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Médias et désinformation: l'exemple du saumon

Il y a un an environ commençait une campagne multimédia visant à dénoncer les risques pour la santé liés à la consommation de saumon d'élevage, poisson de plus en plus apprécié par les consommateurs de toutes les classes de la population.
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Il y a un an environ commençait une campagne multimédia visant à dénoncer les risques pour la santé liés à la consommation de saumon d'élevage, poisson de plus en plus apprécié par les consommateurs de toutes les classes de la population. Une émission de la télévision publique "Envoyé Spécial" en novembre 2013 avait eu un fort impact puisque qu'il y était dit entre autre que "dans les saumons, on trouve toutes sortes de produits chimiques. C'est dégoûtant, ces trucs. Vous savez le saumon norvégien, c'est la nourriture la plus toxique du monde ».

En fait, la campagne avait débuté par un article choc sur le site Rue 89 intitulé La Norvège reconnaît que son saumon peut être dangereux pour la santé du 19 juin 2013 avait déclenché une cascade d'articles dans la presse et dans les réseaux sociaux avec des titres tels que "Faut-il chasser le saumon de nos assiettes ? Menace sur notre alimentation ? Saumons bourrés de pesticides !, Manger du saumon entraîne des risques de diminution du QI de nos enfants !, Les médecins appellent à ne pas manger de saumon d'élevage". La campagne avait culminé la veille de Noël 2013 avec un article du "Monde" intitulé « Alerte rouge sur le saumon » qui reconnaissait que « Même si l'attaque n'est pas nouvelle, le moment choisi, à quelques encablures de Noël, suscite le malaise chez les acteurs du marché et les consommateurs ».

En effet l'attaque contre le saumon d'élevage n'était pas nouvelle, on se rappelle la campagne de 2004 sur le « saumon toxique » issu des élevages européens, orchestrée par le lobby américain pour remonter la côte du saumon sauvage d'Alaska fortement dépréciée par l'immense marée noire de l'Exxon Valdez en 1989. A cette nouvelle campagne à charge, les industriels du secteur ont réagi en lançant une campagne assurant qu'il n'y avait aucun risque à la consommation de saumons d'élevage et que les bénéfices liés aux vitamines et oméga 3 l'emportent sur les risques liés aux contaminants.

D'ailleurs après son émission d'Envoyé spécial à charges lourdes contre le fameux poisson norvégien, France 2 a effectué un « rétropédalage » sur le sujet au cours d'un JT de 20h affirmant qu'en fait ce saumon apportait plus de bénéfice que de poisons. Mais comment savoir qui a raison et la demande était forte pour demander une expertise indépendante et l'établissement de mesures de protection du consommateur.

J'avais à l'époque répondu à ces articles apocalyptiques en présentant les résultats des nombreuses études publiques réalisées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (AFSSA devenue ANSES), en particulier l'étude CALIPSO 2006 et l'étude EAT2 20011 dans une rubrique de l'Huffington post. J'avais aussi détaillé toutes les mesures de gestion des risques établies au cours de la dernière décennie comme valeurs limites dans les poissons sauvages et d'élevage, obligation d'étiquetage de provenance, recommandations de consommation de poissons pour la population générale et les populations sensibles. Or aucune de ces études et mesures de gestion publiques n'ont été rapportées dans ces articles à charge. De plus les autorités sanitaires émettant des données « rassurantes » étaient accusées d'être sous l'influence des lobbies des producteurs de saumon.

Or une étude vient d'être publiée par le magasine "60 millions de consommateurs" dans son numéro 495 de Juillet-Aout 2014 sous le titre « Peut-on encore manger du poisson ». Les analyses ont porté sur 18 filets de saumon d'élevage vendus sous différentes marques en frais et en surgelés ainsi que sur 5 filets de saumon sauvage du pacifique. Les dosages ont concerné aussi bien les métaux toxiques que 192 molécules de pesticides, plusieurs familles d'antibiotiques et les PCBs. Les analyses de lipides oméga 3 et 6 ont bien sûr été effectuées. Les résultats de cette étude -qui ne peut être taxée de vendue aux lobbies- fait plus que confirmer les résultats publiés par les Agences sanitaires publiques et qui montrent l'efficacité des mesures de gestion mises en œuvre au niveau national et européen.

La réalité des analyses « indépendantes »

On voit que le saumon sauvage est très peu gras alors que le saumon d'élevage est plus riche en graisses. Ainsi le saumon d'élevage est vraiment une source d'oméga 3 alors que le saumon sauvage présente peu d'intérêt sous cet aspect.

Pour les contaminants, on note une plus faible valeur en PCBs dans le saumon du pacifique que dans le saumon d'élevage. Ceci est normal puisque le Pacifique est en moyenne plus propre que l'Atlantique ou la Méditerranée et à plus forte raison la mer Baltique dont l'exportation des poissons sauvages est interdite. Cependant on note que la teneur dans le saumon d'élevage est 20 fois inférieure aux valeurs limites européennes et que la valeur rapportée est même 3 fois inférieure à celle indiquées dans les études publiques. Ceci est donc preuve de l'efficacité des valeurs limites exigées dans les huiles de poisson servant à la fabrication des aliments pour poisson et des changements intervenus dans la composition des aliments ou les farines de poissons ont été en partie remplacées par des protéines végétales.

Pour les teneurs en métaux et en particulier le mercure, on note des valeurs très inférieures aux limites réglementaires pour les saumons d'élevage et sauvages. Pour les pesticides seules les substances persistantes utilisées dans les années soixante ont été retrouvées dans tous les échantillons mais à des niveaux très faibles, à la limite de de la valeur de quantification. Aucun des résidus d'antibiotiques recherchés n'a été retrouvé dans l'ensemble des échantillons. Seule la présence d'éthoxyquine, un conservateur d'aliments, a été noté et discutée. L'éthoxyquine est un antioxydant autorisé dans l'alimentation animale et l'exposition journalière correspondant à la valeur relevée dans l'article est de moins de 1% de la Dose Journalière Admissible. Pour ce qui concerne le Diflubenzuron, le biocide utilisé souvent pour lutter contre le pou de mer dans les élevages, une récente étude sur plus de 600 saumons d'élevage a montré une absence de présence dans la chair au-dessus de la limite de détection.

Donc dans l'ensemble saumon d'élevage de bonne qualité et riche en oméga 3. C'est ce qu'indique la conclusion de l'article « manger du saumon reste bon pour la santé ». De plus les échantillons de saumon sous le label « bio » étaient en général plus contaminés que les autres échantillons (du fait de leur alimentation plus riches en protéines de poisson), ce qui a été traduit dans l'article par le titre « la grande déception avec le saumon bio ».

Enfin l'article est résumé par le chapitre final intitulé "manger du saumon reste bon pour la santé" et confirme la pertinence des recommandations de consommation édictées par les Agences sanitaires.

Leçons à tirer

Il est intéressant de noter que ces résultats d'une étude effectuée par une revue considérée plutôt du côté des « lanceurs d'alerte » n'aient pas été repris dans les médias dans les proportions de la communication à charge. Ces médias auraient pu reconnaitre avoir soutenu une campagne de dénigrement basée sur le montage de scénarios mensongers, des affirmations de militants d'ONG présentés comme « experts » et avoir rejeté toutes les données scientifiques contredisant leur montage car « entachées de compromission avec les lobbies des producteurs et des distributeurs ». Les problèmes du chalutage, de la surpêche, de la pollution des mers et les enjeux futurs majeurs du développement de l'aquaculture avec ses avantages et ses inconvénients sont d'une grande importance et doivent donc être abordés franchement, rationnellement (scientifiquement ?), avec de vrais débats sur le futur de nos sources alimentaires. Comme pour des sujets comme les OGMs ou les ressources énergétiques, le vrai débat est en permanence pollué par des intérêts de petits groupes de pression ayant des relais médiatiques disproportionnés.

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