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À chacun ses combats mon cher Léo

Cher Léo,On conviendra que la politique est un sport extrême, n'est-ce pas ? Mais vous semblez bien aimer votre rôle de député. Vous l'exercez d'une manière sérieuse et professionnelle. Merci donc pour votre dévouement et encore une fois bravo pour votre travail. J'ai pu constater cette semaine que vous aviez lancé via le web une consultation citoyenne concernant des enjeux comme le rapatriement du registre des armes d'épaule et la possibilité d'une taxe spéciale sur la malbouffe, pour ne nommer que ceux-ci.
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CP

Cher Léo,

On conviendra que la politique est un sport extrême, n'est-ce pas ? Mais vous semblez bien aimer votre rôle de député. Vous l'exercez d'une manière sérieuse et professionnelle. Merci donc pour votre dévouement et encore une fois bravo pour votre travail. J'ai pu constater cette semaine que vous aviez lancé via le web une consultation citoyenne concernant des enjeux comme le rapatriement du registre des armes d'épaule et la possibilité d'une taxe spéciale sur la malbouffe, pour ne nommer que ceux-ci. Ce sont des causes importantes dans une société voulant protéger la santé et la sécurité des citoyens. Après tout, peut-on espérer plus pour les québécois qu'une bonne forme physique, une société où la sécurité n'est pas compromise par les armes.

À votre âge, au début des années 1990, un autre enjeu m'interpellait beaucoup plus que la malbouffe ou le registre des armes d'épaule. Cet enjeu s'appelait la «liberté politique». Il faut dire que les dirigeants de l'époque étaient bien différents et plus électrisants que les élus d'aujourd'hui. Jacques Parizeau, alors premier ministre, était un pédagogue hors pair. Il était engagé dans un discours explicite sur la souveraineté, un discours teinté à la fois d'intelligence et de discernement. Il s'adressait à toutes les tranches d'âge particulièrement à nous les jeunes. Nous étions séduits par ses idées. Mais votre parti a bien changé au fil des ans et j'aimerais vous expliquez les raisons pour lesquelles le Parti québécois ne collaborera pas avec mon parti, celui qui prône véritablement l'indépendance : Option nationale.

Dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir en date du 5 juin 2012, Pierre Curzi proposait un front uni entre Option nationale (ON), Québec Solidaire (QS) et le Parti Québécois (PQ), afin de déloger le pire gouvernement de l'histoire du Québec, celui de Jean Charest. Pour des raisons encore obscures, ce front uni n'a jamais eu lieu et ne fait même pas l'objet de débats sérieux entre les dirigeants des trois principales formations souverainistes en vue des prochaines élections. Or, il ne faut pas s'étonner de cet échec, compte tenu qu'Option nationale est la seule formation politique ouverte aux alliances en vue d'accéder à notre pleine souveraineté. La bonne foi de Jean-Martin Aussant se lisait dans l'un de ses statuts Facebook :

En ce qui a trait à une potentielle union des souverainistes, les statuts d'Option nationale sont clairs. Nous sommes de bonne foi et ouverts à discuter avec tous ceux qui veulent parler clairement d'indépendance. Avant, pendant et après les élections. Ils savent où nous joindre.

Plusieurs, vous incluant peut-être, croient que l'absence de dialogue est inquiétante pour l'avenir du Québec. Mais le Parti québécois porte en lui deux handicaps très sérieux empêchant toute forme de collaboration.

Le premier de ces handicaps est l'incapacité de renouer avec un discours honnête et limpide sur la souveraineté, le rendant ainsi incompatible avec Option nationale. Le PQ trouve Option nationale trop pressé pour accéder à l'indépendance. En observant ce raccourci intellectuel plutôt régressif, il est amusant de s'imaginer les réactions bouillonnantes qu'auraient eu certains grands noms du mouvement souverainiste comme Pierre Bourgault ou Pierre Falardeau. Or, si le tsunami de novembre 1976 est devenu une vaguelette, c'est que l'espace pour les élus péquistes voulant véhiculer un discours clair sur l'indépendance s'est amoindri au sein même de leur parti. La place que l'on vous donne au PQ, celle de parler de malbouffe, devrait plutôt viser à convaincre les jeunes de votre génération des bienfaits de la liberté politique. Malheureusement, vous participez peut-être à votre insu à la dérive identitaire de votre parti. Tandis que certains anciens élus péquistes comme Jean-Martin Aussant, Lisette Lapointe, Pierre Curzi et Louise Beaudoin quittaient ce parti en juin 2011 pour promouvoir la souveraineté autrement, d'autres décidaient de rester au Parti québécois pour tenter de modifier sa trajectoire. Nous constatons chaque jour l'échec de votre équipe et leur discours souverainiste totalement noyé dans l'ambiguïté. En somme, les Parizeau, Lévesque et Laurin, dans la fleur de l'âge, se sentiraient à l'étroit au PQ en raison de leur clarté envers l'option souverainiste.

Le deuxième handicap nous renvoie à l'individualisme du Parti québécois. Telle une monarchie (du grec mono « seul », arke « pouvoir » : « pouvoir d'un seul »), le Parti québécois agit seul dans une vague d'individualisme tout en étant obsédé par le pouvoir au détriment du projet d'indépendance. À titre d'exemple, ce parti oublie depuis trop longtemps que le pays se construira à l'aide de tous les militants de tous les partis. Curieusement, le PQ a déjà démontré des réflexes de collaboration, souvenons-nous de la fusion entre le PQ, le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) et le Ralliement national (RN). En effet, le PQ collaborait il y a une quarantaine d'années avec le RN de Gilles Grégoire pour ensuite fusionner avec le RIN dirigé par Pierre Bourgault. Mais c'était il y a quarante ans. Aujourd'hui, l'article 1 du Parti québécois fait état de gouvernance qui, notons-le, domine largement le discours au quotidien. Par conséquent, il sera impossible pour le Parti québécois de rallier et de cimenter l'ensemble des souverainistes autour du flou artistique que constitue la gouvernance souverainiste.

C'est peut-être pour tous ces éléments que les hautes instances du Parti québécois préfèrent vous voir combattre la malbouffe et non l'asservissement du Québec. Martin Luther King ne disait-il pas que « la liberté n'est jamais donnée par l'oppresseur, mais qu'elle doit plutôt être exigée par l'opprimé ».

À chacun ses combats mon cher Léo.

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