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À Outremont, rien ne vous empêchera de prendre votre latte au café du coin...

Si l'on prétend être une société libérale, démocratique et multiculturelle, comment pouvons-nous expliquer cette non-acceptation de la différence? Ce nouveau règlement de zonage adopté à Outremont ne dévoilerait-il pas encore une fois l'exemple de l'échec du modèle du «vivre ensemble»?
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Dimanche 20 novembre 2016, 21 h 30. Après plusieurs mois de bataille, sans l'ombre d'un dialogue de la part des pouvoirs municipaux en place, une partie de la population d'Outremont ayant eu le droit de voter s'est prononcée pour l'interdiction de nouveaux lieux de culte sur la rue Bernard (règlement AO-320-B). Celle-ci impliquant désormais l'impossibilité d'établir de nouveaux lieux de culte dans la totalité de l'arrondissement. Le résultat ne surprend guère sachant que la campagne pour le soutien à cette interdiction a été particulièrement active, et les principaux concernés par le dispositif, à savoir les hassidiques, sont minoritaires. Mais ce référendum ne cache-t-il pas un malaise beaucoup plus profond ancré dans la difficile acceptation de l'autre, de cet autre fonctionnant dans un autre système où il ne s'habille pas, ne mange pas, ne pense pas, ne s'exprime pas comme nous et interagit rarement avec nous?

En lisant et écoutant les échanges informels sur les médias sociaux, dans les cafés et restaurants du quartier, les débats restent particulièrement houleux et de nombreux citoyens proposent une narrative bien plus complexe que la simple question économique. Les critiques quant aux modes de vie et aux manières d'être des hassidiques apparaissent au grand jour. Je me souviens d'une discussion avec un représentant du « oui » autour de ses motivations. Au cours de la discussion, il me fait part des différents scénarios auxquels il a souvent pensé pour faire diminuer la taille de la communauté : « Tout d'abord, je pensais qu'ils allaient se diriger davantage vers le Nord, vers Parc-Extension. Dans ce quartier il y a aussi beaucoup de lieux de culte et de communautés religieuses, donc ils seraient plus en harmonie. Ensuite, sachant que le prix de l'immobilier est en croissance, je me suis dit que malheureusement les familles allaient devoir être séparées et que certains enfants, après leur mariage, allaient se diriger vers des parties de la ville moins onéreuses. Enfin, j'ai aussi imaginé qu'une communauté décide de quitter Montréal, comme ce fut le cas avec les Tosh dans les années 1960. »

Un coup d'œil sur les reportages radio et télé, ainsi qu'aux commentaires de cette dernière semaine dans la presse locale, permet de se rendre compte que ce projet de zonage apparaît comme le prétexte à l'expression de la non-acceptation d'une réalité : la présence d'une communauté religieuse en croissance. Pourtant, les hassidiques font bel et bien partie de l'histoire montréalaise et outremontaise depuis de nombreuses décennies. Ils composent même l'une des spécificités de la métropole; métropole qui, soit dit en passant, s'est fortement engagée à agir pour le vivre ensemble avec l'engagement du maire Denis Coderre au sein de l'Observatoire international des maires sur le vivre ensemble.

Au cœur de ce débat, il aurait alors été honnête d'assumer ses propres préjugés face à l'altérité religieuse plutôt que de mobiliser l'argument économique sans aucune étude à l'appui. Cependant, de tels propos ne seraient alors pas « politiquement correct » et l'action politique et juridique défendue par l'arrondissement ne serait alors plus justifiée. Ici se situe bel et bien le cœur de la problématique. Tolérance ne signifie pas appréciation de l'autre, ni même absence de préjugés ou de pressentiment, mais l'obligation des pouvoirs en place d'accommoder tout à chacun pour qu'il puisse vivre selon son propre code culturel et social, que ce code plaise ou non, tant que celui-ci n'entre pas en conflit avec les droits de la personne.

Et je vous interrogerai, cher citoyen : pourquoi les hassidiques devraient-ils entreprendre davantage d'actions pour être tolérés et acceptés dans leur différence? Ils sont d'ores et déjà représentés par la conseillère municipale Mindy Pollack, très active sur le terrain pour développer le dialogue avec la majorité. Cela ne veut pas dire que le travail de communication et de démystification entrepris ne doit pas se poursuivre, et éventuellement s'accentuer afin que la tolérance ne soit plus mise à l'épreuve. Mais souhaite-t-on véritablement écouter les hassidiques et leurs représentants nous parler de cette différence qui ne sera sûrement jamais acceptée?

Si l'on prétend être une société libérale, démocratique et multiculturelle, comment pouvons-nous expliquer cette non-acceptation de la différence? Ce nouveau règlement de zonage adopté ne dévoilerait-il pas encore une fois, comme le débat autour de la Charte des valeurs l'a mis en lumière, l'exemple de l'échec du modèle du « vivre ensemble »? Ce vivre ensemble dont la majorité se dit être garante ne serait-il pas accepté uniquement dans le cadre de la reconnaissance d'une ressemblance avec l'autre minoritaire? Si tel est le cas, on peut alors se demander pourquoi la critique reste-t-elle aussi féroce envers des communautés qui, dans une certaine mesure, agissent comme nous et vivent en réciprocité essentiellement avec ceux qui leur ressemblent.

Je saisis la crainte de certains citoyens face à cette altérité et je la respecte, mais les pouvoirs en place avaient, et ont la responsabilité de s'interroger sur des solutions concrètes et respectueuses de tous pour que chacun puisse y trouver son compte. Tenter de régler de telles tensions par un règlement de zonage n'est aucunement en adéquation avec la situation observée, et laisse simplement transparaître un profond désir de ne pas dialoguer et d'encourager l'exclusion.

Chacun des groupes et des habitants du quartier doivent d'avoir accès aux espaces de vie qui lui sont essentiels, et les prises de décision quant à l'usage devraient se faire dans la négociation si l'on ne souhaite pas voir des tensions s'exacerber. Pour conclure, j'aimerai ici vous rassurer, cher citoyen outremontais, nous sommes encore loin de la disparition de vos épiceries et de vos restaurants, et rien ne vous empêchera d'aller prendre votre latte au café du coin, ni demain ni après-demain...

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