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L'opportunité ratée de Philippe Couillard

Si le premier ministre Philippe Couillard croit qu'il suffira d'appliquer une couche minceur aux «structures» gouvernementales pour résoudre les déficits structurels du Québec, il se trompe. Royalement.
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Si le premier ministre Philippe Couillard croit qu'il suffira d'appliquer une couche minceur aux «structures» gouvernementales pour résoudre les déficits structurels du Québec, il se trompe. Royalement.

Je veux revenir sur un article du Journal de Québec, Leitao désavoué par Couillard. Titre trompeur? Peut-être. Mais qui révèle probablement les véritables intentions du premier ministre.

Les gains on va les faire au Québec au cours des prochains mois et années par une simplification des structures, a soutenu M. Couillard.

Ce ne sera pas suffisant. Combien d'études l'ont démontré. Combien d'ex-politiciens l'ont affirmé. L'histoire récente des tentatives de contraindre la bête étatique au Québec l'a démontré. Le "mieux d'État" n'est pas suffisant ni même possible. C'est dans la nature de la bête de se reproduire. Il n'aboutit qu'à un seul résultat: plus de taxes, plus d'impôts, plus d'endettement.

Voilà le legs du Parti libéral de la période Charest. Le neurochirurgien ne fera pas mieux s'il croit que le problème se résume à une question d'organigramme. C'est un premier pas, certes, mais qui est loin d'être suffisant. Et surtout, comment expliquer cette sortie d'un premier ministre qui faisait son entrée au gouvernement en affirmant que "l'heure n'était plus aux changements cosmétiques"?

Dans une récente chronique, Antoine Robitaille raconte que Philippe Couillard recommandait chaudement à des hauts fonctionnaires et patrons de sociétés d'État la lecture de The Fourth Revolution - The Global Race to Reinvent the State écrit par deux économistes de la revue The Economist.

Je l'ai lu. J'en ai fait un blogue et une chronique. Ce que ces gens-là suggèrent?

Une rénovation de l'État axée sur le pluralisme des moyens, la liberté de choix des citoyens, la concurrence dans l'offre de services, la diversité, la décentralisation, la transparence, l'expérimentation, et la coopération entre diverses formules de production de services dits publics.

Je ne suis pas la seule à ne pas comprendre la timidité du premier ministre à saisir une opportunité de faire oeuvre pédagogique utile. Michel Kelly-Gagnon de l'IEDM déplore également la caricature grossière et simpliste brandie par plusieurs groupes d'intérêt à propos du rôle du "privé" dans la livraison des services publics.

Le plus récent exemple en ce qui me concerne vient du philosophe Jocelyn MacClure avec lequel j'ai débattu du financement des écoles privées sur les ondes de Radio-Canada. Je ne répondrai pas ici à tous ses arguments d'ordre philosophique autrement que de dire qu'il est plus facile de se réfugier derrière le discours vertueux du "bien commun", de "l'intérêt général", de "l'égalité des chances", de la "création d'une citoyenneté commune" (ayoye!), de la "mixité culturelle", il est donc plus facile, dis-je, d'en rester à des arguments philosophiques subjectifs que d'examiner en quoi certaines écoles du public faillissent à leur tâche... avec tout l'argent qu'on y injecte. On pourrait aussi se demander si MacClure considère toujours le parent qui choisit l'école privée comme un citoyen qui a droit à une portion des fonds publics auxquels il a lui-même contribué.

Dans l'esprit de certains, le raisonnement est somme toute assez simpliste: 1) Si on avait l'argent du privé, tous les problèmes du public disparaîtraient comme par enchantement 2) la production des services financés par l'État doivent être produits par l'État et 3) seule la production par l'État sert la "justice sociale", le "bien commun" et "l'intérêt général", tous des concepts subjectifs. (On voit d'ailleurs de façon assez spectaculaire avec le député de St-Jérôme, Pierre Karl Péladeau, comment le concept d'intérêt général peut être interprété de façon cavalièrement indécente; mais ça, c'est une autre histoire).

À la base de cet antagonisme public-privé créé artificiellement par les défenseurs du "tout à l'État", donc, un dogme puissant et bien enraciné chez certains promoteurs du modèle québécois: celui qui veut qu'un service financé par le public soit nécessairement produit par l'État. Le monde a pourtant démontré le contraire.

Enfin, quelle belle opportunité ratée pour M. Couillard d'appuyer son ministre des Finances et de choisir de briser un dogme qui étouffe l'innovation à laquelle il semble tenir, l'entrepreneurship, la coopération et toute autre forme d'organisation du travail novatrice.

Il ne me reste qu'à lui suggérer de lire (ou de terminer) un très bon bouquin: The Fourth Revolution - A Race to Reinvent the State.

P.S. Je me demande bien comment interpréter la réplique de M. MacClure à ma suggestion de lire le texte de Michel Kelly-Gagnon. Cautionne-t-il la révolution de l'État suédois? Doit-on absolument adopter son régime fiscal pour y reconnaître le bien-fondé de sa révolution étatique? Croit-il vraiment que le Québec pourrait rivaliser avec ses voisins nord-américains si nous adoptions le régime fiscal des pays nordiques? Pour l'instant, j'ose croire qu'il est conscient que nous vivons sur le continent américain et qu'il n'y a rien qui nous empêche d'importer les bonnes idées de la Suède ou de tout autre pays qui a réussi à améliorer son offre de services publics sans pour autant miner encore davantage l'économie par une fiscalité encore plus alourdie.

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