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Québec Solitaire

De deux députés, ils sont devenus trois. J'ai salué l'élection de Manon Massé, mais quand les élus de ton parti peuvent encore tenir dans une Coccinelle, je n'irais pas jusqu'à dire que tu es un concurrent sérieux.
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Je suis de gauche. Je l'ai toujours été. J'ai passé trop de temps dans le milieu communautaire, avec les putes, les drogués, les pauvres et les gens souffrant de maladie mentale pour faire autrement. J'ai été travailleur de rue. J'ai travaillé en psychiatrie. J'ai été pauvre comme job. Je n'aime pas les flics, ni notre système de justice qui favorise rarement les petits et les marginaux.

Je devrais donc, techniquement, arriver devant l'urne à bout de souffle, à chaque élection provinciale, tellement je suis pressé de voter pour Québec solidaire.

Mais non.

Quand le parti est venu au monde, il y a dix ans, j'étais curieux. Je savais déjà qu'il n'avait pas la moindre chance d'aller nulle part, mais je me disais qu'à la limite, ils offriraient la chance aux plus humbles d'entre nous d'être entendus. C'était avant de comprendre que la voix préférée d'Amir Kadhir était encore la sienne, et que le plus souvent, il enterrait Mme David en nous en faisant profiter, à toutes les sauces et sur tous les sujets possibles et imaginables.

De deux députés, ils sont devenus trois. J'ai salué l'élection de Manon Massé, mais quand les élus de ton parti peuvent encore tenir dans une Coccinelle, je n'irais pas jusqu'à dire que tu es un concurrent sérieux. J'ai apprécié d'entendre de plus en plus Françoise David, et de moins en moins Amir Khadir, mais pas au point de priver le PQ d'un vote dont ils avaient cruellement besoin pour venir à bout des libéraux. De plus, chaque fois que les vieux partis me dégoûtaient assez pour que j'envisage de le leur accorder, QS faisait une déclaration tellement fantaisiste que leur crédibilité retombait au niveau zéro.

Demander un salaire minimum de quinze dollars de l'heure, out of the blue, passe encore. Ce n'est pas réaliste, mais c'est plein de bonnes intentions. La plupart du temps, d'ailleurs, leurs bonnes intentions sont tout ce qu'ils ont à mettre de l'avant, parce que les mesures proposées sont si déconnectées de la réalité qu'elles en auraient presque du charme, à défaut d'être adoptées. Transport en commun gratuit? Travailler moins pour gagner plus? Compagnies minières gérées de façon plus démocratique? J'adore. Je prendrais également un voyage en Italie, une BMW et un rendez-vous avec Karine Vanasse, tant qu'à rêver les yeux ouverts...

Je ne sais pas s'ils savent, en annonçant qu'ils prendront le pouvoir d'ici dix ans, à quel point ils semblent à côté de la plaque. À quel point ils démontrent leur méconnaissance des réalités politiques du Québec. M.

Legault, dont le parti a fait la joie des libéraux aux dernières élections, a déjà l'air de rêver lorsqu'il annonce la même chose, mais Québec solidaire? S'il vous plaît...

Ils dénoncent également à grands cris la corruption, et je salue leurs sorties chaque fois. Ça passe moins bien, toutefois, lorsqu'ils mettent de l'avant aussitôt après l'absence de celle-ci au sein de leur parti. Sérieusement? Qui irait tenter de soudoyer une équipe de trois personnes qui ne possède pas le moindre pouvoir?

Je ne peux toutefois que me désoler de leur manifeste, qui devrait en principe les mettre en valeur. Entre les analogies faciles et malheureuses, des clichés toutes les quatre lignes, du populisme jusqu'à la nausée, j'ai l'impression de parcourir un mauvais discours du printemps érable. Que les riches paient! Que les pauvres triomphent! Combattons les multinationales et la mondialisation! Ils abordent les «élites déconnectées» comme s'ils ne l'étaient pas eux-mêmes, et traitent de tous les combats sociaux qui ont eu lieu dans les cinquante dernières années comme s'ils en étaient à l'origine. À mi-lecture, je me suis retourné vers une amie pour lui dire que je m'étonnais qu'ils n'y citent pas Michel Chartrand, un coup parti.

La citation de Chartrand se trouvait deux paragraphes plus loin...

Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi ils font à ce point l'apologie des régions, pour qui QS est un phénomène de Montréal sans grand intérêt. S'ils veulent un jour compter plus de trois députés (et le temps presse, puisque leur prise de pouvoir se fera en 2026...), ils ont intérêt à sortir de la métropole. À rameuter également, sous le principe de solidarité, tous les insatisfaits chroniques, les marginaux, les nouveaux arrivants, les autochtones, les gais, lesbiennes, trans et compagnie, qui sont tous cités dans le manifeste. Il le faudra, puisque le quidam moyen ne semble pas vouloir voter pour eux... J'aime bien, aussi, les voir crier au «diktat des métropoles» afin de tenter de gagner des votes en région. Apparemment, le dicton qui conseille de ne pas chier là où tu manges leur est inconnu. Sans Montréal, pas de Québec solidaire. Aussi simple que ça...

Ce qui m'attriste franchement, c'est qu'une femme de l'intelligence de Françoise David pourrait, au sein d'un parti sérieux, faire avancer avec plus de succès les causes qu'elle défend. Même en cas d'échec, elle forcerait le débat beaucoup plus qu'elle n'est en mesure de le faire actuellement.

Je vous laisse sur cet extrait, assez représentatif du manifeste de Québec solidaire, qui illustre bien qu'en voulant trop en faire, parfois, on se ridiculise un brin:

«Les pelleteux de nuages, ce sont les gens obsédés par le pétrole, la compétition économique et l'incontournable mondialisation.»

Uh? Par chez nous, ça, c'est un capitaliste.

Pour un pelleteux de nuages, prière de trouver un miroir...

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