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J'ai fait l'erreur de regarder des dessins animés avec ma fille

En résumé, j'étais un irresponsable. Des dessins animés, si jeune!
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J'ai eu le malheur de raconter comment je me suis occupé seul de ma fille après que sa nounou est tombée malade. Peut-être n'ai-je pas été assez clair. J'en profite pour le dire ici. J'ai passé une semaine entière avec ma fille. Des vacances forcées pour moi. Et une semaine normale pour elle. J'y racontais, non sans provocation, que j'avais regardé quelques dessins animés avec elle. Des dessins animés! Le drame. J'essayais, sans prétention, d'analyser le message de ces dessins animés. Comprendre pourquoi certains étaient si nuls. Enfin, rien de bien grave, dans ma tête de jeune père bordélique, puéril et imparfait.

J'ai alors vécu le pire interrogatoire de police de toute ma vie. La garde à vue de la parentalité, menée par les gardiens du Temple de la normalité et de la bienséance. En résumé, j'étais un irresponsable. Des dessins animés, si jeune! Chacun y est allé de son commentaire, de sa remarque, de sa petite pression. Comme si je m'occupais mal de ma fille, puisque j'osais la délaisser pour qu'elle s'abrutisse devant des mangas. Comme si je l'avais collée toute la journée devant un écran! Mais je le répète, peut-être est-ce ma faute: je n'ai pas été assez clair. J'aurais dû savoir que les réactions allaient s'enchaîner pour me blâmer. J'aurais dû préciser.

Je sais que je vais aggraver mon cas, mais tant pis. Les vrais parents comprendront.

Reconstituons l'interrogatoire de police subi dans les commentaires pour se faire une idée plus précise du délit:

-- Bonjour Monsieur, vous savez que c'est très mal ce que vous avez fait?, commence l'agent, par ailleurs mère de famille de trois enfants, qui envoie ses enfants chez sa belle-mère à chaque vacance mais croit bon de me juger pour quelques images sur un écran (c'est la même qui m'a agoni d'injures lorsque j'ai dit qu'avoir des enfants, ça coûtait cher).

-- C'est-à-dire?

-- Pouvez-vous préciser les circonstances de votre acte? Combien de fois avez-vous collé votre fille devant un écran pour qu'elle regarde des dessins animés? C'était pour vous débarrasser d'elle, c'est ça? Allez, crachez le morceau...

-- Euh, non, pas du tout. Même si ça ne me paraît pas une mauvaise idée dans le fond... Enfin, je lui montrais un ou deux dessins animés par jour. Parfois juste le générique, d'ailleurs, car elle a environ un an et un mois. Elle n'est pas très patiente.

-- C'est tout?

-- Oui, enfin, pour être honnête, on regardait surtout les dessins animés le soir, pendant le dîner. Ça la calme de sa journée. Je l'installe à la table, sur mes genoux, et on regarde juste un petit épisode de Didou ou de Tchoupi, sur l'Ipad. Et puis ensuite on va lire une histoire quand elle a terminé, dis-je, tout simplement, pour calmer le jeu. Je sens que l'agent est en train de basculer. Qu'elle doute.

-- Et la journée? Combien de fois?, poursuit-elle.

-- Combien de fois quoi?

-- Combien de fois vous vous débarrassez d'elle comme ça? Combien d'heures visionne-t-elle ces cochonneries? Des mangas japonais en plus j'imagine, des images de synthèse avec des bonhommes qui ont des yeux qui partent dans tous les sens, ça va, on connaît...

-- Mais ça ne se compte pas en heures! Je sais pas, je dirais dix minutes, à peine. Mais je répète, c'est surtout le dîner. Ensuite on part faire autre chose. Et la journée, on fait des milliers de choses. On est dehors.

-- Ah bon, seulement dix minutes? En fait, ça n'est pas très grave cette histoire...

-- C'est ce que j'essaie de vous dire. Il faut relativiser. Je dis pas que je lui jette l'Ipad pendant que je vais boire des coups dehors. Et encore, ça peut soulager parfois.

-- Vous savez qu'il y a beaucoup d'autres choses à faire, quand même, continue l'inspecteur. Des gommettes par exemple. Des puzzles. Vous avez essayé la philatélie?

-- Je vais me renseigner, je vous promets. Merci Madame l'inspecteur. Alors ça va, je suis un bon père quand même?

-- Ne faites pas trop le malin quand même...

Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti cette honte qui étreint les parents pointés du doigt lorsqu'ils agissent différemment des autres. J'avais seulement regardé dix minutes de dessins animés pour le dîner. Et j'étais le Sheitan de la paternité. Comme si ces dix minutes m'empêchaient de lui lire des histoires, de se promener toute une après-midi au parc, de découvrir tous ses nouveaux jouets, de l'endormir dans mes bras, d'écouter avec elle de la musique...

Quand j'ai remis ma fille à ma nounou le lundi matin, elle n'avait pas l'air traumatisée. Au contraire, beaucoup m'ont dit: «Elle a fait des progrès incroyables cette semaine avec toi !» Et c'est vrai, j'avais l'impression qu'en quelques jours, elle marchait mieux, elle parlait plus distinctement. Je mettais ça sur le compte de mon immense admiration pour elle.

Si j'ai appris quelque chose ces derniers mois, c'est que l'imagination des agents de police de la parentalité est sans limite. Vous m'avez fait bien rire en tout cas.

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