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Couillard, la Charte et la lutte contre l'intégrisme: à quoi s'attendre?

Dieu qu'on aimerait que ce soit simple de régler ça. Ce ne l'est pas. Et pour toutes sortes de raisons. Prenons par exemple, la lutte au terrorisme, à l'intégrisme ou à la radicalisation (choisissez pour l'instant, le terme qui vous convient le mieux).
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Dieu ce qu'on aimerait que ce soit simple de régler ça. Ce ne l'est pas. Et pour toutes sortes de raisons. Prenons par exemple, la lutte au terrorisme, à l'intégrisme ou à la radicalisation (choisissez pour l'instant, le terme qui vous convient le mieux).

Le rôle du gouvernement canadien

Pas simple d'abord parce que la solution fait appel à la contribution et à la coopération de plusieurs agences à tous les niveaux de l'administration publique. Il y a la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), son "Équipe des Enquêtes criminelles (ECSN)" et ses "Équipes intégrées de la sécurité nationale (EISN)" auxquelles participent plusieurs organismes fédéraux, provinciaux et municipaux, de même que d'autres services de police locaux et agences de sécurité.

Le rôle des Équipes intégrées de la sécurité nationale? "Détecter, prévenir et perturber les activités terroristes, ainsi qu'enquêter à ce sujet. Leur objectif est de faire comparaître les terroristes devant la justice avant qu'ils ne perpètrent des actes criminels graves et violents au Canada ou à l'étranger."

Voilà donc, ici, un élément de solution.

Au niveau national, il y a également le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l'Agence qui surveille ce qui se passe à nos frontières (ASFC), le Service qui s'occupe des prisons (le Service correctionnel canadien SCC). Quand on sait maintenant qu'il y a recrutement et radicalisation entre les murs mêmes des prisons, pas inutile de jeter un coup d'oeil de ce côté-là non plus...

Côté législatif, en avril 2013, le gouvernement Harper, appuyé des libéraux, a adopté un projet de loi pour lutter contre le terrorisme. D'ici la fin de cette semaine, le gouvernement Harper présentera une révision des lois antiterroristes (projet de loi C-44). Suivez ça. Ce sera certainement intéressant.

Enfin, ajoutez à cela qu'à chaque année, le ministre fédéral de la Sécurité publique (Steven Blaney) fait un rapport sur la menace terroriste au pays et vous avez un échantillon de ce qui se fait sur le plan national (canadien).

Le rôle du gouvernement provincial?

Après tout ça, et en considérant ce qui se trouve déjà dans le Code criminel et le Code civil (ouf!), la question devient la suivante: que peut faire un gouvernement provincial pour affirmer la neutralité de l'État, baliser les accommodements religieux et assurer la sécurité des Québécois?

On a vu qu'au niveau fédéral, la lutte se fait contre le terrorisme. Lutter contre le terrorisme et lutter contre l'intégrisme sont-ils synonymes? Philippe Couillard a beau vouloir distinguer entre terrorisme et intégrisme, et même aller jusqu'à dire que l'intégrisme est un choix personnel, il n'en demeure pas moins que le gouvernement disait travailler sur un plan de lutte à l'intégrisme. Ça, c'était jusqu'à mardi...

Mardi, le PM, en conférence de presse, a cru bon partager avec la galerie de presse et les Québécois sa compréhension des concepts entourant ce débat litigieux. Une bonne chose, à mon avis. Il était temps et cette fois, aucun malaise.

Maintenant, au moins, on a une idée claire de la vision de Couillard. Ce n'est peut-être pas ce que vous souhaitez et il n'y a absolument rien qui rappelle la façon dont le PQ vous a vendu sa Charte, mais au moins, on a une meilleure idée de la vision du gouvernement.

À quoi s'attendre?

Désormais, si je comprends bien Philippe Couillard:

  1. Il est inutile d'imaginer que le Parti libéral créera une nouvelle "Charte", appelez-la comme vous voulez. Oubliez ça.
  2. Il n'est plus avisé non plus de parler de "laïcité". L'expression que véhicule le gouvernement est "la neutralité de l'État".
  3. Il y aura un projet de loi pour affirmer la neutralité de l'État et baliser les accommodements religieux, certes, mais il s'inspirera du projet de loi #94 déposé en 2010 par Kathleen Weil du temps de Jean Charest (et bloqué par le Parti québécois).
  4. Ce projet de loi, selon les dires du PM, "sera légal et constitutionnel et ne reposera pas sur des pratiques discriminatoires". Comprendre: "Oubliez l'interdiction des symboles religieux". Comprendre: "Il n'est pas question de recourir à la clause dérogatoire" comme Pauline Marois l'aurait fait.
  5. Par ailleurs, on pourra s'attendre à ce que ce projet de loi modifie la Charte existante des droits et libertés pour y affirmer la neutralité de l'État en plus "d'incorporer des mesures contre certaines pratiques dans notre société que l'on veut contrôler." On attend de savoir ce que cela veut dire.
  6. Pour conclure sur la neutralité de l'État, Philippe Couillard avoue ne pas s'illusionner sur l'adoption à l'unanimité d'un tel projet de loi. Il ajoutera toutefois, en anglais: "We will do it; we need to do it". Pas sûre que la stratégie du blocage par le PQ marchera cette fois...

Sur le plan de la lutte à l'intégrisme:

  1. Précision des termes ici aussi: on parlera de lutte au radicalisme plutôt que de lutte à l'intégrisme, la pratique intégriste d'une religion n'étant pas nécessairement une menace (ex: les juifs hassidiques), ni pour les valeurs fondamentales de nos sociétés libérales, ni pour la sécurité des personnes. Selon Philippe Couillard, " Tant que ça ne met pas en cause nos droits et libertés, c'est là qu'est la limite." (Vous pouvez réagir, mais je parierais que vous arriverez, comme moi, à la conclusion que l'intégrisme des uns n'est pas l'équivalent ou aussi dangereux que l'intégrisme de certains autres.)
  2. Le PLQ proposera un "Plan", plan qui comportera plusieurs aspects et qui comptera sur la collaboration des communautés musulmanes et des forces policières.
  3. Un des aspects privilégiés semble être du côté de la détection et de la prévention de comportements radicaux menant au terrorisme.
  4. Une nouvelle politique sur l'immigration fait également partie du "package", politique également pilotée par Kathleen Weil.

Nous ne connaissons pas encore dans le détail ce que contiendra ce fameux Plan de lutte contre le radicalisme. Pour ma part, j'espère qu'on saura y intégrer des moyens:

  • de surveiller, détecter et dénoncer la présence dans des écoles confessionnelles ou lieux de prière (nommons-les: des mosquées), la présence, donc, de discours, de propagande ou d'endoctrinement qui rejettent les fondements de notre démocratie libérale
  • de porter une attention particulière à ce qui se passe dans nos écoles.

Si la "pratique intégriste" d'une religion est un choix personnel, selon Philippe Couillard, je crois que la limite de ce raisonnement est atteinte lorsqu'il s'agit d'enfants. À titre d'exemple, rappelons-nous ce qui est arrivé chez-nous, aux jeunes dont les parents appartenaient à la secte juive Lev Tahor. Totalement inacceptable que la Protection de la jeunesse n'ait pas réagi plus vite et mieux.

Et puis, on fait quoi avec les écoles confessionnelles exactement? Avons-nous le droit de tolérer que dans nos écoles, d'aussi jeunes esprits soient moulés, formés et encadrés par des idéologies qui appellent à l'intolérance? à l'intégrisme? à la fermeture aux autres? à l'isolement? On leur enseigne quoi à ces jeunes sur nos libertés fondamentales, sur le respect de nos institutions? (Remarquez qu'on pourrait poser la question aux profs de l'UQAM...)

Trouver le dénominateur commun

Les partis d'opposition, le PQ aussi bien que la CAQ, misent sur un projet de "Charte des valeurs" qui semble tout régler, tout en misant sur l'insécurité des Québécois sur le plan identitaire. Couillard, de son côté, est revenu d'Europe avec un mot-clé: Sécurité, et avec la résolution de ne pas se laisser distraire par les artifices chartistes des partis d'opposition. Soit. Le Parti libéral est majoritaire. Il peut et doit expliquer sa vision et j'espère, aboutir à la conclusion de ce chapitre qui n'a rien de très édifiant dans l'histoire parlementaire québécoise.

Reste à savoir si les partis d'opposition sauront se contenter du très petit dénominateur commun que leur offrira le gouvernement ou s'ils tenteront de bloquer encore une fois l'offre du gouvernement.

À suivre donc: le projet de loi C-44 du gouvernement Harper, le projet de loi sur la neutralité de l'État de la ministre de la Justice Stéphanie Vallée et le Plan d'action contre le radicalisme de la ministre Kathleen Weil.

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Avril 2018

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