusqu'à dire que ça ne me dérangeait même pas que La Meute tienne une marche pour exprimer aussi ses opinions. Je tenais toutefois à être présente pour faire valoir les valeurs que je défends.

Quand j'ai vu la gang de militants antifascistes masqués et vêtus de noir, je savais exactement ce qui allait se passer ensuite. C'est comme la manifestation contre la brutalité policière à Montréal. On pourrait en écrire le scénario à la minute près. J'appelle ça le rodéo annuel de la police et du militant, qui se livrent à un jeu du chat et de la souris dans les rues de Montréal. Les tenants de l'idéologie antifasciste me diront sans doute que je parle à travers mon chapeau et que je ne comprends rien à leur combat. Ils ont raison : je ne comprends pas où ils veulent en venir. Et ils nous ont joué un sale tour dimanche. Leur présence s'est avérée l'effet marketing le plus efficace de La Meute. Les avez-vous vus jubiler en nous pointant du doigt, les deux Caporals-loups, s'écriant: « C'est qui les voyous, hein?»? À côté de nous, les sympathisants de La Meute avaient l'air piteux et doux comme des bébés chiens lorsqu'ils ont enfin été « libérés » de cette longue captivité dans laquelle les avaient confinés les « méchants » contre-manifestants de gauche. On a passé pour une vraie gang de sauvages.

Je vais donc vous raconter ce que moi, j'ai vu, dimanche. On s'était donné rendez-vous à la Place d'Youville. Environ 600 personnes s'étaient déplacées : des monsieurs-madames tout le monde, des familles avec des poussettes, des étudiants, des jeunes, des vieux, etc. J'ai cherché en vain les organisateurs de la manif, mais j'ai compris que ces derniers avaient organisé l'évènement de manière spontanée, sans vouloir créer de grande structure, laissant aux citoyens le soin de s'approprier l'évènement. Une sympathique petite fanfare de musiciens a pris les devants en se mettant à marcher vers le parlement et tout le monde l'a suivie. Nous nous sommes rendus devant l'Assemblée nationale. On brandissait des pancartes et on scandait des slogans, mais honnêtement, ça tombait un peu à plat. On se regardait tous en se demandant s'il y aurait des discours, de l'animation, si on allait reprendre la rue pour marcher dans le centre-ville. Soudain, un des Antifa se met à circuler dans la foule en criant « Nos camarades ont besoin d'aide sur le boulevard René-Lévesque! Venez-vous-en! » On s'est regardées, mon amie et moi, le sourire en coin et le regard dubitatif. « Nos...camarades? ».

Quelques instants plus tard, Sébastien Bouchard, le gars qui avait organisé la vigile contre la haine et le racisme devant le consulat américain le 16 août, a spontanément pris la parole pour nous livrer un petit discours bien senti, plein de bon sens. Sébastien a lancé une petite mise en garde aux gens avec des enfants : « si vous allez sur René-Lévesque, ça se peut que ça brasse », faisant référence sans les nommer aux gens cagoulés.

J'avais envie de voir combien de personnes comptaient le contingent de La Meute, de quoi ils avaient l'air, ce qui était écrit sur leurs pancartes.

La curiosité m'a poussée, je dois l'avouer, à tout de même aller voir ce qui se passait sur René-Lévesque. J'avais envie de voir combien de personnes comptaient le contingent de La Meute, de quoi ils avaient l'air, ce qui était écrit sur leurs pancartes. On a marché jusqu'à l'édifice Marie-Guyart. Là-bas, quelques dizaines de manifestants se tenaient dans la rue Louis Alexandre Taschereau face à une rangée de policiers antiémeutes. Jaggi Singh était en première ligne devant les cops, un porte-voix à la main. On a fini par comprendre, après un certain temps, que La Meute se trouvait dans le stationnement de l'édifice et que certains Antifa s'étaient mis en tête de les empêcher de sortir.

Je n'étais pas la seule à avoir ressenti cette curiosité, puisqu'une grande partie des participants du rassemblement de la Place d'Youville se sont aussi déplacés à côté de l'édifice Marie-Guyart. On n'était pas habillés en noir et on n'était pas masqués. On ne bloquait pas de portes. On n'allait pas narguer les antiémeutes. On n'avait pas de bombes fumigènes dans nos sacs à dos. On scandait des slogans pacifiquement. L'ambiance était relaxe. Y'avait de la musique, des enfants, des gens qui dansaient. Mais on ne vous a pas montré ces images-là, à TVA nouvelles et à RDI.

On ne savait pas ce qui se passait à l'intérieur du stationnement ni aux alentours. On ne savait rien. On ne savait pas non plus ce qui se passait 2 coins de rue plus loin, sur Grande-Allée. J'ai passé tout l'après-midi à la manif et je n'ai été témoin d'aucun des actes de vandalisme dont les images ont été diffusées à la télé.

Au bout de quelques heures d'attente, la tension commençait à monter entre les Antifa et la police. J'observais la scène, mais je restais un peu en retrait. Les affrontements étaient imminents. J'ai décidé de quitter les lieux parce que je ne voulais pas me faire arrêter.

Tout ce cirque a bien évidemment éclipsé notre discours qui en est un d'ouverture et de tolérance envers l'immigration et les réfugiés. Nous appelons au calme face à une sorte de début d'hystérie collective qui semble prendre de l'ampleur en ce moment au Québec et surtout sur les médias sociaux depuis que la télé nous montre des images de migrants haïtiens sur Roxham road (c'est tellement calme dans l'actualité pendant l'été, faut ben meubler le Téléjournal).

Bravo. Vous avez vraiment aidé la cause, les gars.

En arrivant chez moi et en regardant les nouvelles, j'ai eu un sentiment d'écœurement et de désespoir en voyant passer en boucle les images des anarchos-ninjas en train de détruire le mobilier d'une terrasse de restaurant, mettre le feu dans un conteneur et lancer des projectiles aux antiémeutes. Bravo. Vous avez vraiment aidé la cause, les gars.

Bloquer la route physiquement aux membres de La Meute, ce n'était pas mon idée. Mon combat, je le mène avec mes mots, mes actions, mais pas avec mes poings. Dimanche, il y avait bien plus de militants pro-immigration non violents que d'Antifa. La prochaine fois qu'il y aura une manifestation contre le racisme , s'il vous plait, ne nous mets pas tous dans le même panier : je ne suis pas ta camarade, l'ami.

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