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Ce que Mad Max nous dit de l'avenir de la politique

Dans, la bataille entre les forces de Joe et et celles de Max et Furiosa est un affrontement entre deux principes politiques.
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Mad Max: Fury Road est un grand film politique. George Miller, réalisateur du film et des trois épisodes précédents de cette série, propose ici une véritable «expérience de pensée» de ce que pourrait être le monde dans quelques années.

Ce «nouveau monde» est défini par la profonde dégradation des conditions de vie de l'humanité, entraînée par la conjugaison des crises du pétrole, de l'eau et du changement climatique. Ces crises se sont combinées aux effets des guerres atroces menées avec des armes chimiques et nucléaires, qu'elles ont accompagnées dans le contexte de vastes effondrements écosystémiques.

En d'autres termes, c'est le monde dit de «l'anthropocène», de l'ère biogéochimique contemporaine, où l'humanité est devenue la principale force déterminant l'évolution du système-Terre. Paradoxalement, cette anthropisation massive de la planète en transforme les conditions de vie en les rendant hostiles à la vie humaine.

Le film commence près d'une génération après l'effondrement global, et le spectateur découvre l'état du monde et de la société au travers de la capture et de la détention de Max par les guerriers d'une cité-État installée dans le désert.

Cette cité est organisée autour de la figure d'Immortan Joe, autocrate tyrannique, survivant, comme en témoignent ses blessures, d'une frappe nucléaire. Il règne sur une communauté organisée en castes, dont les guerriers, les mécaniciens, et une masse de pauvres. Ces derniers sont soumis à Joe car il contrôle leur alimentation en eau.

L'extrême fragilité de cette communauté vient de ce qu'elle ne peut extraire que très peu de ressources d'un environnement tellement dévasté qu'il n'est plus qu'un désert. L'environnement planétaire est ainsi devenu une menace, plus qu'un support à la vie humaine.

Une agriculture de subsistance est développée et est très protégée en étant installée sur des positions hautes, aisément défendables. Sur le plan technologique, la «Cité de Joe» pousse à son extrême le principe du recyclage, voire du «sur-cyclage» (upcycling) des épaves, notamment automobiles et industrielles, de «l'ancien monde», celui d'avant l'effondrement.

Par ailleurs, les êtres humains sont eux aussi transformés en ressources, en particulier sanitaires et alimentaires, par le pompage du sang des prisonniers pour assurer la santé des guerriers, par l'enfermement des mères allaitantes dans des installations en batteries afin de pomper leur lait. Celui-ci est utilisé, comme l'eau de l'aquifère sur lequel est installée la cité, comme produit pour le troc avec les cités-Etats voisines, que sont Gastown («la ville de l'essence») et Bullet Farm («le moulin à balles»).

Enfin, les capacités technologiques et industrielles sont fondées sur le recyclage systématique de toutes les épaves provenant du «monde d'avant», qui peuvent être récupérées. La «Cité de Joe» est ainsi définie par l'adaptation à la pénurie généralisée des ressources, en particulier hydriques et alimentaires, ainsi que sanitaires.

Ce régime politique de l'«autocratie de la pénurie» fonde sa légitimité non seulement sur sa capacité à assurer la survie, même dans des conditions misérables, mais aussi sur une idéologie étrange, hybride de la mythologie viking et de la réincarnation karmique. Le grand prêtre et «père de la communauté» n'est autre que Joe, censé être immortel, en particulier car il a des «enfants sains».

Cette capacité de procréation de la caste dirigeante est le moteur de la formidable «bataille mobile» dont les phases composent le déroulement du film. En effet, les «épouses» de Joe composent un harem de jeunes femmes fertiles, épargnées par les intoxications et les maladies génétiques, qui sont dédiées à l'engendrement de ses enfants.

Ces jeunes femmes s'enfuient, emmenées par la générale en chef de Joe, l'impératrice Furiosa, qui, entrant en sédition, emmène les «épouses» avec elle afin de les emporter dans son camion-forteresse vers le «pays vert» où l'eau est omniprésente ... Grâce à son alliance avec Max, Furiosa parvient à survivre aux assauts féroces de l'armée de Joe, soutenu par les forces de Gastown et de Bullet Farm, dont les autocrates ont bien compris le risque qu'il y a à voir remis en question le règne de l'un des leurs.

Aussi, l'enjeu de l'immense course-poursuite dans le désert est-il éminemment politique pour l'autocrate qui veut assurer l'immortalité de son régime en ayant des «enfants sains», la santé étant devenu une qualité tellement rare qu'elle lui permet de fonder une dynastie régnante. Cependant, les «épouses» ont décidé de se révolter et de s'enfuir, car elles refusent de continuer à être considérées comme des objets. Ainsi qu'elles le proclament: «nous ne sommes pas des choses».

En d'autres termes, la bataille entre les forces de Joe et ses alliés, et celles de Max et de Furiosa est transcendée par l'affrontement entre deux principes politiques. Le premier est celui de la «domination charismatique», qui a basculé dans la tyrannie, en particulier par le contrôle violent des ressources vitales pour la communauté, telle que définie par Max Weber, qui considère et transforme les personnes en objets.

À celui-ci s'oppose l'autre principe politique, incarné par Max et Furiosa et les épouses en fuite, qui découle de l'impératif catégorique d'Emmanuel Kant, fondateur des idéologies démocratiques depuis les Lumières, qui affirme la nécessité de traiter les humains non pas en tant que moyens, mais en tant que sujets.

La guerre étant «la continuation de la politique par d'autres moyens», Joe et son fils font la guerre à Max et Furiosa afin de résoudre cet affrontement politique fondamental, qui traverse tout le film.

Aussi, George Miller, au travers de Mad Max: Fury Road, propose-t-il une série de questionnements politiques.

Ceux-ci sont essentiels en notre époque déterminée par un risque croissant d'emballement du changement climatique, d'inégalités sociales qui se creusent vite et dangereusement, de crise de la biodiversité et d'incertitudes énergétiques.

Il met en évidence les conséquences sociales, politiques, idéologiques et éthiques de la convergence de ces crises.

Implicitement, il rappelle que d'autres options peuvent être choisies, afin que le changement dans les modes de vie et le rapport au monde ne soit pas subi mais choisi, de façon commune.

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