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Projet de loi 59: liberticide, dangereux, inutile

Qu'une ministre de la Justice soit soumise à ce point aux revendications de bureaucrates en quête d'un nouveau pouvoir de censurer l'expression de la parole libre me fait réaliser combien nos libertés sont fragiles.
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Les 25 articles du projet de loi 59 visant à «prévenir et à lutter contre les discours haineux et les discours incitant la violence» ne méritaient franchement pas une étude en commission parlementaire. Qu'un Conseil des ministres d'un gouvernement libéral ait approuvé la chose me renverse. Qu'un premier ministre qui se proclame défenseur des libertés individuelles - le même qui s'enflamme lorsqu'on menace d'interdire le port de signes religieux - endosse pareille pièce législative me fait soupçonner que son jugement n'est pas tout à fait neutre lorsqu'on aborde les enjeux reliés à l'intégrisme et au radicalisme religieux.

Pire, qu'une ministre de la Justice ait accepté un tel mandat, qu'elle se soit soumise à ce point aux revendications des bureaucrates de la Commission des droits de la personne en quête d'un nouveau pouvoir de censurer l'expression de la parole libre me fait encore réaliser combien nos libertés sont fragiles.

Vous pouvez également écouter ma chronique sur le sujet au FM93,3 dans le cadre de l'émission Bouchard en parle.

Si ce projet de loi était adopté, la Commission des droits de la personne du Québec pourrait enquêter sur des propos «haineux» tenus par une personne ou logeant sur un site Internet (ou encore être prononcés sur des ondes radio) et soumettre le cas au Tribunal des droits de la personne qui, à son tour, sanctionnera la personne ayant tenu ou diffusé un discours haineux (sanction de 1 000 $ à 10 000 $; 20 000 $ en cas de récidive).

Pire, en plus de ne pas connaître la source de la plainte (l'anonymat des dénonciateurs est protégé), le «coupable» verra son nom inscrit sur une liste publique sur Internet.

Mais où est-ce que je vis, batinsse? Quelle espèce de déviation intellectuelle finit par produire pareille proposition législative? À quel besoin répond-on exactement? Qui, au fait, à part les dirigeants de la Commission des droits de la personne, a demandé pareille loi? Personne.

Si je me fie aux échanges en commission parlementaire, il y a presque unanimité. La loi est dangereuse et inutile. Mieux vaut des mesures préventives, selon les intervenants. En prime, elle ne répond pas aux préoccupations des citoyens, qui portent principalement sur les dangers de l'intégrisme et du radicalisme religieux dans nos sociétés libérales et démocratiques.

La députée de la CAQ Nathalie Roy (qui fait un excellent travail dans le cadre de cette commission, en passant) a beau se convaincre que l'objectif de ce projet de loi est de protéger nos valeurs fondamentales contre l'islam radical et intégriste, qu'elle se désillusionne. À nulle part dans le projet de loi, cet objectif n'est mentionné. Il ne semble pas que ce soit l'intention du Parti libéral, peut-être plus préoccupé par un supposé courant islamophobe que par la pression qu'exercent des intégristes religieux radicaux sur nos valeurs de libertés individuelles.

En effet, aucune mention des mots suivants dans le projet de loi: intégrisme, intégriste, radicalisme, radicalisation, terrorisme, religieux (comme dans «intégrisme religieux»).

En ce sens, il n'est donc pas étonnant que seuls deux groupes jusqu'à présent appuient le projet de loi: Le Forum musulman canadien et Le Conseil musulman de Montréal.

Pour ce qui est des commentateurs et analystes, le jugement est unanime:

Une police de l'opinion au Québec (Mathieu Bock-Côté, Le Journal de Montréal)

Un projet de loi liberticide (Lise Ravary, Le Journal de Montréal)

Un tribunal de la censure (Richard Martineau, Le Journal de Montréal)

Couillard's Speech Police Proposal (Don MacPherson, The Gazette)

La mauvaise loi (Josée Boileau, Le Devoir)

La loi comme bâillon (Denise Bombardier)

• «Ce n'est peut-être pas un projet liberticide, car la jurisprudence a déjà établi que seuls les propos qui incitent à la "détestation extrême" peuvent être qualifiés de haineux. Mais même si le risque n'est pas immense, il existe. Et Québec n'a pas démontré pourquoi il mérite d'être pris» (Paul Journet, Excès de politesse, La Presse)

• «Stéphanie Vallée, responsable du PL59, refuse de voir ce qui aveugle les amoureux de la liberté d'expression: ce projet de loi est liberticide» (Lise Ravary, Il faut écouter Fatima, Le Journal de Montréal)

• «Le projet de loi est "totalement inconciliable avec les assises d'une société libre et démocratique", ont récemment soutenu les porte-parole des Juristes pour la défense de l'égalité et des libertés fondamentales, Julius Grey et Julie Latour» (Le Devoir)

• «C'est du totalitarisme pur. De quoi accabler la société d'une chape de plomb faite de censure et d'autocensure» (Lysiane Gagnon, Un projet liberticide, La Presse)

Les éditoriaux du Canada anglais sont également unanimes:

Franchement, on a l'air fous. Comme quoi il peut arriver que ce ne soit pas toujours le Parti québécois et l'Office de la langue française qui nous fassent honte. En effet, n'a-t-on pas compris combien il est périlleux de se fier sur le jugement de fonctionnaires pour ce qui est de décider de ce qui est acceptable ou pas, moralement «tolérable» ou pas?

A-t-on besoin de rappeler les cas de Ezra Levant et de Mark Steyn, qui se sont fait poursuivre par des Commissions des droits de la personnes de l'Alberta et de l'Ontario? Encore aujourd'hui, Ezra Levant est poursuivi pour avoir «insulté» la Commission des droits de la personne de l'Alberta.

This October I will be prosecuted for one charge of being "publicly discourteous or disrespectful to a Commissioner or Tribunal Chair of the Alberta Human Rights Commission" and two charges that my "public comments regarding the Alberta Human Rights Commission were inappropriate and unbecoming and that such conduct is deserving of sanction."

Because last year I wrote a newspaper editorial calling Alberta's human rights commission "crazy".

Ça, c'est ce que ça donne, une police de la parole, les amis. Des bureaucrates (OQLF) qui se permettent de rendre la vie dure à des commerçants pour ne pas avoir posé des collants par-dessus les «on» et «off» de photocopieuses ou qui se donnent comme mission de discipliner les écarts de langage de gens qu'ils veulent ultimement faire taire.

La ministre Vallée et le premier ministre Couillard devraient prendre 9 minutes pour écouter cette video, ne serait-ce que pour parfaire leur culture personnelle. Si cela ne les fait pas réfléchir sur le projet de loi 59 qu'ils devraient, de façon responsable, carrément mettre à la poubelle, on sera en droit de nous demander ce qui les motive, dans le fin fond de leur conscience, à s'obstiner à contenir la liberté d'expression au Québec.

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