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C'était le 24 au soir. L'idée m'était venue d'aller assister à la messe de minuit. Non pas spécialement par conviction religieuse, mais pour l'Histoire. Pour renouer un bref instant avec cette atmosphère d'antan. Je me rendis donc à l'église Saint-Michel de Sillery, à Québec.
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C'était le 24 au soir. L'idée m'était venue d'aller assister à la messe de minuit. Non pas spécialement par conviction religieuse, mais pour l'Histoire. Pour renouer un bref instant avec cette atmosphère d'antan. Je me rendis donc à l'église Saint-Michel de Sillery, à Québec. Là où a été joué pour la première fois au Canada français le célèbre Minuit, chrétiens. C'était en 1858.

Les donneurs de leçons ont encore frappé

Si la musique était excellente, que la chorale et l'orgue meublaient harmonieusement l'espace sonore d'un lieu charmant, j'ai trouvé un curé sans éclat dont le ton rappelait un peu trop celui des donneurs de leçons des siècles passés. Un curé qui manifestement, ne comprenait pas son époque. Nous avions affaire à un homme dont la réforme de l'Église n'était certainement pas une priorité.

J'ai rapidement compris pourquoi autant de chrétiens se convertissaient massivement au protestantisme en Amérique latine et en Afrique subsaharienne. Le clergé est frappé de désuétude : il ne colle plus à la réalité. Certains parlent encore du Vatican II, d'autres de l'arrivée du pape François comme s'il s'agissait d'événements révolutionnaires. Mais nous pourrons vraiment parler de révolution lorsque des femmes seront nommées archevêques.

C'est alors que peu après la lecture des premiers versets bibliques, d'un élan providentiel le prêtre s'est mis à sermonner l'assemblée sur « le danger de la laïcité ». Au lieu de profiter de cette célébration pour nous parler de justice universelle, on menaçait le peuple de « perdre son âme ». On accusait tacitement le gouvernement du Québec d'avoir pactisé avec le diable. C'est alors que j'ai compris que c'était la dernière messe de ma vie.

Certains diront qu'il fallait s'y attendre, mais je n'en suis pas certain. Car non seulement l'Église catholique s'avère incapable de renouveler son discours à l'échelle mondiale -- et ce n'est pas une grande nouvelle --, mais elle ne semble pas comprendre que la laïcité est probablement la planche de salut de la culture chrétienne qui prévalait encore en Occident jusqu'à récemment.

Comment se tirer une balle dans le pied

Dans son ensemble, le catholicisme québécois préfère donc faire front commun avec les gens autoproclamés « inclusifs » qui aspirent à recréer à l'échelle de notre seul État toute la diversité culturelle mondiale. On s'en souvient, Mgr Lépine, le nouvel archevêque de Montréal, a réitéré plusieurs fois sa position sur le sujet : il serait « nécessaire » pour le Québec de se doter d'une politique de laïcité « ouverte », c'est-à-dire une fausse laïcité d'inspiration « interculturaliste ».

Le Québec devrait ainsi permettre aux nouvelles communautés religieuses de reconvertir les églises en mosquées, en ashrams et en temples zen. Le Québec devrait permettre à tous les croyants d'exercer leurs libertés religieuses, même quand celles-ci entrent en profonde contradiction avec les valeurs humanistes de notre société.

Je viens de l'écrire : à l'ère du multiculturalisme, la laïcité représente paradoxalement le garant de la culture chrétienne au Québec. À l'ère du réenchantement du monde et du tribalisme moderne, elle seule dispose de la force nécessaire à la perpétuation de la dynamique chrétienne québécoise. Une dynamique qui, avec le temps, s'est pourtant laïcisée. L'État-providence est une recomposition étatique d'une structure centralisatrice catholique et le rapport à l'argent des Québécois est fortement conditionné par le catholicisme. Même la consommation d'alcool et de porc est, dans une certaine mesure, un phénomène chrétien.

Saint-Augustin écrivait que la raison conduisait à l'unité. Peut-être est-ce là une leçon que devraient tirer les partisans d'un multiculturalisme qui s'apparente bien plus à un polythéisme social qu'à une quelconque idée rassembleuse. Le multiculturalisme, même encouragé la veille de Noël, est une idée païenne : à chacun son culte idolâtre, son veau d'or. À chacun son culte local et son petit réconfort. Nous sommes bien loin des propositions du Deutéronome.

La seule chose qui reste de l'Église chez les apôtres de la diversité religieuse, c'est la soumission à un dogme. C'est la laïcité qui conduit à l'unité, c'est un mouvement de convergence. C'est une idée universelle, aussi universelle que l'aura été le message du Christ dès les premiers instants de sa prédication révolutionnaire. Amen ?

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