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Le Canada a toujours été un pionnier en matière des droits humains, de la protection de l'environnement et de la démocratie. Je suis sûre qu'il n'est pas trop tard pour que le Canada reprenne ce rôle.
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Êtes-vous un(e) terroriste? L'avez-vous déjà été?

Telle est la principale question qui a été posée, sous différentes formes, par les députés conservateurs du Parlement lors des audiences devant le Comité permanent qui examine le projet de loi C-51, une ébauche de législation soi-disant antiterroriste.

Invitée à me prononcer devant le Comité la semaine dernière, j'ai profité de cette occasion pour souligner les graves dangers de cette loi qui élargit la définition de la sécurité nationale et permettrait d'assimiler à tort les manifestations pacifiques à des actes de terrorisme. Je m'attendais à devoir défendre les preuves que nous détenons et qui démontrent comment les nouveaux pouvoirs qu'octroierait ce projet de loi peuvent être utilisés contre les activistes pacifiques luttant contre les changements climatiques.

Cependant, aucun député du côté du gouvernement n'a montré d'intérêt aux idées principales de ma présentation.

Le député conservateur LaVar Payne m'a demandé si je me considérais moi-même comme étant une menace à la sécurité publique parce que, selon lui, je ne devrais pas m'inquiéter de la loi antiterroriste si je n'étais pas une terroriste. «Je me demande si votre organisation ne représente pas une menace à la sécurité publique», a-t-il ajouté en référence à nos inquiétudes vis-à-vis de la loi C-51, utilisant tout le temps accordé à son intervention sans nous laisser le droit de répondre à ses accusations.

Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Carmen Cheung, avocate-conseil de la British Columbia Civil Liberties Association, a présenté son témoignage juste avant moi. Ses arguments juridiques rigoureux concernant les menaces que représente cette loi sur les droits civiques ont été rejetés comme étant des «divagations ». «Seriez-vous fondamentalement opposée à ce que nos rues soient débarrassées des terroristes ?», lui a-t-on plutôt demandé.

Le troisième expert sur notre panel était le professeur Ron Atkey, qui a été témoin des opérations de sécurité nationale en tant qu'ancien ministre au sein du gouvernement conservateur et en tant que chef du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS). M. Atkey a affirmé que le projet de loi C-51 représentait un «dégât constitutionnel» et a offert des recommandations en vue de l'améliorer. Aucune question ne lui a été adressée par les députés membres du gouvernement bien qu'ils l'eussent eux-mêmes invité à témoigner en pensant peut-être qu'il allait soutenir ce projet de loi.

Plus tard ce jour-là, le Comité permanent a écouté le témoignage d'Ihsaan Gardee, directeur général, Conseil national des musulmans canadiens. Au lieu de discuter de ses craintes, la députée conservatrice Diane Ablonczy a répété les allégations qu'il avait déjà réfutées et qui seraient qualifiées de diffamatoires si elles étaient exprimées en dehors de la protection juridique accordée aux députés en vertu du privilège parlementaire. «Afin que nous puissions travailler ensemble, a-t-elle dit, il faudrait une certaine conviction que, comme vous le savez, nous ne pouvons pas mener une bataille timide contre le terrorisme. Quelles sont donc vos positions par rapport à ces allégations ?»

M. Gardee a, avec raison, rejeté cette «question» comme étant une tactique diffamatoire.

Mais il s'agit de plus que cela. Ce gouvernement cherche à fomenter une politique de peur dans le but de distraire l'opinion publique de la situation économique du pays. Le rêve du premier ministre Stephen Harper de transformer le Canada en ce qu'il appelle « une superpuissance énergétique » grâce à l'expansion rapide de l'exportation du pétrole issu des sables bitumineux s'est avéré un échec économique et politique à la veille des élections prévues cet automne.

Plus le prix du pétrole baisse, plus les conservateurs intensifient leurs discours sur le terrorisme.

Clamer haut et fort sa fermeté contre le terrorisme peut être payant dans les urnes, mais cela risque de nous imposer une loi très mauvaise.

Plus de 100 experts juridiques ont adressé une lettre aux députés dans laquelle ils affirment que cette loi est «dangereuse», car elle risque d'entraver les efforts actuels contre le terrorisme tout en ouvrant la voie à des atteintes sans précédent à nos droits et à notre vie privée. Leurs craintes sont par ailleurs partagées par plusieurs personnes et organisations, dont quatre anciens premiers ministres, cinq anciens juges à la Cour suprême, le Commissaire fédéral canadien à la protection de la vie privée, Amnistie Internationale et l'Assemblée des Premières Nations, entre autres.

Mais les audiences se poursuivent malgré tout, faisant croire aux Canadiens qu'ils doivent avoir très peur et qu'il faut éviter de questionner le gouvernement.

Ne posez pas de questions sur les coûts économiques, politiques et écologiques engendrés par l'obsession de notre gouvernement avec les combustibles fossiles, alors que les prix baissent et que d'autres gouvernements ont déjà reconnu le virage vers les énergies vertes comme étant la seule solution viable pour notre sécurité et notre stabilité.

Fort heureusement, les Canadiennes et les Canadiens sont descendus dans les rues de plus de 70 villes à travers le pays, à la fin de la semaine dernière, pour affirmer qu'ils n'accepteront pas que leur pays soit gouverné par la peur et le racisme.

Le Canada a toujours été un pionnier en matière des droits humains, de la protection de l'environnement et de la démocratie. Je suis sûre qu'il n'est pas trop tard pour que le Canada reprenne ce rôle.

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