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Frère Jacques

Si je devais me mettre à dormir de façon régulière, je m'ennuierais un peu de ces heures-là.
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- Réveille-toi! Réveille-toi!

- Hein? Uh? Quoi?

Trois heures du matin, il y a quelques années. Ma nouvelle blonde me secoue comme un prunier. J'ouvre les yeux à moitié, pour la trouver à genoux dans le lit, au-dessus de moi, avec un regard paniqué. Pendant un instant, je m'attends presque à voir un de mes reins entre ses mains, mais je me dis que je me serais réveillé dans une baignoire remplie de glace. Puis, je me rappelle que la glace ne sert que lorsque que l'on souhaite que le patient survive...

Mais non. J'ai encore tous mes organes et il n'y a de sang nulle part. Pas de maniaque dans l'appart non plus, ni de membre de nos familles au téléphone avec une mauvaise nouvelle à annoncer. Décidément cette con... demoiselle a besoin d'avoir une sacrée bonne raison, pour m'avoir fait une telle peur!

- Qu'est-ce qui te prend, calvaire?

- Ben là! Ça fait pas loin de deux minutes que tu ne respires plus!

Ok, ouin... Ça se qualifie, comme raison de me réveiller...

Bienvenue dans le merveilleux monde de l'apnée du sommeil, l'ami...

J'avertis toujours mes blondes que je ronfle. Ça ne les fait pas dormir mieux, mais j'ai au moins la paix sur le sujet, le lendemain matin. J'ignorais jusqu'alors que je cessais aussi de respirer par moments. Ce n'est pas tant l'absence de respiration qui fait paniquer, paraît-il, que le bruit produit quand, à bout de souffle, je me remets à respirer. Je n'y peux pas grand chose. De le savoir, en fait, ne m'avance en rien, et ne change pas grand chose à ma vie. La blonde en question, elle, a passé les deux années suivantes à ne dormir que sur une oreille, au cas où je cesserais définitivement de respirer. Au début, parce qu'elle craignait que cela n'arrive. Vers la fin, parce qu'elle le souhaitait...

J'ai un rapport conflictuel avec le sommeil. J'ignore pourquoi. Ça a toujours été le cas. Je dors peu, et mal, quand je dors. Je ne me mets jamais au lit. Le sommeil me chope où l'énergie me fait défaut : assis à la table de cuisine, à mon bureau, devant un film, sur l'autoroute (je ne dors que dans les lignes droites, vous en faites pas...). Quand je suis en couple, je vais au lit, j'endors ma copine, et je me relève. Dès que j'ouvre les yeux, même s'il est trois heures du matin, ma nuit est terminée. Même si je suis fatigué. Même s'il me suffirait de fermer les paupières pour me rendormir. J'hais ça, et je ne sais même pas pourquoi...

En fait, je ne suis jamais plus en forme que lorsque je suis en couple, parce que je trouve moins long d'essayer de dormir que d'expliquer ça à ma blonde...

Un ami qui s'est récemment découvert un problème d'apnée m'a fait réfléchir sur l'usage de la fameuse machine. Celle qui te pousse de l'air dans les poumons pour que tu respires pendant que tu dors. Celle qui est censée régulariser ton sommeil en facilitant ta respiration. Celle qui tue ton sex appeal aux yeux de n'importe quelle créature vivante. Ouais. Celle-là.

J'ai envie de l'essayer. En cachette. Je sais qu'à moins d'avoir une femme aimante et responsable pour me pousser dans le cul, sur ce coup, je n'irai jamais entreprendre les démarches menant à la prescription de celle-ci, mais je serais curieux de la tester. Juste pour voir ce que ça fait de dormir huit heures de suite, ce que je n'ai jamais expérimenté. Même six, j'aimerais connaître l'effet que ça fait. Je me lève trois fois par nuit depuis si longtemps que j'imagine mal faire autrement. Pendant ce temps, j'ai des amis avec un bébé naissant qui rêvent de ne pas avoir à faire de même. La vie est mal faite.

Je me dis juste que ça ne m'avancerait pas tellement de l'avoir, la machine, parce que je ne dormirai jamais devant quelqu'un avec ça. Vous pouvez rire tant que vous voulez. Brad Pitt peut se permettre de se foutre un masque avec une poche en plastique dans la face lorsqu'il dort, sans parler du bruit, mais uniquement parce que le lendemain, quand il l'enlève, sa blonde se rappelle qu'il a l'air de Brad Pitt. Moi, le lendemain, j'aurai toujours ma tête, insuffisante à faire oublier pareil spectacle. Sans parler de la chose, seigneur!

-Ah, chéri! C'était absolument prodigieux!

-Ouf, oui! Laisse-moi le temps de mettre mon masque ; je m'endors...

Euh... Non?

Je le sais, qu'il faudrait bien. Que je m'use, à ne jamais dormir. Je sais que dans un esprit de préservation, je devrais aller chercher la machine, parce que côté sex appeal, les cernes noirs, c'est pas terrible non plus.

Si je devais me mettre à dormir de façon régulière, toutefois, je m'ennuierais un peu de ces heures-là. Ce n'est pas comme si je les passais à tourner dans mon lit. Je vis. Je lis. J'écris. J'écoute le silence. Quand avez-vous profité d'un silence total pour la dernière fois?

J'ai découvert Victor Hugo dans mes nuits de veille. J'y ai connu Van Gogh. Freud. Jimi Hendrix. Nina Simone. J'y ai écrit six romans, plus de cent nouvelles, des chansons, et de la poésie. Depuis quinze ans, la nuit, j'ai écouté des milliers de films, découvert dix fois plus d'acteurs, et visité des univers fascinants.

Et vous savez le pire? Je n'ai jamais vu Star Wars.

Parce que ça m'endort...

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