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«Un peu, beaucoup, aveuglément»: à la folie!

Comédie très classique dans sa structure,nous arrive avec un vent de fraîcheur et mieux encore, s'avère conséquente avec une prémisse aussi folle que risquée. Et c'est sans compter le phénomène de société qu'elle incarne.
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Un peu, beaucoup, aveuglément est un nouveau film de Clovis Cornillac qui est sorti en salles en France en mai 2015 pour finalement arriver sur nos écrans au Québec plus d'un an plus tard; à la mi-septembre. Justement, le réalisateur incarne l'un des personnages principaux surnommés « Machin », lequel vit reclus dans son appartement et dont le silence est le meilleur ami. Malheureusement pour lui, sa nouvelle voisine, « Machine » (Mélanie Bernier), est une jeune pianiste qui doit pratiquer intensément en vue de prochains concours. Après quelques frictions, ils tombent littéralement amoureux et cherchent à garder ce sentiment intact en décidant de ne pas se voir... : seulement se parler et s'écouter à travers leur mur commun. Reste à savoir si sur le long terme, cette expérience est viable.

D'abord et avant tout, une comédie très classique dans sa structure, Un peu, beaucoup, aveuglément nous arrive néanmoins avec un vent de fraîcheur et mieux encore, s'avère conséquente avec une prémisse aussi folle que risquée. Et c'est sans compter le phénomène de société qu'elle incarne.

Une ambition atteinte

Si depuis la mort de sa femme il y a près de 7 ans Machin peut se permettre de rester cloitré dans un appartement spacieux, c'est en partie parce qu'il touche des redevances des casse-têtes qu'il a créés par le passé. Seulement, son meilleur ami Artus (Philippe Duquesne) lui fait comprendre que la compétition est rude sur le marché et qu'il doit vite se remettre au travail... dans le silence le plus complet. De son côté, Machine vient tout juste de se séparer de son petit ami et mentor Evguenie (Grégoire Oestermann) qui l'entretenait et minait surtout sa confiance en elle si bien qu'aménagée enfin seule dans son nouveau studio elle peut pratiquer comme bon lui semble.

Après une première guerre des sons où chacun cherche à faire craquer l'autre, ils finissent par s'entendre sur des horaires et surtout, mieux se connaître. Et c'est sûrement dû au fait qu'ils n'aient pas à se regarder dans les yeux, mais une confiance « aveugle » s'installe entre les deux. Situation saugrenue, certes, mais qui étonnamment fonctionne, jusqu'à ce qu'un jour, Charlotte (Lilou Fogli), la sœur aînée de Machine se rende en cachette dans son appartement pour une de ses énièmes aventures extraconjugales, faisant douter Machin de l'autre côté. Ce quiproquo met finalement en lumière les défauts de leur relation, à la veille d'une importante audition de Machine...

Peu prise en estime, la comédie romantique est en partie regardée de haut pour sa structure très simple et prévisible avec deux protagonistes (hétérosexuels bien entendu) qui n'ont rien en commun, commencent par se détester, s'apprivoiser pour finalement tomber amoureux l'un de l'autre. Pour secouer un peu ce joug, certaines productions y vont de scénarios pour le moins incongrus, croyant par-là innover comme c'était le cas notamment avec Main dans la Main (2012) de Valérie Donzelli dans laquelle les deux protagonistes sont ensorcelés et condamnés à effectuer les mêmes gestes, comme un effet de miroir. Or, cette prémisse s'essoufflait en cours de route, tout comme l'intérêt du spectateur pour l'œuvre.

Dans Un peu, beaucoup, aveuglément , on lève les yeux dès qu'on voit Machine, interprétée par la très jolie Mélanie Bernier qui ici porte de ridicules lunettes, des vêtements de bonne sœur en plus d'un chignon serré pour coiffure. Par contre, Cornillac au lieu d'exploiter ce genre de codes s'en moque, ce qui donne une scène très drôle entre les deux lors d'une pratique où soudainement elle devient très belle.

Au départ aussi il nous est peu crédible que Machin et Machine n'essaient pas de se rencontrer, mais petit à petit, on finit par tomber dans le panneau nous aussi et à s'émouvoir de leur complicité toute simple qui finit par nous donner de très belles scènes comme lorsqu'ils essaient de cuisiner le même plat, qu'ils organisent un souper à quatre avec Artus et Charlotte ou encore lorsque Machin dont le père a longtemps travaillé dans un opéra aide Machine durant ses répétitions. À défaut de crédibilité, on parvient au moins à nous attendrir!

Reflet de la société

Aussi farfelue la prémisse puisse elle s'avérer, reste qu'elle trouve écho au monde dans lequel nous vivons. On le sait, à l'ère des médias sociaux et des multiples sites de rencontre, il n'a jamais été aussi facile de rencontrer l'âme sœur... en principe. Pourtant, une étude de la Florida Atlantic University relayée récemment dans le Huffington Post nous apprenait que la génération des milléniaux née après 1990 était la plus inactive sexuellement depuis les années 20 à l'aube de la Grande dépression. L'éducation sexuelle par rapport aux ITS ou l'accessibilité à la pornographie pourraient expliquer les résultats de cette étude, mais l'influence des réseaux sociaux n'est pas à prendre à la légère et Un peu, beaucoup, aveuglément avec son mur est la métaphore de ce constat qu'elle dénonce en même temps. À l'image d'échanges amoureux ou sexuels sur les Tinder, Grindr de ce monde, les gens jugent par les photos et échangent quelques banalités en peu de caractères ce qui rend le tout pour le moins superficiel. Peur au final d'être déçus? S'entretenir d'illusions sans pour autant franchir le pas?

C'est assurément à ce petit jeu de déni auquel s'adonnent Machin et Machine (d'où leurs noms d'emprunt), eux qui n'ont pas eu des expériences amoureuses heureuses et qui ont littéralement peur de la proximité. En même temps, bien qu'ils n'osent pas franchir le cap décisif, leur relation a tout de même certaines bases non négligeables puisqu'en ne se voyant pas, ils n'ont d'autre choix que de s'écouter (et non s'entendre) et de ne se laisser distraire par rien d'autre. Que ce soit par leurs échanges ou la musique (très belle trame sonore en passant), leurs cœurs se sont conquis et c'est dans cette perspective que la finale, évidente dès le début, fait pourtant son effet.

Un peu, beaucoup, aveuglément s'en est très bien tiré à sa sortie en salle puisque durant six semaines, le film est demeuré dans le top 20 des films les plus populaires, en plus d'engranger 3,6 millions $ en ventes sur le marché international. Et à défaut de Clovis Cornillac derrière la caméra prochainement, on pourra le retrouver bientôt en tant qu'acteur dans la deuxième saison de Chefs de France 2 dont le tournage s'est terminé récemment.

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