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Garder les yeux ouverts sur le drame des réfugiés syriens

Les réfugiés représentent 20% de la population libanaise, c'est presque comme si le Canada devait accueillir les habitants d'une nouvelle province québécoise, avec tout ce que cela engendrait en termes d'aménagements, de services et de choc culturel.
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Ce monde semble avoir ouvert les yeux sur le drame des réfugiés syriens le jour où le petit Alan a fermé les siens pour toujours sur une plage européenne.

Ce jour où la misère de millions d'individus a cessé d'être une histoire que l'on écoute à l'abri de nos écrans de télévision et autres tablettes numériques pour devenir une histoire que l'on ressent dans sa chair, imaginant si l'inconcevable frappait nos enfants, nos frères ou nos amis pour les laisser morts sur la route de l'exil.

Pourtant, le drame des réfugiés syriens n'est pas nouveau. Handicap International et toutes les ONG actives au cœur de la région tirent la sonnette d'alarme depuis le début du conflit. Les pays voisins - le Liban, la Jordanie, la Turquie - ont toujours accueilli les réfugiés d'une main tout en en réclamant, de l'autre, plus d'accompagnement pour absorber ces nouveaux arrivants et plus d'action internationale pour faire cesser le flot grandissant de réfugiés.

Ce qui devait arriver arriva. Leurs frontières se sont durcies et la cohabitation entre population hôte et population réfugiée s'est tendue, comme un mariage trop forcé qui n'a pas de bases solides. Alors l'Europe et l'Amérique du Nord sont devenues les nouvelles terres d'asile, terres de survie pour ceux dont les maisons et les écoles ont été bombardées et pour qui l'exil offre une lueur d'espoir à travers les sirènes et autres bruits d'artillerie.

On pense bien sûr aux personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite comme les personnes âgées, les femmes enceintes ou les personnes blessées. On pense aussi à ceux atteints de maladies chroniques et qui nécessitent des traitements médicaux réguliers. On pense à ceux qui souffrent d'une déficience intellectuelle que leurs proches n'arrivent plus à accompagner correctement. On pense enfin à tous ceux que le stress du conflit et de la fuite aura marqués à tout jamais et qui nécessiteront, tôt ou tard, des accompagnements de santé mentale.

Toutefois il est important, dans la valse actuelle de chiffres, de remettre les choses en perspective. 4 millions de Syriens ont fui la Syrie depuis le début du conflit et 3.8 millions d'entre eux vivent toujours dans les camps et communautés de réfugiés dans les pays voisins. Les personnes à mobilité réduite et les plus vulnérables ne sont pas celles qui tentent l'aventure sur les routes de l'exil, tout simplement parce qu'elles n'en ont pas les capacités. Les réfugiés savent bien ce qui les attend dans l'exil et plusieurs font certainement le choix d'envoyer un membre de leur famille sur les routes dans l'espoir qu'ils réussiront à s'installer dans un pays sûr et enclencheront, ensuite, une procédure de rapprochement familial.

En attendant, selon une étude menée par Handicap International et HelpAge International, 30% des réfugiés syriens présents en Jordanie et au Liban ont des besoins spécifiques : un sur cinq est en situation de handicap physique, sensoriel ou intellectuel ; un sur sept souffre de maladie chronique ; et un sur vingt souffre de blessures. Alors s'il faut se soucier bien évidemment des drames que vivent ceux qui prennent la route, il ne faut pas oublier l'immense majorité qui survit dans des conditions précaires.

Tenter de répondre au drame des migrants n'est certes pas aisé, pour aucun État, et cela doit passer par trois chemins.

Premièrement, faire cesser les combats et stabiliser la Syrie, et plus largement la région tout entière, afin de permettre l'arrêt de l'exode, le retour des populations et la reconstruction. Le respect du Droit Humanitaire International doit être défendu fermement et via une démarche commune et coordonnée de la communauté des Nations.

Ensuite, il faut accompagner davantage les actions humanitaires dans les pays voisins, premiers accueillants, pour leur permettre de supporter l'afflux de population sans déstabiliser leur propre paysage social et sanitaire. Les réfugiés représentent 20% de la population libanaise, c'est presque comme si le Canada devait accueillir les habitants d'une nouvelle province québécoise, avec tout ce que cela engendrait en termes d'aménagements, de services et de choc culturel.

Et puis enfin, troisième levier, il faut favoriser l'accueil, temporaire ou permanent, des migrants pour qui la terre d'origine n'est définitivement plus leur pays, cet endroit où ils ont sûrement laissé derrière eux des frères, des parents, des amis, et que seul le courage de vivre leur aura permis d'abandonner.

Concrètement, au niveau des acteurs humanitaires, l'attention reste portée majoritairement sur les pays voisins de la Syrie, en parallèle d'appeler les États, d'Europe et d'ailleurs, à favoriser l'accueil ou le transit des migrants.

Dans les camps et les communautés de réfugiés, Handicap International et ses partenaires continuent d'offrir des services de réadaptation, d'identification et d'inclusion des personnes handicapées et vulnérables. Il faut aussi accélérer le renforcement des compétences des structures existantes afin de pallier à la baisse des financements qui, tôt ou tard, obligeront les humanitaires à réduire leur intervention, voire à se retirer.

Enfin il faut préparer le retour, même si cela peut sembler illusoire à l'heure actuelle.

Dans le cas de la Syrie, cela passe par des activités d'éducation aux risques des engins explosifs, car c'est ce que beaucoup de Syriens trouveront dans leurs rues, leurs jardins et leurs champs, comme c'est le cas à Kobané avec une pollution d'une ampleur rarement constatée jusqu'à présent...

Kobané, c'est justement l'endroit que fuyait la famille du petit Alan.

Alors bien sûr, ni Handicap International, ni les acteurs humanitaires, n'auront la prétention d'avoir la réponse idéale au drame des migrants, ni même les solutions toutes faites pour sortir d'une crise qui s'enlise et se complexifie depuis 2011.

Mais malgré tout, et parce qu'Alan a fermé ses yeux sur cette plage européenne, le moins que l'on puisse faire, chacun à notre niveau, c'est de garder les nôtres grands ouverts.

Retrouvez cette chronique à la radio sur Canal M

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