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Malgré l'ouverture au tourisme, le peuple iranien reste opprimé par une théocratie intraitable

L'ouverture apparente de l'Iran vers l'Occident s'accompagne d'un resserrement de l'intégrisme et de l'oppression.
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À l'occasion du Salon international du tourisme et des voyages, il serait opportun de porter une réflexion sur l'Iran. Dans le cadre de la reprise des relations d'échange avec l'Occident après la mise en œuvre de l'accord nucléaire, l'Iran, destination boudée par les voyageurs et déconseillée par les gouvernements à cause de l'instabilité géopolitique et des tensions diplomatiques ces quinze dernières années, fait aujourd'hui l'objet d'une campagne pour l'essor du tourisme, qui passe naturellement sous silence la situation politique et sociale du pays.

Alors que les brochures vantent les richesses culturelles d'une civilisation millénaire, la population qui constitue cette civilisation est malmenée, condamnée depuis plus de trente ans à la répression et à la pauvreté tandis que les mollahs au pouvoir et leurs sbires s'accaparent les richesses... et exhibent l'opulence de leur mode de vie. Derrière les monuments historiques, les merveilles archéologiques et les circuits tout tracés, c'est une crise profonde que le régime voudrait éclipser aux yeux des touristes, qui vont devoir faire un effort particulier pour que leur voyage ne soit pas pour le régime iranien un encouragement de plus à continuer éhontément sa politique intégriste, corrompue, et ses violations constantes des droits de l'homme.

Le régime iranien ne s'embarrasse pas d'un paradoxe et l'ouverture apparente de l'Iran vers l'Occident s'accompagne d'un resserrement de l'intégrisme et de l'oppression, sur fond d'instabilité nationale et régionale.

Tandis qu'au sein du pouvoir, différentes factions s'affrontent, le régime dans sa globalité est enlisé dans le conflit régional et notamment en Syrie, où dans son soutien sans faille au dictateur Bachar al-Assad, il ne cesse d'envoyer des troupes combattre contre le peuple syrien, dilapidant ainsi l'argent des avoirs dégelés par l'accord nucléaire.

Le régime redoute l'influence des échanges avec l'Occident.

Parallèlement, à l'intérieur du pays, alors que le ministre de l'Économie, Ali Tyeb-Nia, a annoncé que les banques étaient en faillite, le vice-ministre de l'Intérieur en Iran pour les affaires sociales, Morteza Mirbagheri, a reconnu combien désastreuse était la situation économique et sociale, évoquant notamment les graves problèmes de drogue, d'exclusion et de chômage (15 millions de personnes vivent dans une situation de grande misère, et les subventions publiques sont réduites à peau de chagrin). Et c'est au milieu d'une situation de grande misère et d'exclusion que le régime soi-disant «modéré» a déployé quelque 7000 «officiers de police des mœurs» - en civil, évidemment - pour réprimer les femmes qui porteraient mal le voile.

Enfin, dans un environnement de travail de plus en plus délétère - où les journées de travail s'élèvent parfois à 18 heures, où les enfants travaillent et même les cadres doivent cumuler les emplois pour survivre dignement -, les salariés activistes sont réprimés, sans que les mouvements sociaux de protestation ne cessent de se multiplier.

La répression est l'outil essentiel employé par les mollahs pour faire taire la grogne sociale, et ces derniers n'hésitent pas à exécuter à la chaîne des prisonniers politiques pour montrer l'exemple au reste de la population. Plus de 80 exécutions au mois d'août. Les responsables de cette tuerie sont les mêmes qui en 1988 ont massacré plus de 30 000 prisonniers politiques en trois mois en toute impunité. Dans ces conditions, quand l'Occident est en visite en Iran, il s'agit de faire bonne figure.

Ainsi, lorsque Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne, s'est rendue en Iran, plus de 10 personnes ont été exécutées dans son sillage. Lors d'une visite d'une délégation d'entreprises françaises, quatre prisonniers ont été exécutés dans la prison d'Ispahan; ce ne sont que les derniers exemples en date.

Ainsi, si les touristes ne sont pas désabusés par la situation catastrophique des droits de l'Homme en Iran, ils peuvent toujours aller à la rencontre de la population et prêter attention à la révolte populaire prête à sourdre. Le tourisme en Iran, tel qu'il est prévu par le régime théocratique, est quant à lui une façade. Dans le film No Land's Song d'Ayat Najafi, l'on voit combien le régime redoute l'influence des échanges avec l'Occident, notamment dans le domaine de l'art, qui fait l'objet d'une haute surveillance.

Des artistes, des chanteuses ayant pour projet de se produire en Iran se voient contraintes de demander un visa de tourisme plutôt qu'un visa de travail: il est impossible, sous peine de se voir refuser un visa ou d'être arrêté, de se montrer intéressé par autre chose que par la vitrine que le régime a aménagée, impossible d'avouer que l'on cherche à entendre le discours de la société et que l'on veut, dans un geste de fraternité entre les peuples, y adjoindre sa voix.

Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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