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Créativité, esprit d'initiative: ce qui fait vraiment la différence en entreprise

Le monde des affaires regorge d'exemples d'entreprises qui ont fait des miracles ; de business qui ont besoin de générer du profit, mais qui ne considèrent pas ce dernier comme une finalité.
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L'opinion commune veut que le travail passe avant le plaisir, ou que l'on ne mélange jamais les deux. En effet, le terme "business" vient du mot northumbrien "bignes", qui signifie "faire attention, inquiétude ou occupation". Si faire attention n'est pas une expression souvent associée au monde du travail, l'inquiétude ne fait pas de doute. Surtout en temps de crise. Il est facile d'imaginer le monde des affaires comme un environnement froid et impitoyable, où "l'ouragan perpétuel de destruction créatrice" de Joseph Schumpeter ne cesse de souffler, où les loups s'entre-dévorent et où seuls les plus solides survivent.

Cette image n'a rien à voir avec le business. Le business, une histoire humaine. Humaine comme lorsqu'un groupe de personnes se réunit pour accomplir ce qu'elles ne peuvent faire seules. Et s'il est facile de mesurer des accomplissements en termes de bénéfice, le concept même de création de valeur est bien plus important. Au-delà du profit, les entreprises apportent une immense contribution à la société. En voici quelques exemples : un diplômé du MIT utilise son expérience pour fournir l'électricité à des familles isolées en Tanzanie. Un docteur met en place en nouveau concept d'hôpitaux pour rendre les soins accessibles aux populations indiennes. Un homme au Danemark transforme son amour et sa compassion pour sa femme sourde en un moyen d'aider des millions de gens. Le monde des affaires regorge d'exemples d'entreprises qui ont fait des miracles ; de business qui ont besoin de générer du profit, mais qui ne considèrent pas ce dernier comme une finalité.

Combien d'entre nous rejoindraient de leur plein gré une entreprise qui chercherait à nous transformer, à tel point que le sens de nos vies en serait modifié ? C'est le genre de transformation auquel on peut s'attendre lorsqu'on entre dans l'adolescence, quand l'on se marie ou que l'on devient parent. Ce n'est pas le genre de changement que l'on aimerait se voir imposer par une entreprise.

Cette idée nous conduit au problème qui ronge la science du management : le bonheur des hommes entre-t-il en ligne de compte dans toutes les équations de marche ? Des valeurs immatérielles telles que la créativité, la passion, l'engagement ou l'imagination jouent-elles un rôle quantifiable dans la création de valeur ? Au fil des années, nous avons minutieusement disséqué l'univers des affaires avec le scalpel froid et impartial de l'analyse statistique. "Les progrès de la neuroscience permettent de mieux comprendre notre cerveau et ces émotions que les entreprises cherchent à nous inspirer : joie, surprise, désir."

Dans notre effort pour obtenir une crédibilité scientifique, nous avons fait tout notre possible pour déshumaniser le monde de l'entreprise. Et l'approche scientifique a sans nul doute apporté des améliorations, même si elle comporte des limites. Quant aux rouages secrets de notre cœur, de notre esprit et de notre âme, ils restent voiles de mystère.

L'importance des paramètres non mesurables

Comment ces méthodes scientifiques pourraient-elles évoluer pour créer toujours plus de valeur ? Il semble n'y avoir que deux alternatives : il existe des facteurs de réussite mesurables que la science du management n'a pas encore reconnus, peut-être par manque de technologie, d'investissement, de perspicacité ou d'imagination, ou il existe des facteurs intangibles de réussite qui défient toute tentative de mesure.

La première option est une possibilité. Nous créons sans cesse des nouveaux modèles de gestion, et la science du management devra certainement évoluer en conséquence. L'un finira toujours par rattraper l'autre : nous avons d'abord créé les usines, puis nous avons utilisé le management pour mieux les exploiter. Cette image illustre la faiblesse de l'approche statistique : elle ne peut trouver comment améliorer un procédé si celui-ci n'existe pas encore, et ne peut identifier que les améliorations graduelles. Il est impossible d'imaginer des modèles de gestion incontestables pour l'avenir en analysant les données actuelles.

Comme Bruce Cameron l'a précisé en 1963 :

"Si toutes les données dont les sociologues ont besoin pouvaient être énumérées, alors, on pourrait les passer dans des machines IBM et les économistes pourraient dessiner des graphiques. Cependant, tout ce qui peut être compté ne compte pas forcément, et tout ce qui compte ne peut pas forcément être compté."

Un autre principe a posé problème a plus d'un membre du club des "grosses têtes" des règles du management : ne peut être amélioré que ce qui peut être mesuré.

Robert McNamara était "l'homme de la situation dans une société, et même une ère où tout était possible". Diplôme de la Harvard Business Schéol (Master en Business Administration), il a été le premier président de la Ford Motor Company qui n'était pas issu de la famille. Puis il a présidé à la Banque Mondiale pendant 13 ans, avant de devenir le Secrétaire à la Défense qui a décidé du rôle des États-Unis dans la guerre du Vietnam. JFK l'avait recruté, lui donnant pour consigne d'améliorer l'efficacité et la force de frappe de l'armée américaine. Une fois nommé, McNamara a rejeté tous les conseils des dirigeants militaires expérimentés, choisissant de s'appuyer sur ces systèmes d'analyse pour prendre les décisions clés concernant la guerre du Vietnam. Avec le recul, on s'aperçoit que beaucoup de ces décisions, fondées uniquement sur des chiffres, ont été fatales. Cela nous conduit à penser que sa vie est un peu comme une étude de cas sur la puissance des outils analytiques et leur capacité à tromper et à induire en erreur.

L'héritage de McNamara constitue un avertissement pour quiconque souhaiterait utiliser uniquement une approche scientifique dans une prise de décision impliquant des paramètres non mesurables. L'erreur de McNamara est telle qu'elle est même restée dans les mémoires (américaines, tout du moins) sous le terme "McNamara Fallacy", dont l'idée est la suivante : on commence par chercher à mesurer ce qui est important, mais on finit par attacher de l'importance uniquement aux choses que l'on peut correctement mesurer. Les processus opérationnels comportent de nombreux paramètres parfaitement mesurables. Mais il en existe qui n'obéissent a rien, tels que le besoin de créativité, l'esprit d'initiative et l'adaptabilité au sein d'une organisation. Et le problème, pour les spécialistes de la science du management, est que ces paramètres non mesurables font souvent la différence. Si la science a contribué à de nombreuses améliorations dans les affaires, il est important de rester réaliste et de reconnaître les limites des approches analytiques. Elles peuvent permettre d'identifier les améliorations en termes de marges, mais elles ne sont pas source de grandeur pour une entreprise.

Jean-Baptiste Danet, DG Groupe de Dragon Rouge, Vice-président de Croissance plus et auteur de Business is Beautiful aux éditions Leduc

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