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La question qui tue: faut-il assister à l'accouchement?

"Dans la salle de travail, il n'y a qu'une seule personne en plus de la maman!". En l'occurence... le père : la réponse était évidente. Si évidente que ça?
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Nous avions rendez-vous à 18h à la maternité pour une visite des locaux. Fatalement, à moins d'un mois de l'accouchement, il fallait se préparer au "jour J"; et enfin oser poser toutes les questions, même les plus taboues. Une dizaine de couples étaient présents. Avant d'entrer, la sage-femme nous obligea à enfiler des chaussons blanc en papier du plus bel effet. J'en pris une poignée et en tendit une paire à la future maman. Il m'en restait encore trois ou quatre que j'enfournais dans ma poche, au cas où. Il ne manquait plus que les charlottes sur la tête.

"Nous sommes ici dans la salle d'accouchement", annonça fièrement la dame en blouse bleue, une fois que notre groupe eut passé le seuil de cette pièce aux murs complètement nus. Devant nous, il n'y avait rien, sinon une sorte de lit qui trônait au milieu, connecté à une vingtaine de fils branchés à un écran électronique où défilaient des graphiques incompréhensibles. J'apprendrais par la suite que c'est ce qu'on appelle "la table de travail". OK. La sage-femme commence son exposé sous le regard ahuri des futurs parents qui sont à nos côtés. Tout ça paraît loin, presque fictif, imaginaire. Et nous sommes là avec nos chaussons en papier sur les pieds: si ça continue, ça va devenir absurde.

Un homme d'une trentaine d'années, jean serré et petite barbe blonde, brisa la glace : "Et donc on peut emmener qui on veut ici? Ma mère par exemple?", lance-t-il à l'assemblée. Éclat de rire général. Assise près de lui, on voit que sa femme, elle, ne rigole pas du tout. Il ne faut pas oublier que pour certains, l'accouchement sera le seul moment où le père aura plus de droits que sa belle-mère, ce qui n'est pas rien. "Ah non, ça c'est impossible, rétorque la sage-femme. Dans la salle de travail, il n'y a qu'une seule personne en plus de la maman!". En l'occurence... le père : la réponse était évidente. Si évidente que ça?

Pourtant en écoutant et en lisant les témoignages de plusieurs mères, je me suis rendu compte que la présence du père à l'accouchement n'avait rien d'évident. Autrefois, elle était même franchement interdite. Certains disent même qu'elle est "contre-nature"... La sage-femme continua son récit: "Les familles ne rentrent pas, sinon c'est le défilé. Vous voyez ces carreaux sur les murs?". Elle montre des sortes de fenêtres tout en haut qui permettent, si on parvient à les atteindre, à voir ce qui se passe dans la salle d'accouchement. "Eh bah on a déjà vu des belle-mères qui sautaient pour passer la tête! On les avait installé pour faire rentrer la lumière. Si on avait su on aurait pris des vitres teintées...". Autre éclat de rire. Qui cache mal une certaine gêne...

Accoucher à deux, vraiment?

Bon, arrêtons les blagues: c'est le moment de s'accorder sur les termes. Il faut séparer ce qu'on appelle "le travail" de "l'accouchement" à proprement parler. Si la première partie peut durer douze heures, le second peut se faire en 30 minutes. Et c'est surtout la deuxième partie qui traumatise certains pères. D'où la tentation de ne pas être toujours là pendant "l'acte" où le bébé va sortir. Pourquoi? Car c'est à cet instant que le bébé "passe", donc que le corps est prêt à le laisser sortir. C'est aussi à cet instant qu'il y a la délivrance du placenta et tout le sang qui l'accompagne. Je sais bien, la sage-femme a dit: "Ne vous inquiétez pas, il y a un drap, vous ne voyez rien du tout". Mais, pas de mensonge, même si le père se tient près de la tête de sa compagne, l'expulsion a bien lieu à un mètre de lui. Drap ou pas drap, on y est. Moi qui manque de m'évanouir à la moindre prise de sang, comment vais-je réagir? Serais-je véritablement en mesure d'apporter une aide, un réconfort à ma compagne? Ne pas être là pour les premières minutes de vie aérienne de mon bébé fera-t-il vraiment de moi un père absent?

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Le rôle du père? Coach personnel de la mère...(Crédit photo : CC/Wikimedia/www.localfitness.com.au)

Derrière ces questions se niche une vraie réflexion sur la place du père. Pendant l'accouchement, le rôle de la mère est assez clair: elle fait le boulot. Et le père pendant ce temps-là? Ce jour-là, la sage-femme a été formelle: on a tous les droits. Le père peut TOUT faire. Se ballader dans les couloirs, chanter, regarder des séries... C'est à peine si on a pas le droit de danser nu devant les infirmières. J'imagine que toutes ces précautions sont aussi là pour rassurer les futurs pères. Car en réalité le véritable travail du père à ce moment-là c'est plutôt : être le coach personnel de la maman! À part ça, je ne vois pas trop à quoi il sert.

L'accouchement n'est plus seulement une histoire de femmes. Les pères ont désormais toute leur place, s'ils le souhaitent. Pendant les fameux cours de préparation à l'accouchement, on nous apprend des "positions" à faire à deux pour soulager les maux de la maman, des techniques de massage, des exercices sur ballon ou encore des discours rassurants. Malgré cela, il faut quand même le reconnaître : on n'accouche pas "à deux", comme certains voudraient bien nous le faire croire. Je vois presque une forme de provocation dans cette affirmation : enceinte pendant neuf mois, puis accouchement, puis allaitement selon la volonté de chacun, pendant que je me suis contenté de lire des bouquins, d'acheter des tapis et d'écrire un blogue. Franchement, les hommes et les femmes ne sont pas encore égaux devant la naissance. Mais la modernité, c'est maintenant d'avoir le choix d'assister ou non à l'accouchement, d'avoir la place qu'on souhaite. Et peut être de savoir si la maman, elle, veut véritablement que le père soit là.

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