Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Négociations dans le secteur public: geler les salaires ou abolir des postes?

Y aurait-il eu une autre façon de dégager les milliards dont le gouvernement a besoin pour boucler son budget?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

La résolution du gouvernement Couillard d'équilibrer le budget du Québec en 2015-16 semble inébranlable. Voilà une bonne nouvelle. Après plusieurs années de déficits et après avoir reporté de deux ans l'atteinte du déficit zéro - initialement prévue en 2013-2014 - il semble que cette fois-ci soit la bonne.

Mais cette fois-ci, les leviers dont dispose le gouvernement sont moins nombreux. Après avoir surimposé, surtaxé (+2% TVQ) et ajouté un impôt-santé, on semble se résoudre à enfin réduire les dépenses. Seulement, voici:

60% de sa colonne des dépenses du gouvernement est composée de la masse salariale de ses employés.

Inconcevable donc que les employés du secteur public ne soit pas appelés à contribuer au redressement des finances publiques. Malgré les cris et grincements de dents, la pièce de résistance pour diminuer la colonne des dépenses du gouvernement a été déposée le lundi 15 décembre: gel salarial pour les 2 premières années d'une convention collective de 5 ans, suivi d'une augmentation de salaire de 1% pour les 3 années suivantes (1).

Y aurait-il eu une autre façon de dégager les milliards dont le gouvernement a besoin pour boucler son budget?

François Legault de la CAQ par exemple suggère dans un Tweet que...

En gelant l'effectif total du secteur public au niveau de 2013 (570 000 postes) durant toute la durée d'un mandat, la CAQ prétend qu'elle aurait fait des économies de plus de 5 milliards $ (voir leur document ici). Réduction de la taille de l'État? Pas vraiment si on est honnête. Il n'y a ni congédiement ni mise à pied dans la solution de la CAQ non plus. Il s'agit, ici aussi, d'un gel du nombre d'employés... ce qui est déjà ça.

L'originalité de la CAQ réside plutôt dans le fait qu'on n'aurait moins remplacé les employés qui ne donnent pas de services directs à la population alors qu'on aurait augmenté le nombre de postes dits de première ligne (enseignants, infirmières par exemple). Cela suppose une révision des tâches administratives, un délaissement de tâches jugées non essentielles et une plus grande souplesse dans la mobilité du personnel. Possible? Certes. Mais convenons que les syndicats y auraient fort probablement résisté.

Comme mentionné dans la chronique d'Alain Dubuc de mercredi matin, "une réduction des effectifs n'est pas une mince tâche. On peut sans doute éliminer quelques structures inutiles, mais il sera difficile de vraiment réduire le nombre d'employés de l'État sans repenser le rôle de celui-ci et ses façons de faire." Les syndicats en sont-ils capables? La "machine" en est-elle capable, à commencer par les ministres eux-mêmes? Quant à moi, j'en doute...

Voyez comment les conventions collectives briment toute possibilité de réorganisation du travail. Tout y est codé, tout y est compté, tout y est planifié, centralisé et rigidifié. Compter sur la "machine" pour revoir le rôle de l'État et revoir ses façons de faire? Je ne crois pas ça. N'a-t-on pas constaté la très forte résistance des ministres eux-mêmes à modifier quoi que ce soit à leur organisation? "Been there, done that", comme on dit en anglais.

Le chroniqueur économique de La Presse, Francis Vailles, quant à lui, se surprend que le gouvernement libéral ait repris la formule du gel salarial plutôt que celle d'abolir des postes. Il s'est amusé à compter le nombre de postes qu'il faudrait abolir pour offrir une augmentation de 1,5% par année sur une période de 5 ans. Résultat?

"Il faudrait sacrifier 10 400 postes par année parmi les fonctionnaires, infirmières et professeurs pour offrir une hausse de salaire décente", avance-t-il, cette "hausse décente" étant définie comme +1,5% par année.

Si on prend pour hypothèse que les conventions collectives desservent 541 000 employés, l'on devra diminuer de 2% leur nombre à chaque année pendant 5 ans. Pas très loin du 2% de gains de productivité dont parlait Martin Coiteux récemment. (Rappelons par ailleurs qu'on estime que 15 000 employés partiront à la retraite à chaque année au cours des prochaines années. Sont-ils tous vraiment irremplaçables?)

La négociation entre le gouvernement et les représentants syndicaux pourrait-elle aboutir à marchander des hausses de salaire moyennant une diminution réelle du nombre d'employés de l'État? Si j'étais syndiquée et employée du gouvernement, c'est ce que je demanderais à mon syndicat. Aurais-je espoir qu'il ait la maturité requise pour y réfléchir. J'en doute. Ma thèse est que le gouvernement en doute aussi et que c'est la raison pour laquelle il aurait choisi la voie facile: un gel des salaires suivi de maigres augmentations de 1% pour les 3 dernières années de la convention.

Cela dit, le gouvernement libéral n'est pas très loin de l'objectif poursuivi par la CAQ, sinon va plus loin que la solution préconisée par François Legault. En effet. Selon la Presse canadienne, non seulement le projet de loi 15 du président du Conseil du trésor gèle les effectifs pour l'ensemble de l'appareil de l'État, il y ajoute un gel de l'embauche pour le secteur public.

Trop sévère? Certainement pas pour ce qui est de l'actuel mandat du PLQ. On a connu les promesses de remplacer un départ à la retraite sur deux. Peut-on leur faire confiance? Non s'ils n'y sont pas forcés. Ce fut un échec total. L'épreuve des faits le confirme. De 2008 à 2012 - en seulement 4 ans - le nombre de fonctionnaires a augmenté de 25 055, soit une moyenne de 6,2% par année!

En somme, ni la CAQ ni le PLQ ne proposent de diminuer le nombre d'employés. Tout au plus, proposent-ils tous les deux un gel de l'effectif. Austérité? Destruction de l'État québécois? Attaque en règle des services publics? On se calme. Et que ceux qui s'excitent (rappelons la crise nationale en 2003 entourant la modification de l'article 45 du Code du travail...) réalisent au moins que ce qui se passe aujourd'hui n'est que la conséquence de préserver les "choix collectifs" défendus par les mêmes personnes qui se voient maintenant obligées d'en payer le prix.

On veut un gros État? Que l'État planifie, produise, distribue et contrôle l'ensemble des services publics? On préfère beaucoup d'employés qui ont de la difficulté à obtenir des gains salariaux plutôt que moins d'employés véritablement concentrés sur les missions essentielles de l'État? Eh bien, en voilà les conséquences.

Triste pour les gens qui rendent des services directs à la population, c'est vrai. Mais cela dit, considérant le contexte économique difficile, il leur sera très difficile de ne pas au moins être heureux des conditions que leur offre l'ensemble des Québécois. Pour le reste, il faudra en parler avec leurs syndicats. Les mêmes qui prônent l'uniformité, l'égalité, le nivellement vers le bas, et tout le reste. Pour eux, sachez-le, c'est le nombre qui compte. Le nombre... et les cotisations syndicales qui en découlent. À ce compte-là, ils n'ont pas trop à se plaindre eux non plus.

(1) 40% des travailleurs continueront tout de même de progresser dans les échelons salariaux, augmentation qui peut représenter 3,6% par année. Les employés recevront également au printemps 2015 une augmentation de 1% (clause de la convention collective actuelle)

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.