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Promettre 250 000 emplois? Oubliez ça!

Il est grand temps de «slaquer la poulie» sur les exigences du Québec en matière de développement économique et d'afficher «Open for business», et en anglais, s'il le faut.
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Lors de la dernière campagne électorale de 2014, le chef du Parti libéral, Philippe Couillard, promettait 250 000 nouveaux emplois au cours des 5 prochaines années. Selon l'économiste Pierre Fortin, ce serait beau si le Québec réussissait à en créer la moitié, soit 125 000!

Voilà la conclusion d'un article intitulé Combien d'emplois seront créés au Québec d'ici 2019 ? publié dans L'Actualité.

Comment M. Couillard est-il arrivé à 250 000 emplois? Par un calcul somme toute assez bête et arithmétique: si les libéraux du gouvernement Charest sont arrivés à créer un environnement économique capable de générer 40 000 nouveaux emplois par année, le PLQ des années 2014-2019 créera les conditions qui en produiront 50 000. Plein de bon sens, non?

Non.

Pas vraiment, selon Pierre Fortin. Ce que le très optimiste Philippe Couillard oublie, c'est qu'à partir de 2014, les 15-64 ans (celle qu'on nomme la «population active», celle qui a l'âge de travailler et de payer des impôts) n'augmente plus de 37 000 personnes par année (comme au temps du gouvernement Charest), mais elle diminue de 5 000 personnes par année! Le choc démographique? Nous y sommes. Là. Maintenant. Dans une formule simplifiée, Fortin conclut donc «qu'on ne peut tout simplement pas créer des emplois pour des gens qui n'existent pas! En projetant la création d'emploi future au Québec par simple règle de trois sans en tenir compte (du virage démographique), on a fait une promesse qui sera malheureusement impossible à tenir.»

En clair, si le nombre de personnes entre 15-64 ans diminue (only in Québec...), le nombre de travailleurs risque de diminuer également. Conséquence? Moins de croissance économique, moins d'impôts perçus par les gouvernements, plus grande difficulté à payer un panier de services gonflé à l'hélium des années 1980, davantage de risques de déficits, d'augmentation des impôts, moins d'incitation au travail, donc encore moins de travailleurs ou d'heures travaillées, etc.

Pas facile.

Solution? Comme il n'y a pas de nouvelles personnes qui s'ajoutent naturellement au groupe 15-64 ans, il s'agit d'augmenter la proportion d'entre eux qui occupent, effectivement, un emploi (on appelle ça faire augmenter le taux d'emploi, ou encore le taux d'activité). Voilà ce à quoi s'affaire le ministre Leitão qui, selon Pierre Fortin, fait une projection de 156 000 nouveaux emplois d'ici 2019 (encore loin du 250 000).

Tout cela dit, c'est quoi la morale de l'histoire? À mon sens, ça fait réfléchir, non?

• On va le payer comment, ce panier de services universel et gratuit si on ne peut plus compter sur des cohortes de travailleurs qui augmentent naturellement au moins de façon aussi importante que par le passé? Croit-on vraiment qu'on pourra faire reposer la totalité de la facture des services publics à un nombre de plus en plus réduit de travailleurs?

• A-t-on encore le luxe d'entretenir un réflexe de dire «non» à tout développement provenant d'investissements privés et cela, pour toutes sortes de raisons à caractère idéologique?

• Le gouvernement du Québec en est-il réduit à être le seul qui génère des emplois au Québec, faute de trouver et d'accueillir des investisseurs privés intéressés (exemple: voir ici l'article du Devoir sur la mine Arnaud)

• A-t-on les moyens de nous lancer dans des lubies d'écofiscalité; ne comprend-on pas que la priorité n'est pas d'augmenter les charges fiscales mais bien plutôt le contraire?

• Peut-on comprendre l'importance d'une nouvelle immigration pour occuper des emplois qui ne trouveront pas preneurs autrement? Comprend-on l'importance d'avoir une immigration qui se marie bien avec les valeurs de nos sociétés libérales (démocratie, égalité entre les hommes et les femmes, etc.)?

Les gens et les partis politiques de l'opposition exigent que «le gouvernement» fasse quelque chose. Que le gouvernement «intervienne». Que veulent-ils dire? Qu'après avoir chassé les investisseurs privés, que le développement économique repose entièrement sur l'État? Vous en doutez?

Selon Statistique Canada, le Québec a attiré 16,3% des investissements privés alors que notre population représente 23,1% de la population totale du Canada. Selon Statistique Canada toujours, si, pour chaque dollar investi par le gouvernement dans les immobilisations, le secteur privé en dépense 2,09 $, ce ratio est le plus bas au Canada (9,74 $ en Alberta; 2,48 $ en Ontario; 2,94 $ au Nouveau-Brunswick). Pas chic.

Le mois dernier, les libéraux de Philippe Couillard se tapaient dans les mains et se pétaient les bretelles: 68 700 nouveaux emplois entre mai 2014 et mai 2015. Suivant le dernier énoncé de Statistique Canada, la performance du Québec se chiffre plutôt à 25 800 nouveaux emplois pour la période de juin 2014 à juin 2015 (comme quoi ça fait mal, une perte de 33 000 emplois en un mois...).

Face à ce constat, les partis politiques de l'opposition ont la partie facile: le gouvernement devrait en faire plus, investir plus, subventionner plus. Mais faire cela serait très exactement continuer sur la voie qui nous a rendus là où on est. Plus encore, il y a quelques leçons à retenir de ceci, à mon avis:

• Qu'aucun parti politique ne peut «promettre» des emplois à la hauteur de ce qui s'est vu dans le passé, ni même «promettre» des emplois tout court.

• Qu'il est grand temps de «slaquer la poulie» sur les exigences du Québec en matière de développement économique et d'afficher «Open for business», et en anglais, s'il le faut.

• Qu'il est également temps de cesser de nous illusionner qu'avec une croissance plus faible que par le passé, l'État pourra continuer de financer de façon aussi importante le panier de services québécois.

Des constats pragmatiques qui annoncent la direction que doivent prendre nos créateurs de politiques publiques, particulièrement ceux qui désirent afficher une image de transparence face aux citoyens que nous sommes.

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