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La leçon de courage de la SPCA

Au regard de la loi ridicule qu'il compte faire adopter le 26 septembre, j'ai parfois envie de me pointer à la mairie de Montréal avec un chien, et de demander au maire Coderre de l'identifier.
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Au regard de la loi ridicule qu'il compte faire adopter le 26 septembre, j'ai parfois envie de me pointer à la mairie de Montréal avec un chien, et de demander au maire Coderre de l'identifier. De me dire si c'est ou non un pitbull, uniquement à son apparence. Je vous entends d'ici avancer que le bonhomme Coderre n'est pas un spécialiste canin, ce qui ne semble pas l'empêcher de dédaigner l'avis de ceux qui le sont, et qu'il n'y a pas de raison qu'il puisse identifier la part de pitbull dans un chien. Vrai.

Le problème, c'est que les spécialistes ne le peuvent pas non plus.

La docteure Gabrielle Carrière, assise en face de moi dans ce café, est, elle, une spécialiste. En fait, on peut difficilement trouver mieux en la matière, puisque la Doc est, malgré sa jeune trentaine, la vétérinaire en chef de la SPCA. Depuis le début du débat sur la question, sa passion en a fait un visage connu, et, à mon avis, la voix de la raison dans un océan de stupidité.

Je ne suis on ne peut mieux placé pour le dire, car j'ai participé, comme tant d'autres acteurs de la presse écrite, à jeter de l'huile sur le feu, uniquement pour traiter du sujet de l'heure. Mon billet n'était assurément pas aussi mauvais que celui de Facal, et était surtout humoristique, mais il avait été écrit pour obtenir des rires faciles, sans avoir fait l'effort d'une réflexion poussée. Mea culpa. Si le maire Labeaume, peu reconnu pour admettre ses erreurs, est capable de revenir sur ses paroles, votre humble serviteur, même s'il a toujours soutenu que ce n'était pas la place d'un élu qui n'y connaît rien de légiférer en la matière, le peut également.

Un chien avec une grosse tête, au poil court et aux yeux légèrement en amande, déambule justement devant la terrasse. C'est le troisième du genre, sur sept chiens, à passer devant nous depuis le début de l'entrevue. Tous calmes. Tous en laisse. Tous accompagnés de gens à qui vous n'accorderiez pas un second regard, tant ils sont banals. Aucun mohawk vert. Aucun manteau de cuir muni de pointes. Parce que c'est ainsi que la populace ignorante imagine le propriétaire type de pitbull, comme si des caractéristiques physiques particulières pouvaient empêcher d'aimer son chien, ou de s'en occuper avec diligence. Et si l'on accepte que l'apparence du propriétaire n'a rien à voir avec le comportement de son chien, pourquoi en serait-il autrement avec l'apparence du chien ? Je pointe celui qui vient de passer.

- Et celui-là ? C'en était un ?

- Impossible à dire. Peut-être. Peut-être pas. C'est justement là le problème. Et comme les tests d'ADN ne sont pas fiables du tout, pour les chiens issus d'un croisement, ce règlement va mener à la mort d'un tas de chien qui n'ont rien à voir avec ce débat. Et d'un tas de pitbulls dont le comportement est irréprochable.

La SPCA, depuis l'annonce de sa décision d'abandonner le volet canin si le maire, malgré les conseils de tous les spécialistes, s'entête à se faire du capital politique sur le dos des propriétaires de chiens, se prend des baffes de tout bord tous côtés, ce qui me semble particulièrement injuste au vu du travail phénoménal qu'ils accomplissent depuis des années, et de la pureté de leurs intentions.

«Une petite demi-heure dans les écoles, pour enseigner aux enfants comment se comporter avec les chiens, pourrait éviter un grand nombre de morsures»

Uniquement depuis le 1er juin, ils sont venus en aide à 1915 animaux abandonnés. 1915. Pensez-y un instant... La ville, elle aussi, ferait bien d'y penser, parce qu'à la prochaine période des déménagements, il n'y aura plus personne pour prendre soin de la moitié de ces animaux. Vous paniquez déjà quand vous voyez un chien sans laisse au parc. Imaginez quand il s'agira de chiens errants dans vos rues...

Mais le maire, comme le disait mon vieux, ne comprend ni du cul ni de la tête, et persévère dans son désir de faire adopter une loi inepte et inefficace. Une loi à laquelle, d'ailleurs, la SPCA ne s'oppose qu'en partie, car elle ne conteste pas toutes les propositions de celle-ci, loin s'en faut.

- La SPCA s'oppose principalement au bannissement d'une race particulière!, me dit la vétérinaire, et sa passion est contagieuse. Parce que toutes les études, partout dans le monde, prouve que c'est inutile ! Totalement inefficace ! Ça ne protégera pas la population, d'interdire les pitbulls ! Pas un instant ! En plus, ça va stimuler un faux sentiment de sécurité qui peut même être dangereux ! Les lois sont déjà en place ! Il suffit de les faire appliquer.

La stérilisation ? L'éducation ? La micropuce ? L'enregistrement ? Absolument ! La Docteure Carrière est pour à 100%, comme le sont ses collègues. Ce sont eux qui doivent gérer les chiens perdus, la surpopulation animale, les préjugés, et le fait que seulement 14% des chiens de Montréal soient dûment enregistrés ne leur facilite pas la tâche.

Alors qu'une petite demi-heure dans les écoles, pour enseigner aux enfants comment se comporter avec les chiens, pourrait éviter un grand nombre de morsures (et d'autres races que le pitbull possèdent des dents, M. Coderre...) on s'entête à vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain.

Je le répète ici pour les malentendants :

Vous ne serez pas plus en sécurité une fois les pitbulls bannis.

«Le mouvement de panique, exploité par des politiciens sans vergogne et en mal d'attention, et la désinformation des médias ne laissent aucune chance aux chiens qui ont eu un comportement exemplaire.»

Gabrielle Carrière a euthanasié des chiens. Des tas. Ça fait partie de son boulot, et protéger la population des chiens dangereux aussi. Elle le fait avec humanité. L'idée de tuer un chien innocent, ou de se voir interdire d'en faire adopter un uniquement parce que c'est un pitbull, l'exècre. De voir les médias, à l'exception de Radio-Canada qui a tenté de rétablir la vérité, se lancer dans la course à celui qui citera le plus de sources erronées, pour faire paniquer une population qui croit encore que le pitbull est une race de chiens (le terme en regroupe quatre), la laisse pantoise. Le mouvement de panique, exploité par des politiciens sans vergogne et en mal d'attention, et la désinformation des médias ne laissent aucune chance aux chiens qui ont eu un comportement exemplaire.

Le terme chantage a été prononcé plusieurs fois, depuis que la SPCA a lancé son ultimatum. Personnellement, j'appelle ça du courage. Un grand courage, et je vous rappelle que je n'ai pas de chien, que je n'ai même jamais flatté un pitbull, et que le troll qui va tenter de dire que mon jugement est biaisé peut s'attendre à une volée de bois vert...

Si la population réfléchissait et s'informait, ce que de mémoire d'homme, elle n'a jamais fait, le Maire Coderre, avec un tel projet de loi, aurait fait rire de lui, et se serait fait traiter d'opportuniste pathétique. C'est l'avis de votre humble serviteur et non celui de la Dre Carrière, qui mesure ses mots quand j'aborde le sujet du maire.

Comme je suis un délinquant par nature, je tente même de l'entraîner vers le côté sombre. Laisserait-elle se sauver un pitbull au comportement irréprochable, si une telle loi passait, alors que sa famille l'attend dans la ruelle derrière ? Accepterait-elle de contourner la loi pour sauver des chiens innocents qui n'ont eu d'autre tort que de croiser le chemin d'un politicien vide, amateur de selfies et de coups de gueule rarement fondés ? Avant même que je ne termine ma question, elle secoue déjà la tête.

- Si la loi passe, et tout porte à croire qu'elle passera, on la respectera. Sans parler pour les autres, toutefois, je peux déjà te dire que je ne tuerai pas de chiens qui n'ont aucun comportement agressif uniquement pour m'y plier. Mon travail est de prendre soin des animaux dans le besoin, et de protéger la population de ceux qui représentent un danger, dont le pourcentage n'est pas plus élevé chez les pitbulls que chez les autres races, ce qui prouve l'inefficacité de cette loi. Je suis prête à perdre mon emploi, si ça doit aller jusque là.

Si la Dre Carrière devait effectivement pâtir de cette loi, comme nombre de ses collègues qui partagent son point de vue, nous serions les perdants. Parce que la compétence, poussée à ce point, est rare, et serait immédiatement récupérée par le secteur privé. Merci M.Coderre...

Et je ne parle même pas ici de l'engorgement du système de justice que causeront immanquablement les contestations, ni du fait que d'interdire un chien à quelqu'un pour cause de casier judiciaire n'est ni plus ni moins que du profilage, ce qui est illégal et hautement inconstitutionnel. Cette loi, vraiment, c'est du n'importe quoi. On s'en offusquerait encore plus si la prestation de notre maire, depuis son entrée en poste, n'entrait pas dans la même catégorie.

Le sentiment général, à la SPCA, est que la loi passera, ce qui démolit l'argument de chantage. Ils acceptent de se mettre autant de gens mal informés à dos, de risquer leurs emplois, et d'abandonner le volet canin alors que ça leur brise le cœur, et ils le font en sachant qu'ils n'ont aucune chance de réussir. Ils le font par conviction, par humanité, et parce que quelqu'un doit se lever pour combattre la folie ambiante.

Et ça, mes amis, c'est du courage. Du courage à l'état pur.

Découvrez d'autres textes de Jean-Michel David sur son blogue personnel.

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